C’est une drôle d’année scolaire qui s’annonce pour Romain. Sa grand-mère décédée récemment laisse en héritage un appartement en plein centre ville. Pour le jeune garçon pensionnaire du lycée voisin, l’occasion est trop belle, il propose à ses parents d’occuper les lieux avec deux colocataires. Au départ impensable, surtout pour sa mère, l’idée fait son chemin et alors que la rentrée approche à grands pas, Romain, Rémi et Maxime s’installent dans un quotidien qui va bouleverser leurs certitudes et les responsabiliser bien plus qu’ils ne l’auraient imaginé.
L’avantage de lire un roman sur les années lycée quand elles sont loin derrière nous c’est que ça peut rappeler des souvenirs. J’avais un copain en première qui vivait seul dans un grand appartement. J’y ai passé des nuits mouvementées sur lesquelles il est préférable que je ne m’étende pas ici sous peine d’écorner l’image de bon père de famille respectable et prude que je m’évertue à défendre chaque jour sur ce blog (si, si, je vous jure !). En tout cas je trouve Romain et ses colocs bien raisonnables par rapport à ce que j’ai connu (mais ce n’est pas un reproche, au contraire parce que nous, franchement…).
Jean-Philippe Blondel est plein de bienveillance pour ses personnages, mais il développe à leur égard une empathie n’éludant aucun des soucis propres à l’adolescence : les difficultés scolaires, l’estime de soi, le rapport aux autres, les premières histoires d’amour, les conflits avec les parents, etc. On positive en finesse, sans dresser un tableau totalement noir ni tomber dans un optimisme béat, et les adultes ont eux-aussi leurs failles, tout se tient parfaitement. En plus il prend son temps pour installer la situation, il s’attarde sur les négociations menées par Romain pour obtenir gain de cause, sur le déménagement, l’organisation purement matérielle de la colocation, sur ces compromis qu’il n’est pas toujours évident de faire à 16 ans quand on apprend à vivre ensemble. Cette immersion n’oubliant aucun détail donne une dimension très réaliste et vraiment agréable au récit.
Finalement, cette année entre colocs, ce début d’indépendance et de mise en responsabilité ressemble à la vie : des montagnes russes ménageant des moments de bonheur, de tristesse, d’inquiétude et d’interrogation. Une année pour se chercher, se trouver, se révéler, pour grandir sans totalement s’affranchir de la tutelle des adultes. Le genre d’année à laquelle on repense le sourire aux lèvres et avec nostalgie, même quand on est devenu un vieux con. Un roman jeunesse qui fait du bien, quoi.
La coloc de Jean-Philippe Blondel. Actes Sud junior, 2015. 146 pages. 12,50 euros. A partir de 14 ans.
Et comme chaque mardi ou presque c'est une lecture que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.