Les FIBRES pour les « nuls » – Jean-Michel Lecerf / Chef du service nutrition de l'Institut Pasteur de Lille

Publié le 30 mars 2015 par Santelog @santelog

Une alimentation riche en fibres est bénéfique pour la santé. Cependant, les fibres alimentaires sont un peu les mal aimées, voire les plus mal connues de tous les nutriments. Peut-être parce que leur destinée ne nous semble pas noble puisqu’elles terminent non digérées à l’entrée du côlon et à ce titre longtemps considérées comme des  » résidus « .

C’est en effet leur définition : ce sont des glucides non attaqués par les enzymes digestives, salivaires et pancréatiques surtout. C’est une très large famille d’éléments nutritifs dont la très grande majorité est constituée de polysaccharides.

On distingue ainsi :

Les polysaccharides amylacés, représentés exclusivement par l’amidon résistant,

c’est-à-dire l’amidon rétrogradé lors du refroidissement (après cuisson).

Les polysaccharides non amylacés

·   Cellulosiques : la cellulose

·   Non cellulosiques

-   les hémicelluloses dont les bétaglucanes

-   les pectines

-   les fructanes dont l’inuline

-   les xylanes et arabinoxylanes

-   les gommes et mucilages

-   les guars

Les oligosaccharides

·   les fructo-oligosaccharides (FOS)

·   les xylo-oligosaccharides (XOS)

·   les galacto-oligosaccharides (GOS)

Les non polysaccharides : lignine

Excepté quelques oligosaccharides très spécifiques du lait des mammifères, les fibres sont exclusivement végétales. Leur distribution dans le règne végétal est complexe car la plupart des aliments contiennent plusieurs types de fibres, les légumes contiennent de la cellulose et de la lignine (végétaux trop vieux surtout) ; les fruits contiennent de la pectine et de la cellulose ; les céréales contiennent des hémicelluloses et des arabinoxylanes ; certains légumes sont riches en inuline (topinambour, artichaut, chicorée, oignon…) ; les pois et les légumineuses contiennent des galacto-oligosaccharides.

Les fibres exercent de très nombreux effets tout au long du tube digestif : ceux-ci sont fonction de leur solubilité et donc de leur viscosité, puis de leur fermentescibilité colique. Les fibres cellulosiques et la lignine sont insolubles, alors que les plus visqueuses sont les bétaglucanes et les pectines ; les plus fermentescibles sont les oligosaccharides. Les fibres visqueuses ralentissent la vidange gastrique, ce qui diminue l’index glycémique. Les hémicelluloses augmentent l’élimination des acides biliaires, ce qui entraîne une diminution du cycle entéro-hépatique des acides biliaires et donc de la  » récupération  » du cholestérol. Ceci aboutit à une  » privation  » de cholestérol hépatique, ce qui induit une augmentation de synthèse des récepteurs aux LDL, une captation du cholestérol sanguin et donc une baisse du cholestérol LDL.

Les fibres diminuent aussi le cycle entéro-hépatique des œstrogènes, ce qui entraîne une baisse des œstrogènes circulants.

Leur effet déminéralisant n’existe que pour des doses massives. De plus, l’acidification colique liée à la fermentation colique permet la dissociation des complexes de minéraux et leur absorption tardive dans le côlon. Les fructo-oligosaccharides (FOS) augmentent même l’absorption du calcium.

Une partie des effets des fibres vient de leur fermentation colique. Celle-ci est due à l’utilisation des fibres comme substrat énergétique pour la flore colique. Ainsi les fibres contribuent au maintien du microbiote (ou microflore) colique et à sa diversité. Les prébiotiques correspondent à des fibres fermentescibles ayant des effets bénéfiques pour la santé : le périmètre des prébiotiques n’est cependant pas bien défini aujourd’hui et il ne se limite plus aux fibres bifidogènes, ce qui est beaucoup trop limitatif. Les FOS et les XOS (xylo-oligosaccharides) exercent aussi, via la flore, un effet anti-inflammatoire en diminuant le passage du lipopolysaccharide (résidu des bactéries gram négatif) bactérien (LPS) dans la circulation. La fermentation colique conduit à la production de CO2, H2, H2S, CH4 et d’acides gras à chaîne courte dits acides gras volatils qui exercent un puissant effet protecteur vis-à-vis du cancer colorectal en ayant un effet trophique sur les colonocytes. Enfin, cette fermentation colique, partielle et variable selon les individus et selon la flore (de chacun), contribue à la fourniture d’énergie (via les AGCC surtout) à hauteur d’environ 2 Kcal/g en moyenne. Mais certains individus ont une flore qui va induire un transfert d’énergie plus important à l’organisme hôte et donc une rétention d’énergie plus importante, alors que d’autres seront des  » gaspilleurs  » d’énergie en l’éliminant.

Tous ces effets rendent compte du fait qu’une alimentation riche en fibres est bénéfique pour la santé en améliorant le métabolisme glucidique et lipidique, en diminuant le risque cardiovasculaire et le risque de cancer colorectal et de cancer hormonodépendant.

 

Source : La Lettre de la Nutrition- Lettre d’Information des Thermes de Brides-Les-Bains® N°17 – mars 2015 (Visuels@Fotolia)

Auteur : Jean-Michel Lecerf, Chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille