Que faire lorsqu'un patient et son médecin ne sont pas du même avis sur la meilleure marche à suivre? Lorsque le patient a compris les enjeux, qu'il est capable de raisonner avec comme vous et moi, qu'il est comme on dit capable de discernement, on doit clairement admettre que c'est lui qui doit avoir le dernier mot.
Mais que faire alors lorsqu'on sait à l'avance ce que l'on veut ou non, mais qu'on risque de ne pas être capable de s'exprimer le moment venu? De nombreux pays reconnaissent alors son droit à s'exprimer par écrit, dans des directives anticipées. C'est alors considéré comme un droit de tout un chacun. En Suisse, cela va faire partie du nouveau Code civile, entré en vigueur en janvier 2013. Mais en même temps c'est un document difficile à écrire, et dont la compréhension tombe vite à côté de la plaque si on ne prend pas quelques précautions. J'en ai résumé quelques unes pour les médecins récemment, et bien sûr elles valent aussi pour les patients. L'Académie Suisse des Sciences Médicale a aussi écrit un guide pour la pratique. Mais en fait, pour rédiger ses directives anticipées, pas besoin d'être ni médecin ni patient car la première chose à se rappeler est que:
1) Avoir des directives anticipées est une bonne idée si l'on a des souhaits importants à transmettre. Il n’y a pas besoin d’être malade, ou âgé. Le bon moment pour rédiger une directive anticipée est le moment où on a quelque chose à dire sur ce que l’on veut dans une situation future où l'on ne pourrait pas s’exprimer. En revanche, écrire une directive anticioée n'est important qu'à condition d'avoir quelque chose qui nous importe à y mettre. la rédiger est un droit, en aucun cas un devoir.
Ensuite, les points les plus importants à considérer sont:2) Bien réfléchir à ce que l'on met dedans. Qu'est-ce qui m'importe vraiment? Lorsque l'on prend des décisions importantes, on réfléchit. On fait de son mieux pour s'imaginer en situation. On consulte des personnes de confiance. Les décisions qui concernent ce que l'on met dans une directive anticipée sont pour de vrai et doivent être traitées comme telles. Et puis la question la plus difficile: est-ce que je risque de changer d'avis une fois vraiment dans la situation que je m'imagine? Vous voyez pourquoi c'est une réflexion à mener sérieusement.
3) En parler avec votre médecin traitant. Même si ce n’est pas requis, il est sage de se faire aider pour rédiger des directives anticipées. Il s’agit d’y exprimer des attentes réalistes pour des scénarios possibles, et d’exprimer sa volonté dans un langage qui sera intelligible pour les professionnels. La plupart des personnes auront besoin d’aide.
4) Connaitre les limites de la démarche : on ne peut pas demander quelque chose d’illégal. De manière générale, on ne peut pas demander dans une directive une chose qu’on ne pourrait pas obtenir en la demandant de vive voix, alors qu'on est encore capable de discernement (un lit d’hospitalisation dans telle unité, plutôt que telle autre, par exemple).
6) Expliquer concrètement ce qui vous importe. Des termes comme ‘pas d’acharnement thérapeutique’ sont trop vagues pour être appliqués et il vaut mieux les éviter. Quelles sont les situations auxquelles vous pensez? Dans ces situations, que craignez-vous, qu'espérez-vous? Que seriez-vous prêt à sacrifier, ou justement pas? Y a-t-il des choses qui sont plus importantes que la survie pour vous, et quelles sont-elles?
7) Expliquer vos raisons : cela montrera que vous avez compris les enjeux de vos choix, et permettra aux soignants de mieux respecter vos directives. Si votre description indique que vous n’avez en fait pas compris, permettre aux soignants de le voir est aussi une protection pour vous.
8) Nommer un représentant thérapeutique est souvent encore plus utile que de tenter de s’exprimer soi-même par delà la perte de la capacité de discernement. La personne désignée doit être au courant de sa désignation, du rôle que cela implique, des priorités du patient. Elle doit bien sûr être d’accord de remplir ce rôle. Son pouvoir de représentation sera prioritaire sur celui des autres proches. Il faut explorer si cela pourrait poser problème. Bref, avant de désigner une personne comme représentant thérapeutique il faut parler avec elle.
9) Indiquer dans les directives où sont les exemplaires. Si vous changez d'avis il faudra tous les remplacer par la nouvelle version et d'ici-là vous aurez peut-être oublié où ils sont.
10) Dater et signer, pour rendre la directive valable et aussi en indiquer l'âge. C'est prudent de la revisiter de temps en temps. Si vous continuez de penser la même chose, indiquez-le en renouvellant la date. Si vous avez changé d'avis, renvoyez aussi le contenu...
Car une directive anticipée ne prendra en fait effet que lorsque l'on sera soi-même devenu incapable de discernement. Tant que nous restons un interlocuteur lucide, c'est directement nous qui prendrons à la fin des décisions nous concernant. Cela signifie que l'on peut aussi à tout moment changer oralement ses directives anticipées, tant qu'on est encore capable de discernement.