Noël Mamère. Après les départementales, le sursaut ou la fragmentation

Publié le 30 mars 2015 par Blanchemanche


Manuel Valls et François Hollande, à l’Elysée, le 30 mars 2015 (ERIC FEFERBERG/AFP)La claque est dure pour ce qu’on appelait « la gauche ». Elle est défaite K.-O. debout : 27 départements perdus corps et biens, et l’appareil du Parti socialiste touché au cœur. Il va devoir faire face à son plus grand plan social depuis 1992 et tenter de recaser des centaines de membres de cabinets des conseils généraux sortants.Les bases de la gauche de gouvernement sortent profondément ébranlées de ce tsunami électoral. De nombreux bastions que l’on croyait inexpugnables sont tombés : la Corrèze du Président, l’Essonne du Premier ministre et du « frondeur » Jérôme Guedj, le Nord de Martine Aubry, la Seine-Maritime de Laurent Fabius… Personne ou presque n’a été oublié dans cette tourmente.Dans le déni complet, les dirigeants du PS nous expliquent que 27 départements perdus, c’est mieux que 40, qu’ils auraient mieux résisté que prévu, que tout est encore possible pour 2017… A condition qu’on se rassemble, le petit doigt sur la couture du pantalon ! Ces fadaises cachent mal le cul-de-sac dans lequel ils ont entraîné le peuple de gauche.

Hollande et Valls coupables

Qui est responsable de ce désastre ? Ceux qui ont refusé de s’embarquer dans ce « Radeau de la Méduse » gouvernemental dont les sirènes appelaient à l’unité ? Fallait-il que, tels des moutons de Panurge, les récalcitrants renient leurs convictions et se sacrifient pour venir s’échouer avec ce rafiot en perdition ?Décidément, les vieilles recettes ne marchent plus. François Hollande et Manuel Valls ne sont ni Léon Blum ni même François Mitterrand. Ils n’ont pas dirigé le Front populaire et n’ont pas construit l’Union de la gauche. Leur seul titre de gloire est d’avoir démantelé, pierre après pierre, le socle qu’avaient construit leurs aînés. Au nom du réalisme social-libéral d’une gauche de comptables, ils ont non seulement oublié leurs promesses de campagne, mais encore détruit les rêves de leur électorat qu’ils ont poussé dans la désespérance. Dès lors, doit-on continuer à se soumettre à leur logique ? Telle est la question posée à chacun d’entre nous, en son âme et conscience.Longtemps l’unité a été le sésame de la gauche. Aujourd’hui, elle n’est qu’une impasse. Car le sens même du mot a été perverti par ceux qui l’utilisent pour intimider et détourner les réfractaires à leur politique de gribouille. L’unité, d’accord, mais à quel prix ? A part ceux que l’on va acheter pour un plat de lentilles, qui peut être intéressé par « l’offre politique » du « vallsisme » ? C’est pourquoi je ne participerai pas, le 4 avril, au Canossa de l’écologie, à ce rendez-vous de bourgeois de Calais réunis pour vendre aux enchères, à bas prix, l’écologie politique. Je ne me sens rien de commun avec cette génération qui dilapide le capital laissé par ses aînés pour un poste de sous-ministre temporaire. Je leur laisse bien volontiers ce goût amer de la trahison. Ils perdront à la fois leur honneur et les élections. Quand le bateau coule, on sacrifie toujours en premier les moins utiles aussitôt considérés comme des parasites.

Compter sur la France du bas

Seul un sursaut peut nous sauver, mais il ne viendra pas des forces politiques organisées. Comme toujours dans notre pays, il montera de la France du bas, du tréfonds du peuple. Loin de la résignation et du renoncement, il a déjà engagé la transition culturelle, sociale, écologique. Partout, en France et en Europe, des milliers d’initiatives foisonnent où les gens prennent leurs affaires en main, s’organisent, se mutualisent, s’entraident, loin de nos débats politiques stériles. C’est sur cette France-là, comme sur celle qui souffre, abandonnée aux marges de la République, que l’écologie politique et les forces émancipatrices doivent se concentrer. L’heure est à la fédération des énergies autour d’un autre mode de vie et de développement.Derrière cette lente décomposition se profile la sortie inéluctable du vieux modèle, basé sur une croissance qui ne reviendra pas. Les Trente Glorieuses, c’est fini.La tripartition politique n’est pas celle que l’on croit. La France comme l’Europe, a le choix entre trois modèles :
  • la régression généralisée, version national-populisme ;
  • l’ultra-libéralisme et la société de précarité, à la chinoise ou à l’américaine, qui réunit l’UMP et le PS ;
  • la transition démocratique, sociale et écologique. Ce que nous appelons « la société du bien-vivre ». Sauf que cette dernière histoire, n’est pas racontée par les médias et la classe politique, qui préfèrent en rester au FN, à l’UMP et au PS, qui représentent deux modèles en perdition.

Ensemble, autour d’idées simples

« La société du bien-vivre » doit maintenant se donner une expression politique autonome. Il faut en finir avec la fragmentation de la pensée et de l’action militante et refonder la volonté de changement autour d’idées simples :
  • le cosmopolitisme contre le nationalisme et le repli sur soi ;
  • l’autonomie contre les lobbies, car rien ne se fera sans la capacité d’action de ceux d’en bas ;
  • la défense du commun contre la marchandisation de la vie.
Les zones à défendre ne sont pas seulement à Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens, mais d’abord dans nos têtes. Nous avons abandonné les quartiers populaires, les chômeurs, les classes défavorisées ; la réalité se venge.Oui, il faut se rassembler, mais autour d’un projet de société partagé et pas dans un sauve-qui-peut généralisé.Oui, nous devons mettre en œuvre la convergence des solidarités, pour en finir avec la fragmentation des résistances.Faute d’avoir engagé la bataille des idées, nous avons retardé le moment de vérité. Nous sommes maintenant au pied du mur. Et c’est là, selon le proverbe, que l’on voit le maçon.Noël Mamère
Député de GirondePublié le 30/03/2015http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-noel-mamere/2015/03/30/apres-les-departementales-le-sursaut-ou-la-fragmentation-234414?fb_action_ids=937466366276422&fb_action_types=og.likes