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Sharon Dogar

Publié le 30 mars 2015 par Ninie W. @ninie067

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Cachés

Picture Auteur : Sharon Dogar
Serie : 
Genres : Jeunesse
Editeur : Gallimard Jeunesse
Collection :Grand format littérature 
Publication: 31/ 10/ 2011
Edition: Broché
Pages : 295
Rating:
  • Chroniqué par TEACUP

Photo Pour échapper aux persécutions nazies, Peter van Pels et ses parents rejoignent la famille Frank dans leur cachette. Peter a 16 ans. Comment s'habituer à vivre dans si peu d'espace ? Et il y a Anne, brillante, exaspérante, Anne qui écrit, Anne qu'il aime...
Comment Peter trouvera-t-il la force de survivre dans les camps après l'arrestation des habitants de l'Annexe et leur séparation ?
Vivre caché aux côtés d'Anne Frank : le récit de Peter, dans l'Annexe et après l'arrestation. La voix de Peter nous rappelle celle d'Anne. Nous ne pouvons qu'être là pour entendre cette histoire inoubliable.
Photo Ce livre m’a mis une belle claque ! En jeunesse je n’avais pas expérimenté ça depuis WONDER dont je garde un souvenir fort. Sharon Dogar a une belle plume diablement efficace. Tout le monde connaît l’histoire d’Anne Frank l’injustice de huit personnes qui vivent confinées pendant plus de deux ans pour se faire attraper alors que la libération est en marche. On sait comment Anne Frank est morte à quelques jours de la libération du camp de la mort dans lequel elle était enfermée et comment elle a perdu sa famille, ses espoirs alors que c’était une jeune fille dont le journal a bouleversé des générations de lecteurs. Mais pour ceux qui l’ont lu, il reste une frustration : celle de voir le dialogue coupé net, perdre Anne Frank quand elle connaît le pire et ne pas pouvoir entendre sa voix, son récit jusqu’au bout alors que témoigner était si important pour elle.
Ce livre se base sur ces idées et propose une autre voix, celle de Peter, que j’avais pour ma part oublié dans ce journal. Dans ce livre Sharon Dogar propose une version qui a pu être vraie de leur histoire. Une autre Anne Frank et un autre regard sur cette longue période où ces huit juifs ont dû se terrer pour échapper à la folie des nazis. Le livre est bouleversant l’espoir et les périodes de désespoir sans nom se succèdent et on va à reculons vers la fin inéluctable que l’on connaît. Peter est un personnage fort et complexe, il doute, il a peur, il s’interroge, quelque part Sharon Dogar propose les réflexions qu’Anne Frank n’a pas laissées filtrées de son journal. Peut-être par convention ou forte croyance, elle ne s’interroge pas de la même manière que le Peter que l’on suit, rongé de doute sur sa religion et la raison de tant de haine. Sans être juive, ces réflexions auraient pu être les miennes tant elles m'ont semblé pleines de sens et fortes.
Le glissement pour arriver au « le garçon qui aimait Anne Frank » est très progressif et réaliste, car avant Anne il y avait une autre petite jeune fille – personnage fictif – qui représente si bien toutes ces personnes disparues qui prédisaient d’un avenir sombre et d’une terreur qui commençait à filtrer ; les camps de concentration.
La dernière partie se déroule dans les camps et est beaucoup plus courte, mais les coups se succèdent à une telle vitesse, la force du récit devient telle que j’étais contente et j’ai trouvé cet aspect très équilibré. Sharon Dogar n’hésite pas à se montrer crue, à dire dans toute son ampleur l’horreur de ces camps et à quel point ils ont pu changer les hommes et les femmes qui ont vécu cette terrible réalité.
Le récit est très fort et sans complaisance, il y a vers la fin des idées qui se répètent en boucle, car l’auteur a voulu illustrer les pensées envahissantes et obsédantes des camps, quand seul reste l’incompréhension, la peur, la faim et la volonté de survivre. Peter a survécu à tant d’épreuves (un voyage en train interminable, sept mois dans un camp, une marche interminable pour rejoindre un second camp de concentration…) et est passé si proche de pouvoir survivre que la fin du livre m’a semblé déchirante. Tout comme le journal d’Anne où on la croit presque sauvée et malgré tout on voit sa vie basculée, on finit le livre en deuil, voilà l’impression que j’en garde.
Outre cette période sombre, la résonnance de ce qui se passe dans le livre et d’évènement de notre actualité m’a vraiment frappé. Ces réflexions, ses considérations sur le pourquoi de la barbarie et de la folie de certains hommes trouvent encore écho en 2015 et rien que pour ça je pense que les ados devraient lire ce livre. Je l’ai lu, car cette année c’était le 70e « anniversaire » de la Shoah et je voulais me rappeler à ma manière, ce livre m’a permis bien plus que ça. Je compte bien lire d’autres livres de l’auteur que je recommande chaudement à tous ceux qui pensent qu’en « littérature jeunesse » on ne trouve que des livres bêtes et sans réelle réflexion.
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- Tu crois qu’un jour on découvrira notre existence ?
Elle m’a posé la question très doucement. (On ne sait jamais, il y a toujours des oreilles qui trainent. A peine nos parents nous entendent-ils poser une question qu’ils se précipitent dessus, comme un chat sur un rat, avant de la déchiqueter jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien pour nous, rien auquel nous ayons même envie de penser.)
- Aucune idée, j’ai répondu en m’asseyant à côté d’elle. Qu’est-ce que tu voulais dire exactement ? Simplement nous, ici, ou tous les Juifs ?
- Nous, ici, dans l’Annexe. C’est trop déprimant de penser à tout ce qui doit se passer ailleurs.
Je n’avais jamais compris que chuchoter pouvait créer une telle intimité.
- Ca ne va pas durer éternellement. Faut espérer.
- Tu ne penses pas ?
(…) J’ai jeté un œil sur son cahier, mais elle l’a tout de suite refermé. « Ah, ça doit être son journal ! » Et naturellement j’ai ajouté :
- Quelquefois, je regarde un objet que j’ai fabriqué de mes mains et je me demande s’il sera toujours là quand j’aurai disparu.
- C’est différent, a-t-elle murmuré.
- Différent de quoi ?
- Des mots, des histoires, des idées.
Nos têtes se frôlaient. Doucement, j’ai passé la main sur son journal. Elle n’a pas bougé.
- Mais ça, c’est un objet que tu as fabriqué, non ? Ces mots, ils seront toujours là, tu ne crois pas, même si on… on n’est plus là, nous ?
Elle me dévorait des yeux et cela me faisait du bien. Comme si j’avais réussi à la surprendre.
- Ils brûlent des livres, a-t-elle ajouté tout bas. Par piles entières. Des tonnes de bouquins.
- Je sais, Anne, mais ton père a raison, ils ne pourront jamais brûler les idées. En tout cas pas toutes.


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