Peintre français (Paris 1703 –id. 1770). Il a fait une carrière brillante, connu tous les honneurs, reçu d'incessantes commandes royales et joui de l'amitié de nombreux amateurs (Mme de Pompadour, Tessin, ambassadeur de Suède à Paris, le duc de Chevreuse, l'abbé de Saint-Non, le banquier Eberts ou le garde des Joyaux Blondel d'Azaincourt, qui possédait 500 dessins de l'artiste). Pourtant, dès 1760, le public du Salon ne se presse plus autour de cet artiste élégant et la critique le boude pour un siècle. Au moment où l'impératrice Eugénie réinvente un XVIIIe siècle à son goût, Thoré Bürger et les Goncourt en redécouvrent alors le peintre le plus représentatif.
Fils d'un obscur ornemaniste et marchand d'estampes, il intègre v. 1720 dans l'atelier de F. Lemoyne, dont il reprendra la leçon colorée à côté de celle, plus imprécise, des Italiens. Mais sa première formation reste celle d'un illustrateur : pour gagner sa vie, le jeune artiste entre dans l'atelier de J. F. Cars. Ces travaux lui valent d'être choisi par le collectionneur Jullienne pour reproduire les Figures de différents caractères de paysages et d'études de Watteau (1726-1728). Entre-temps, Boucher obtient le premier prix à l'Académie (Evilmérodach délivre Joachim prisonnier de Nabuchodonosor, 1723, perdu).
Au retour d'un séjour en Italie (1728-1731 ?) dont on sait peu de choses, il épouse Marie-Jeanne Buseau qui lui servira très souvent de modèle, continue de publier des gravures (Molière, 1734-1737 ; Cris de Paris, 1737), et commence à recevoir de grandes commandes (modèles des Fêtes italiennes commandées par Oudry pour la manufacture de Beauvais, 1734). Ces premières années sont toutes consacrées au dessin, à la copie et à la gravure qui lui donnent une facilité qui lui permet, d'emblée, d'affirmer son talent dans la diversité que sert une incroyable puissance de travail ; et, sa carrière durant, l'artiste ne cessera de fournir des dessins à des éditeurs, participant au Boccace de 1757, au Rodogune de 1760 et à l'Ovide de 1767.
1756 - La marquise de Pompadour
Sa réception à l'Académie (Renaud et Armide, 1734, Louvre) inaugure pour lui une longue carrière officielle de professeur (1737), directeur de l'Académie et premier peintre du roi (1765). C'est une période d'intense activité pour l'artiste, qui partage son temps entre les manufactures royales, les décors de théâtre et d'opéra, les commandes du roi et de Mme de Pompadour et celles, moins importantes, de ses amis amateurs. Dès 1736, il entreprend une série de Pastorales en 14 pièces ; en 1739, c'est l'Histoire de Psyché (Psyché recevant les honneurs divins, musée de Blois). La fiction et l'invraisemblance du sujet lui assurent un succès immédiat (entre 1741 et 1770, l'Histoire de Psyché est reprise huit fois pour le roi de Suède, pour celui de Naples, pour l'ambassadeur d'Espagne...). Boucher montre ici une réelle originalité, transformant l'art grandiose de Le Brun en une décoration où la mise en page est volontairement décentrée, où courbes et contre-courbes jouent sur des perspectives très étudiées, où enfin les coloris pâles se trouvent beaucoup plus proches de l'effet obtenu par les soieries que ceux de J.-B. Oudry.
Il travaille aussi pour le théâtre et l'opéra.
Dès 1735, Boucher exécute en camaïeu le plafond de la chambre de la reine à Versailles (les Vertus royales, in situ). On lui confie deux tableaux pour la galerie des Petits Appartements de Versailles (Chasse au tigre, 1736, musée d'Amiens, et Chasse au crocodile, 1739, id.). Découvrant à ce moment, à côté d'Oudry, le site champêtre des environs de Beauvais, il introduit dans ces compositions la prééminence du paysage, non plus à l'italienne, mais au naturel (Scène de forêt, 1740, Louvre). Entre 1743 et 1746, il travaille pour la Bibliothèque du roi à Paris (l'Histoire, B. N.) et, à la même époque, pour Choisy et pour l'appartement du Dauphin à Versailles (Légende d'Énée, 1747, dont Vénus et Vulcain du Louvre, placé dans la chambre du roi à Marly). Mme de Pompadour joue alors un rôle particulièrement important dans la carrière de Boucher, lui obtenant le logement au Louvre en 1752, lui commandant une décoration pour la salle à manger de Fontainebleau (1748), le plafond du cabinet du Conseil (1753, en place) et des projets de tapisserie pour La Muette, et l'utilisant surtout à Bellevue (la Lumière du monde, 1750, musée de Lyon) et à Crécy.
C'est surtout un répertoire de mythologie galante et d'allégorie (hôtel de Soubise, Paris), et de fantaisie réaliste parfois teintée d'intimisme (le Déjeuner, 1739 ; la Marchande de modes, 1746), que Boucher met au point dès 1739 : Tessin emporte la Léda et le Triomphe de Vénus en 1740 et commande ensuite les Quatre heures du jour (seul le Matin est exécuté en 1746), et le duc de Penthièvre la série d'Aminte en 1755.
1757 - Les forges de Vulcain
À la mort de Mme de Pompadour en 1764, Marigny ne l'abandonne pas et lui confie, en même temps qu'à Deshays, la première commande officielle de goût antiquisant pour Choisy que Boucher doit refuser pour des raisons financières. Le premier peintre continue d'exposer au Salon, bien que le public regarde désormais vers Greuze ou vers Fragonard. Malgré une vue affaiblie, Boucher déploie jusqu'au bout une activité débordante : voyage en Flandre avec Boisset (1766), tableaux religieux (Adoration des bergers, 1764), décoration de l'hôtel de Marcilly (1769) et nombreux décors d'opéra. Quelques mois avant sa mort, il est désigné par l'Académie comme associé libre honoraire de l'Académie de Saint-Pétersbourg.
L'art de Boucher
L'importance de son œuvre est sans égale. Le peintre établit d'abord, dans son hymne à la femme, un nouveau canon parfaitement adapté à la société parisienne, et qui plaira tant à celle du second Empire ; sensible au bonheur intimiste et bourgeois, il ne cherche pas à émouvoir, mais à saisir la beauté épanouie ou le charme piquant, qui lui vaut à tort la réputation d'un libertin ; il est bien le peintre du bonheur, moins érotique que d'une sensualité raffinée et parfaitement accomplie : c'est aussi cela qu'il faut voir dans ses scènes mythologiques, qui constituent l'essentiel, voire le meilleur, de son œuvre, et dans ses très beaux portraits plus arrangés que psychologiques, quand il demeure un paysagiste plein de fantaisie et de charme, un grand décorateur et l'ornemaniste le plus prodigieux du XVIIIe., et dont l'œuvre incarne l'esprit encyclopédique qui séduit les amateurs de l'Europe du Nord.
Vignette en haut à gauche : portrait de Boucher par Gustav Lundberg (1741)
D'après Larousse.fr