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Bloodline (2015) : le retour éphémère de la brebis galeuse

Publié le 27 mars 2015 par Jfcd @enseriestv

Bloodline est une nouvelle série de 13 épisodes mise en ligne sur le site de Netflix depuis le 20 mars. En Floride sur une île des Keys, Robert (Sam Shepard) et Sally (Sissy Spacek) Rayburn, sont à la veille de célébrer le 45e anniversaire de la création de leur hôtel. Mais cet anniversaire s’en trouve aussitôt assombri avec l’arrivée de Danny (Ben Mendelsohn), l’aîné de leur fils qui n’avait pas donné signe de vie depuis un temps déjà. Ses frères Kevin (Norbert Leo Butz), John (Kyle Chandler) et sa sœur Meg (Linda Cardellini) réagissent différemment à ce retour inattendu qui en fin de compte ne leur apportera que des ennuis, surtout que peu de temps après, leur père, victime d’un malaise cardiaque, repose entre la vie et la mort et que la succession éveille des tensions au sein du clan. Dévoilée en février lors de la 65e édition du festival de Berlin, Bloodline est une série mystérieuse à souhait avec des personnages intrigants qui vaut la peine que l’on s’y attarde, mais c’est son rythme excessivement lent qui remet en question à plusieurs reprise notre désir de se rendre jusqu’au bout de l’aventure. Une chose est certaine, le modèle des épisodes mis en ligne « tout d’un coup » n’est pas encore tout à fait au point.

Bloodline (2015) : le retour éphémère de la brebis galeuse

Portrait de famille

Danny a quitté les siens depuis belle lurette et mis à part sa mère Sally, peu de gens le regrettent. Robert par exemple ne semble s’intéresser à rien d’autre que ses promenades en solitaire en kayak tous les jours. John, le benjamin est shérif de l’île et doit enquêter sur la mort mystérieuse d’une adolescente dont le corps gisait dans les marais depuis plusieurs jours. Kevin, le cadet boit trop et a mauvais caractère, mais est en revanche tout dévoué à l’entreprise familiale. Reste Meg qui après avoir passé son barreau, a été engagée par son père pour gérer les affaires légales de la famille. Seul Danny en fait continue à galérer. Sans emploi, à son retour pour les festivités au domaine familial, il demande à John, dont il est le plus proche, de convaincre leur père de le réengager. Ce dernier demande plutôt à ses trois enfants de décider du sort de leur aîné. Après avoir longuement tergiversé, ils refusent, mais ils n’en sont pas débarrassés pour autant puisque sa présence à l’hôtel devient de plus en plus nécessaire suite à l’ACV dont est victime le patriarche. Ce qui vient nous accrocher encore davantage sont ces quelques plans en flashforward impliquant un meurtre chez les Rayburn.

La table est donc mise pour un drame familial qui promet, du moins, on l’espère. En effet, un aspect qui surprend dans Blooldine est que personne en dehors du clan familial ne semble exister. Après trois épisodes par exemple, il n’y a presque aucune interaction entre les Rayburn et les clients de leur hôtel. On sent aussi que les frères et sœurs n’ont pas eu l’enfance dorée à laquelle on pourrait s’attendre, comme en témoigne ce flashback où l’on voit le père en train de maltraiter un de ses fils. De plus, en déterrant certaines vidéos de famille, on apprend l’existence dans l’un d’entre eux d’une prénommée Sarah qui semble être la sœur (décédée?) de Meg, Danny, John et Kevin. Une chose est certaine, c’est Danny qui semble connaître les secrets de tous et ils doivent être d’importance pour que sa propre famille quand on a connaissance de ce qui s’en vient par la suite. La Floride avec ses palmiers, ses dauphins et ses relaxants couchers de soleil nous offre tout un contraste avec la tension qui règne entre les membres du clan familial. Le seul problème après avoir vu les trois premiers épisodes est qu’on n’est pas complètement convaincu de poursuivre l’aventure et c’est le rythme de la série qui est mis en cause.

Bloodline (2015) : le retour éphémère de la brebis galeuse

Un modèle qui soulève des questions

À plusieurs niveaux, l’expérience télévisuelle « classique » diffère de celle proposée par Netflix qui nous offre toute la saison d’un seul coup. Au petit écran, les cotes d’écoute influencent très certainement les téléspectateurs et lorsque les premiers épisodes ne sont pas satisfaisants, on se pose tous cette question :« vaut-ce la peine d’attendre 7 jours pour regarder la prochaine diffusion? » Ces deux éléments déterminent si l’on poursuivra une série ou pas. Les producteurs le savent et sont habitués à mettre les bouchées doubles pour créer certains moments de tension avant chaque pause publicitaire notamment et surtout en fin d’épisode. Pour Netflix, la situation est différente.

En 2013 lors du lancement de la première saison de House of Cards, le service de vidéo à la demande a marqué une petite révolution dans le monde des médias et devant cet effet de nouveauté, plusieurs ont littéralement dévoré les 13 premiers épisodes en une fin de semaine. Puis à chaque année, c’est comme devenu un rituel auprès des plus grands admirateurs de la série : mettre à son calendrier la date de lancement de la nouvelle saison et faire du cocooning durant un jour ou deux. Seulement, Netflix lance de plus en plus de nouvelles séries originales et ce modèle du binge-watching deviendra de moins en moins viable, sauf pour ses meilleures productions, et encore : la course à « qui aura vu toute la série en entier » ne revêtera plus autant d’importance avec tant de contenu .

Bloodline (2015) : le retour éphémère de la brebis galeuse

Ce qui nous ramène à Bloodline alors qu’à plusieurs moments, on a l’impression que la production dort au gaz. On prend trop de temps à mettre en place une certaine ambiance et l’épisode #2 est particulièrement pénible alors que toute la famille est réunie à l’hôpital en attendant les résultats de santé du père. L’occasion aurait été idéale pour nous les faire connaître davantage ou pour nous présenter des bribes de leur passé, mais non. Et à l’opposé de House of Cards, on a davantage l’impression de regarder un très long film qu’une série, ce qui ne joue pas nécessairement en sa faveur, parce qu’au lieu de capitaliser à maintenir une certaine tension d’épisode en épisode, on nous promet un gros dénouement, mais en attendant, rien pour nous garder en haleine.

Hank Stuever, critique au Washington Post, nous faisait part de son agacement puisqu’un jour avant le lancement de Bloodline, Netflix n’avait permis aux critiques de ne visionner que les trois premiers épisodes (pratique courante en télé). Voici d’ailleurs sa réplique : « Sending me three episodes of “Bloodline” is like asking a film critic to leave a media screening 30 minutes after it starts and telling her to come back on Friday to see the rest of the movie on opening day. » Justement, le journaliste en question n’affirmerait pas la même chose si la structure de Bloodline était davantage télévisuelle que cinématographique…Et un film de 13 heures, c’est long!

Bloodline a de grandes qualités et pour les amateurs de polars, la série demeure une bonne alternative. Pour les moins patients, mais qui sont tout de même curieux, plusieurs personnes qui ont déjà regardé la série en entier affirment que c’est dans les quatre derniers épisodes que la série trouve enfin son rythme de croisière. L’avantage avec ce modèle de vidéo sur demande est qu’on peut sauter autant d’épisodes qu’on le veut. Et si ça devient la norme, Netflix qui sait tout grâce à ses nombreux algorithmes en prendra de la graine, quitte à nous revenir la prochaine fois avec une série dotée d’un meilleur rythme.


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