La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite)
Après les terribles moments de la Commune, la vie reprend à Paris et c’est ce que nous nommons le Belle Epoque qui durera jusqu’en 1914. Mais avant de la décrire nous devons évoquer deux grands écrivains, Balzac et Zola.
La table tient une large place dans l’oeuvre de Balzac souvent parce qu’il n’a pas d’argent pour rassasier sa grande carcasse et son immense fringale. Henri Bachelin écrit dans « Une année de la vie de Balzac » :
« Il y eu beaucoup de jours où il se satisfit de peu et certains autres où il ne se refusa rien ».
Honoré de BalzacMais à propos des plats, il est plus descriptif que lyrique à l’inverse de Zola, évoquant le repas de Gervaise dans « l’Assommoir ». Seul le cousin Pons est un véritable gastronome ; tous les autres personnages de la Comédie humaine mangent conformément à leur situation sociale à Paris et en province, en sorte que Balzac décrit davantage le décor que l’arrangement de la table ou les mets eux-mêmes. Ce sont pourtant là de précieuses indications sur la façon de vivre et de se nourrir de ses contemporains.
La mère de Zola est Bourguignonne, mais son père est Italien ; l’enfance aixoise de Zola aura une grande influence sur son comportement à table ; jeune débutant, il se nourrit de « pain trempé dans l’huile et frotté d’ail ». Plus tard, ayant « réussi », il s’efforce de passer pour gourmet et le journal des Goncourt permet de noter cette évolution : il est comique de constater qu’il s’indigne d’abord des dîners bourgeois et que plus tard, il tente de les imiter « jusque dans leurs ridicules » (Zola à table par Courtine).
Ce qui est intéressant dans son oeuvre, concernant notre propos, est la place qu’y tiennent la table et la cuisine. On trouve sous sa plume le mot « pot-bouille » pour désigner l’ordinaire du ménage, la cuisine de tous les jours. Mais il cite à peu près tous les restaurants parisiens où ses amis Goncourt, Flaubert, Daudet le convient et il sait tirer parti de leurs confidences pour dépeindre les milieux aristocratiques où il n’a pas accès et le monde des courtisans qu’il ignore complètement.
Il semble que Zola ait voulu dans son oeuvre se rattraper de ses fringales d’adolescent : ses personnages y mangent toutes sortes de potages, de la soupe à l’oignon au consommé à la Deslignac ; des entrées, tourtes, galantines et pâtés, des omelettes et des salades, des poissons, des viandes, des volailles, tous les légumes, décrits avec précision et même minutie ; leur présentation et même leur odeur nous deviennent présents. Les vins aussi sont évoqués dans l’oeuvre de Zola, mais ils n’y tiennent point la place des mets. Dans « l’Assommoir » les ouvriers se payent du « vin cacheté » ou se saoulent d’une quelconque piquette. Le vice que Zola dénonce devient, hélas ! un fléau social avec lequel il faudra compter jusqu’à nos jours.
Zola garde toujours sa prédilection pour la cuisine méditerranéenne, à l’huile d’olive, la bouillabaisse et le piment, les coquillages et « un tas de saletés exquises » dont il « mange sans mesure ».
Emile Zola
Il est amusant de noter qu’à l’époque du rattachement de Nice à la France, cet événement historique considérable ne s’accompagne pas d’une floraison de restaurants « niçois » à Paris, comme cela arrivait généralement. Il est vrai que la cuisine provençale – fort différente de la niçoise d’ailleurs – est bien implantée dans la capitale ainsi que la cuisine italienne : les Parisiens ne font guère la différence …. Sauf les connaisseurs, bien sûr.
Les dîners encore très importants, ne sont plus les accumulations de mets des siècles précédents ; un livre de cuisine, paru en 1818 sous le nom de « La cuisinière de la campagne et de la ville » s’inspire de la « bonne vieille Cuisinière Bourgeoise » mais les recettes ont été refaites, simplifiées et complétées, et « les moyens à employer seront toujours simples, si on le veut, et la dépense sera minime ».
Source: La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant. Editions O.D.I.L.