charmants danseurs

Publié le 27 mars 2015 par Dubruel

~~ d'après MENUET de Maupassant

Je n’aimais ni les sots Ni les estaminets. J’aimais flâner Et lire au parc Monceau. Un matin que je fréquentai ce lieu, J’ai rencontré un étrange petit vieux. Il était maigre et grimaçant, Anguleux et souriant. Ce bonhomme m’étonna, M’intéressa. Je le guettais. Souvent, je le voyais exécuter De gracieux mouvements, Sautiller légèrement, Se trémoussait, Danser, Battre des entrechats, Arrondir les bras. Et plier son corps de pantin. Enfin, il adressait des saluts incertains Et exécutait une profonde révérence Comme on fait devant une assistance. Il s’arrêtait, reculait de trois pas, S’avançait de nouveau, s’inclinait Comme font les acteurs sur scène, Et envoyant des baisers de comédienne Aux arbres plantés en enfilade. Puis il reprenait sa promenade. Je m’approchai alors et lui dis : -« Il fait bien bon aujourd’hui. » -« Oui, un vrai temps de jadis. » Huit jours après, nous étions amis. Il avait été maître de danse à l’Opéra. Il me confia : -« Toutes les après-midi Madeleine, ma femme, me rejoint ici. Ce jardin, voyez-vous, C’est notre plaisir, notre vie à nous. » Je retournai au parc à l’heure du thé. J’aperçus mon ami. Il donnait le bras avec cérémonie À une vieille dame qu’il m’a présentée. Nous nous assîmes sur un banc de pierre. Le soleil jetait sur nous une blonde lumière. -« Expliquez-moi ce qu’est le menuet. » -« Le menuet, C’est la reine des danses Et la danse des reines. Madeleine, Veux-tu qu’on le danse… Pour montrer à Monsieur ce que c’était ? » Ils allaient et venaient, Se souriaient, s’inclinaient, Se balançaient, variaient, sautaient. Tout à coup ils s’arrêtèrent Et… s’embrassèrent !