Les enquêtes du Département V : Miséricorde & Profanation
Titre original : Kvinden i buret & Fasandræberne
Deux films de : Mikkel Norgaard
Avec : Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares
Synopsis de Miséricorde :
Après une bavure qui coûte la vie à l’un de ses collègues et laisse son meilleur ami paralysé, l’inspecteur Carl Mørck a presque tout perdu. Mis sur la touche, privé du droit d’enquêter, il est chargé d’archiver les vieux dossiers du commissariat avec Hafez el Assad, l’assistant d’origine syrienne qui lui est imposé. Mais très vite, les deux policiers désobéissent à leur supérieur et rouvrent une enquête jamais résolue, la disparition mystérieuse d’une jeune politicienne prometteuse survenue cinq ans auparavant. C’est la naissance du Département V et sa première enquête…
Synopsis de Profanation :
En 1994, un double-meurtre défraye la chronique. Malgré les soupçons qui pèsent sur un groupe de pensionnaires d’un internat, la police classe l’affaire, faute de preuve… Jusqu’à l’intervention, plus de 20 ans après, du Département V : l’inspecteur Carl Mørck, et Assad, son assistant d’origine syrienne, spécialisés dans les crimes non résolus. Ensemble, ils rouvrent l’affaire qui les amène à enquêter sur un des notables les plus puissants du Danemark.
Deux films, deux supports, mais le début d’une saga qui promet d’être longue
Chose rare, ce n’est pas un mais deux films qui sont traités dans cette critique, dont les synopsis ne sont pas nécessaires. Plus rare encore, pour ne pas dire inédit, ce diptyque va bénéficier d’une distribution hybride, puisqu’il va servir d’ouverture à la nouvelle stratégie commerciale de WildBunch. Deux films, dont un premier ne sera disponible que sur les plateformes de Vidéos à la Demande (entre le 27 mars et le 10 mai), alors que sa suite sortira sur grand écran le 8 avril. Quel que soit l’avis que l’on peut se faire du bien-fondé de ce système de distribution, la qualité des films eux-mêmes, ainsi que leur succès fulgurant dans leur pays d’origine où ils ont été deux ans de suite en tête du box-office, méritent que l’on s’y attarde. La série de romans policiers signés par le danois Jussi Adler-Olsen comprend au jour d’aujourd’hui cinq livres, vendus à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, mais a pour vocation d’atteindre le nombre de dix. Ainsi en acquérant les droits, la société Zentropa Entertainments de Lars Von Trier a donc de quoi lancer une franchise particulièrement fructueuse.
Voyage au cœur de la nuit scandinave
La réalisation des deux premiers opus de cette saga policière fut confiée à Mikkel Norgaard, qui est connu dans notre pays pour avoir réalisé deux épisodes de l’excellente série Borgen. Il ne cache pas que pour créer l’univers visuel de ses longs-métrages, ses deux sources d’inspiration sont la trilogie Millenium – dont il a embauché le chef opérateur – et les films Seven et Zodiac de David Fincher. Cela se ressent très fortement tant la noirceur et l’austérité formelle sont palpables à l’écran et l’art de la composition est intelligemment mis à profit. La claustrophobie qui est au centre de la première intrigue est superbement retranscrite par des plans fixes tandis que, dans le second film, la folie criminelle passe davantage par des gros plans sur des visages rongés par le vice. Le système narratif est cependant commun aux deux longs-métrages, et c’est là que le bât blesse, car si, dans Miséricorde, la succession de flashbacks nous entraîne dans une ambiance étouffante créant autant l’urgence et l’empathie envers la victime, dans Profanation, il nous révèle rapidement l’identité des criminels et nous prive ainsi de twists épatants.
Nikolaj Lie Kaas – Les enquêtes du département V – WildBunch
Des enquêtes calibrées pour le petit écran, mais des vrais films de cinéma
Le pitch qui nous fait suivre les enquêtes d’un département de la police consacré à l’archivage des affaires classés mais qui ne peut s’empêcher de relancer des enquêtes incomplètes donnent le sentiment d’assister à la version danoise de la série Cold Case, mais avec un format de 90 minutes hérité de Sherlock (et les affiches rappelant curieusement True Detective ne font que renforcer cette impression de recyclage télévisuelle). Le premier épisode (celui disponible sur VOD donc) a de plus toutes les allures de l’épisode pilote d’une nouvelle série policière, prenant soin de développer la formation du duo d’enquêteurs avec le très taciturne et nerveux Carl et le timide mais très apaisé Assad. Le second film en revanche, n’arrivant pas à tirer parti de ce potentiel buddy-movie, ne retrouve pas la mécanique humaine entre les deux collègues.
Fares Fares – Les enquêtes du département V – WildBunch
Un tandem malgré tout attachant
Méconnu en France, en dehors des aficionados de cinéma danois (ceux-là même qui ont apprécié à sa juste valeur Les idiots, Adam’s Apple ou encore Les Bouchers verts dans lesquels il apparaît), Nikolaj Lie Kaas a vraiment la gueule de l’emploi pour incarner le flic soupe-au-lait. Rajeuni de dix ans par rapport au roman, le personnage de Carl en devient plus psychologiquement complexe. Autre différence avec le matériau d’origine, on n’apprend que peu de chose sur sa vie privée, en dehors du fait qu’il héberge son beau-fils, laissant deviner qu’il est divorcé, un ingrédient inévitable pour alimenter la mélancolie d’un vieux baroudeur tel que lui. En revanche, pour connaitre le passé de son collègue, il faudra surement attendre les films (épisodes) suivants. Aperçu dans Easy Money et Zero Dark Thrity, l’acteur d’origine libanais Fares Fares est très bon dans ce rôle de jeune inspecteur plein d’initiative mais dont on regrette qu’il ne soit pas mieux exploité par un scénario qui a un peu trop tendance à le reléguer au rang de sidekick. Quoi qu’il en soit, la qualité plastique et la violence crue avec lesquels sont filmées leurs enquêtes font de ces films des agréables moments de cinéma que l’on a hâte de retrouver.
En conclusion, comme vous l’aurez sans doute compris, le premier des deux films (celui distribué en VOD donc) est bien plus passionnant que sa suite (distribué en salle). Mais, pris dans sa globalité, ces deux films forment un début prometteur à une série de films dont le troisième épisode, Délivrance, vient d’entrer en production (avec cette fois Nikolaj Arcel, qui jusque-là officiait comme scénariste, à la réalisation). Amateurs de films noirs violents et de polars à l’atmosphère glauque, quel que soit le support sur lequel vous découvrirez le département V, vous allez être ravis.
Nikolaj Lie Kaas et Fares Fares – Les enquêtes du département V – WildBunch
Nos attentes pour une édition collector
Nous espérons déjà un coffret regroupant les deux films. Et, pourquoi pas, le troisième roman pour nous mettre l’eau à la bouche.