L'effervescence du pianiste, Emmanuelle Cart-Tanneur

Rentrer dans le monde d'Emmanuelle Cart-Tanneur c'est accepter que les roses vous envoient des messages avec leurs pétales, c'est accepter que les quatre saisons prennent des vacances et se mélangent entre elles, c'est être pour quelque temps dans la peau et le regard d'une facture posée dans un secrétaire et assistant à la fuite amoureuse de sa maîtresse de maison, c'est être des notes de musique qui emplissent un parking ou encore s'agacer d'être oubliée quand on est La Nuance...Vous l'aurez compris les nouvelles d'Emmanuelle Cart-Tanneur sont d'un autre monde mais certainement pas d'un autre temps. Les objets voient, enregistrent et s'étonnent ou s'agacent de nos comportements d'humains. La musique et les signes parfois de l'au-delà sont très présents et donnent à ce livre un rythme bien propre à lui et très poétique.

Je ne vais pas vous parler de toutes les nouvelles mais peut-être de mes préférées :

- celle des quatre saisons permet de mettre en exergue tout le talent de l'auteure pour jouer avec les mots. J'ai retrouvé par certain moment des jeux de mots aussi beaux et élaborés que le slam qui m'est cher et que j'admire de Grand Corps Malade. Chaque mot, chaque phrase est pensée et mérite même de s'y attarder quelque temps, de la relire pour la révéler profondément.

- celle du bruit du vent dans les roseaux, ou de la facture abandonnée mais bien gardée et en bonne place dans le secrétaire est ma préférée car elle met en scène à la fois la conservation des papiers importants mais également la vie des protagonistes de cette maison, les lettres reçues, les réponses envoyées et les courriers moins bienvenus annonçant de tristes nouvelles. J'étais bien dans cet environnement de papier, de mot, de maison et ce coupe-papier à l'esprit très affûté...

- celle concernant l'histoire de flous, ou la nuance m'a vraiment dès le départ fait sourire et m'a complétement emportée :"vous avez demandé la nuance, ne quittez pas"; ainsi commence cette nouvelle. La nuance c'est un métier, mais personne ne se rend compte qu'elle existe sauf quand elle disparaît nous raconte l'auteure...quelle justesse.

"Les Temps Modernes furent pour Tonella une période difficile. L'harmonie et la liberté qu'elle avait tant aimées disparurent progressivement. L'Homme pressé qui envahissait son monde ne prenait plus le temps de modérer, de tempérer, d'adoucir ou de colorer ses mots, ses pensées et ses gestes. Il lui fallait tout, tout de suite. Atermoiements et hésitations furent peu à peu bannis de sa réflexion, tandis que son sens esthétique s'appauvrissait à mesure que l'efficacité devenait le maître mot de ses objectifs."

- J'ai beaucoup aimé aussi cette histoire de souris, beaucoup d'émotion...mais je ne vous en dis pas plus.

On ne sort pas indemne d'un livre d'Emmanuelle Cart-Tanneur. Il y a un univers propre, un peu surnaturel, un peu de fables, un peu de poésie, un peu de musique et de la réflexion. J'ai aimé cette manière d'aborder les choses de notre société pour les adultes. Mon seul bémol va au titre de ce livre puisque ce n'est pas la nouvelle "L'effervescence du pianiste" qui m'a le plus plu et surtout ce n'est pas celle qui,  à mon sens, reflète aussi l'humour et le côté positif que l'on peut ressortir de ces nouvelles. Je trouve que la couverture ne fait pas la part belle à cet univers particulier, un peu fou de ces nouvelles et tend à donner une image du livre qui n'est pas ce que moi personnellement j'y ai trouvé. Mais il vaut mieux que la couverture ne soit pas à la hauteur de l'écrit que l'inverse, n'est-ce-pas? Alors surtout ne vous arrêtez pas à cette couverture et envolez-vous, plongez de cet univers un peu fantastique, unique et surtout très riche de justesse et réflexion.

Un grand merci Emmanuelle de cette belle découverte et au plaisir de vous rencontrer un jour.

Le blog de l'auteure ici.