Bon, les départementales furent un désastre pour le pouvoir en place, le chômage augmente encore (ou plutôt, comme on dit maintenant, « se stabilise en hausse »), et un avion se plante salement entre les deux tours, certes certes, mais au moins, le gouvernement et les parlementaires ont-ils pris les décisions qui s’imposaient à tous : un amendement écologiste interdisant l’utilisation de bâches publicitaires sur les monuments historiques a été adopté.
Ouf, il était temps.
En effet, qui ne s’est pas déjà étonné que certains monuments historiques, en pleine réfection, se cachent derrière une bâche et que cette dernière, au-lieu d’être de ce gris terne qui, seul, sied à la naturelle beauté des sites historiques en ravalement, est souvent couverte de l’une ou l’autre publicité colorée vantant les mérites (généralement tout relatifs) du dernier gadget rigologène d’une de ces marques bobophile ?
Eh bien en fait, c’était parfaitement normal : en France, rappelez-vous, tout est régulé, tout est contrôlé par la puissance publique, tout est codifié, codé même et le patrimoine aussi. Et depuis 2007, un décret modifiant ce code autorise les monuments historiques à recourir à ce type d’affichage publicitaire pour constituer une source de revenus en cas de travaux extérieurs nécessitant la pose d’échafaudages.
Ça tombe bien, en plus, parce que ces publicités génèrent des recettes qui permettent de financer de 20 à 100% des travaux, selon le cas. Comme l’indique un récent article du Moniteur sur la question, le Groupement Français des Entreprises de restauration de Monuments Historiques (GMH) rappelle dans un communiqué du 23 mars que :
« Grâce à ces bâches temporaires, 92 millions d’euros de travaux de restauration ont pu être réalisés générant 1,6 million d’heures de travail ‘non-délocalisables’ pour des compagnons spécialisés. »
Le Monde indiquait quant à lui que la campagne d’Apple sur le Palais de Justice l’année dernière avait généré 103 000 euros en mai et selon le Figaro, la vente d’espaces publicitaires pendant les deux années de la rénovation de la Conciergerie à Paris avait rapporté à l’État près de deux millions d’euros.
Mais voilà, il ne faut pas oublier un paramètre très important : toutes ces publicités, c’est tout de même fort laid et puis ça gâche la beauté de nos villes, alors qu’abroger le décret, ce serait véritablement une façon simple « de maintenir et d’embellir nos paysages urbains », comme le caquète avec finesse la député écologiste du Val-de-Marne, Laurence Abeille, qui sont, selon l’aveu même du député Bertrand Pancher, « défigurés » par ces publicités qui forment une « pollution visuelle insupportable », et puis d’ailleurs zut à la fin, comme il l’explique dans le verbatim lisible ici,
» Est-ce que l’on a besoin d’appeler autant l’attention du consommateur par des campagnes de publicité aussi importantes ? Enfin, on ne peut plus déjà supporter ce qui se passe à la télé. On va en ville on en voit tout autant… Je soutiens vraiment l’amendement de Laurence Abeille. Vraiment ça suffit. «
Et d’un « zut alors » à un « vraiment ça suffit », on en vient gentiment à voter l’amendement proposé. Il faut dire qu’avec seulement 28 représentants du peuple à ce moment à l’Assemblée, une telle prouesse législative n’a eu aucun mal à passer. Au passage, repensez-y si vous persistez à voter ce dimanche, hein …
Moyennant quoi, c’est encore une partie du financement de la réfection de nos monuments historiques qui disparaît. On pourrait trouver ça triste si, heureusement, le pays ne roulait pas sur l’or et si le ministère de la Culture dont dépendent justement ces monuments et ces réfections n’avait pas actuellement un copieux budget sans la moindre volonté de faire des économies. Un peu plus, et on aurait été obligé d’instaurer l’austérité en France. Mais rassurez-vous, ce ne sera pas nécessaire et d’autant moins que nos députés écolos, dressés comme un chien de prairie cocaïnomane à l’écoute du prédateur qui finira, tôt ou tard, par lui croquer un bout, ont agi d’une main ferme pour bouter la moche publicité qui rapporte des thunes hors de nos villes.
Il faut bien comprendre une chose : ces députés, tout comme le gouvernement, n’ont absolument rien à carrer des finances publiques. Ils se fichent comme d’une guigne des trous que peuvent occasionner les coûteux ravalements de monuments historiques. Ainsi, l’auto-financement des réparations n’est ni à leur ordre du jour, ni même un mot qu’ils comprennent. Pour eux, c’est gratuit puisque c’est l’État qui paye. Dès lors, autant le faire payer avec des bâches grisâtres. Et tant pis pour certains qui pourraient trouver nulle l’abrogation détendue de nos écolos de combat.
Notez bien que le raisonnement, anti-publicitaire primaire même (surtout ?) lorsqu’il rapporte de l’argent, est strictement inversé lorsqu’il s’agit de claquer des thunes. Si gagner de l’argent et équilibrer un budget est, véritablement, « insupportable » au petit Bertrand et si le résultat enlaidi le « paysage urbain » cher à la petite Laurence, le politicien moyen s’apaise et s’endort dès lors qu’il s’agit de dépenser sans compter.
C’est ainsi qu’on découvre en parallèle que pendant que le législateur bidouille de l’amendement à une grosse loi sur la biodiversité, le gouvernement ne s’embarrasse guère de principes lorsqu’il décide de cramer quelques deniers publics dans une magnifique publicité en ligne pour une Loi Santé logiquement fort controversée.
Apparemment, cacher un monument avec une bâche Apple, ça ne passe pas, même si ça rapporte. Mais utiliser les placements AdSense proposés par Google, ça ne pose aucun problème, surtout si ça coûte.
À l’évidence, il y a dans ces pratiques une logique qui échappe au citoyen de base. À mi-chemin exact entre le choix d’une dépense toujours plus désinvolte de l’argent des autres dont tout indique que nos politiciens n’ont absolument rien à foutre, et l’envie, peut-être inconsciente, peut-être plus cynique, de se foutre ouvertement du monde avec des publicités pour leurs actions catastrophiques, nos gouvernants prouvent encore une fois que la cohérence d’ensemble est le cadet de leur souci.
Le petit problème, c’est qu’à la fin, agir sans direction, courir sans tête d’un mur à un autre, cela finit toujours mal.
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