Andreas respirait normalement.
Aucun signe de fébrilité.
Il savourait peut-être même la descente...
Quand on souffre, plus que de raison, on finit toujours par se précipiter dans un gouffre. L'attrait pour l'inéluctable, c'est redoutable...
Ce suicide longuement prémédité, soigneusement dissimulé, accompli sous le sceau du secret avec une certaine sérénité.
Sa décision était prise, elle était dans sa valise, qui contenait désormais toute sa destinée.
Pour un mélancolique c'est un verrouillage automatique : la vie vaut la peine d'être vécue, si et seulement si elle est vaincue.
C'est dans le creuset de la mélancolie que s'élabore très souvent une certaine idée de la mort... celle qui libère de l'enfer celui qui ne croit plus au paradis.
Qu'est-ce que le suicide ?
Un mal plutôt banal. C'est l'acte de celui qui réussit ce double tour de force d'être à la fois le coupable et la victime.
L'égoïste qui met un terme à son égoïsme.
Mais Andreas ne voulait pas se contenter d'un simple suicide.
Il était aussi tenté par l'altruicide... il voulait débarrasser aussi les autres de leur inutilité, de leur inanité, de leur absurdité.
Délivrance collective. Suicide altruiste diront les psychiatres. Il ne part pas seul, il embarque tout le monde... tous ceux qui sont à sa charge. Andreas Paterfamilias.
Une question demeure cependant en suspens ?
Pourquoi il a fait ça ?
Parce qu'on croit que la mélancolie ne suffit pas à rendre compte de l'effroyable
Et on a tord parce que le plus effroyable au monde, c'est la mélancolie...