Ce premier roman écrit par Pierre Lemaitre est un polar bien noir, bien sanglant dont certaines scènes peuvent tellement choquer le lecteur, qu'il paraît souhaitable de sauter des lignes (ce que je n'ai pas hésité à faire). Véritable hommage littéraire aux grands classiques du genre policier tels Le dahlia noir de James Ellroy (lu, dévoré, comme les trois autres ouvrages qui forment avec lui le quatuor de Los Angelès) ou bien American Psycho de Bret Easton Ellis (l'extrait m'a suffi : je ne surmonterai pas l'épreuve d'autres descriptions sanguinaires, tout chef d’œuvre qu'il fût), Travail soigné déroule une enquête particulièrement éprouvante de Camille Verhoeven, commissaire de petite taille (1m45 : là, j'ai tiqué).
Travail soigné est très bien écrit, j'entends par là qu'il est rédigé dans une langue propre, nourri de références littéraires non pompeuses et justifiées par l'intrigue. Pierre Lemaitre varie les plaisirs et les exercices de style : correspondances épistolaires, articles de journal, dialogues incisifs, narration type du roman policier. Honnêtement, pour une première œuvre, Travail soigné est remarquable : l'auteur a soigné ses personnages bien marqués et facilement repérables, assure une intrigue sans trop d'incohérences (même si elle mériterait un petit nettoyage à sec). Je remercie d'avance Pierre Lemaitre de m'avoir épargné la description pointilleuse de la dernière scène.
Toutefois, trois détails m'ont dérangée. 1) La petite taille du commissaire Camille Verhaeven ne pouvait pas lui assurer ce statut de policier. En effet, avant le 10 août 2010, les candidats aux différents concours de la Police Nationale française devaient présenter une taille supérieure ou égale à 1m60. Travail soigné fut publié en 2006 aux éditions Le Masque, bien avant la votation de cette réforme majeure.
2) Camille Verhoeven semble particulièrement sourcilleux sur les détails. Or, deux suspects paraissent tellement évidents et ce, dès les cent premières pages. Le premier est évacué en raison d'un témoignage féminin peu crédible (comme si le bonheur des uns pouvait détruire les autres, même suicidaires). Occulter le second m'a paru proprement hallucinant et même, sous le prétexte abscons de scandale médiatique. Je pense que des amateurs de polar ont réagi comme moi : les arguments présentés pour dédouaner ces deux hommes me paraissent aussi fins que du papier à cigarettes. Pire : l'équipe policière complète démontre un amateurisme béant (une confiance aveugle en chacun, malgré des détails stupéfiants et précis, etc).
3) Camille Verhoeven communique son adresse postale au meurtrier : déontologiquement, c'est pas terrible ! (surtout quand il s'agit d'un serial killer bien fêlé).
En résumé : du très bon polar hyper violent, un auteur avec une plume efficace et lyrique, une enquête qui aurait mérité un raisonnement en béton et sans faille. Éditions Le Masque
énorme merci à Ma Comète pour ce prêt extra-longue durée !
avis : Argali, Liliba, Valérie, Clara, Alex, (les filles, je n'arrive pas à capter les liens vers vos articles) et un de plus pour les challenges de Daniel et d'Asphodèle (prix du premier roman du festival de Cognac en 2006)