Pour ce nouvel article sur les métiers nous sommes ravis de vous présenter Eugénie et Gwenaël créateurs d’Ikebanart, petite boutique-atelier spécialisée en Ikebana, l’art floral japonais, située le long du canal Saint Martin. Nous passions souvent devant sans jamais oser y rentrer et puis un samedi nous avons décidé d’aller voir de plus près et ça a été le coup de cœur immédiat. Le rendez-vous était pris et nous attendions avec impatience cette rencontre pour découvrir leur univers et en savoir plus sur leur métier.
Lorsqu’on arrive devant Ikebanart la première chose que l’on remarque c’est ce plafond de verdure, il y a tout un tas de petites boules suspendues, elles tournent au gré du vent, aériennes. C’est magique. Elles ressemblent à des petites planètes, comme si nous étions instantanément projetés dans l’univers du Petit Prince. Au Japon on appelle ça des Kokedamas. Il y a aussi des fleurs, des branchages et des plantes partout. Succulentes, Cactées, Bonsaïs, Tillandsias, fleurs de saisons c’est un mélange graphique et soigné. On sent une réelle volonté d’avoir un endroit « réfléchi », différent des chaînes habituelles de fleuristes. C’est plus précieux. Le lieu est sobre, habillé de gris anthracite, gris souris et blanc pour laisser toute la place aux végétaux. La scénographie a été réfléchie par Eugénie et Gwenaël avec l’aide d’un architecte, leur parti pris : mettre en avant les plantes et fleurs en sortant des traditionnels bacs en plastique de fleuriste. Le lieu doit faire écho à cet art si particulier qu’est l’Ikebana.
Parcours
Eugénie est maître Ikebana et professeur de l’école Ikenobo de Kyoto, elle a fait 7 ans d’études pour apprendre cet art floral japonais. Avant cela, elle tenait son propre bar en Andalousie, puis a été référenceuse pour le web. C’est une rencontre en Suisse d’une vieille dame japonaise, lorsqu’elle faisait des études d’architecture intérieure, qui l’a mise sur la route de l’Ikebana. C’est à Madrid qu’elle se forme dans une école japonaise pendant sept ans afin de devenir maître Ikebana. Comme tous les arts japonais, l’apprentissage est long et jamais achevé. Eugénie nous raconte qu’elle était la seule étudiante dans cette discipline.
Gwenaël, lui, a fait des études dans le commerce international. A côté de ça, il a toujours aimé les activités créatives et manuelles, il peint, dessine, fait de la musique. Et puis il y a eu le déclic, l’envie de faire quelque chose de ses mains et de tout plaquer. Maintenant Gwenaël est « artiste végétal ».
Ce sont toutes ces expériences qui ont poussé Eugénie et Gwenaël à faire de l’Ikebana leur activité principale. Au départ ils faisaient ça dans leur coin en développant des projets artistiques et événementiels, jusqu’à ce que leur projet de boutique soit accepté par la Mairie de Paris et qu’ils obtiennent un local sur le Canal Saint Martin. Depuis janvier, leur atelier-boutique a vu le jour et maintenant leurs journées sont rythmées au gré des clients, des ateliers et la préparation de leurs créations.
L’art floral japonais, c’est quoi ?
Nous demandons à Eugénie et Gwenaël de nous expliquer leur travail. Ces deux architectes végétaux composent et créent des Ikebanas et des Kokedamas dans leur boutique-atelier.
L’Ikebana c’est l’art de la composition florale, c’est un jeu entre les vides et les pleins, où chaque élément végétal est pensé dans sa forme, son évolution, ses caractéristiques. Eugénie nous explique qu’en utilisant une fleur pas encore ouverte, il faudra calculer l’espace nécessaire dont elle a besoin pour éclore délicatement. Il faut faire des calculs d’angles pour trouver comment positionner les éléments, les stabiliser, trouver le point d’équilibre. Au lieu d’être dans la quantité, comme nos bouquets où se mêlent toutes sortes de fleurs et végétaux, l’Ikebana valorise chaque élément. Il faut rechercher la pureté de la forme, la composition idéale. Tout est une histoire d’équilibre et d’harmonie. Depuis plus de quatorze siècles, cet art développe la recherche de la beauté et l’arrangement graphique. Avant d’être purement décoratif, c’est aussi une invitation à l’observation et au respect des végétaux et de la nature.
Les Kokedamas sont des sphères de mousse et de terre où s’épanouissent des végétaux. Généralement suspendus les Kokedamas peuvent aussi être posés sur une soucoupe. Ces petits jardins suspendus viennent aussi du Japon mais leur apparition est récente. A mi-chemin entre le bonsaï et l’Ikebana, ils apportent de la nouveauté dans le paysage des compositions végétales. Chez Ikebanart il y a des Kokedamas partout, suspendus, posés ça et là sur d’immenses troncs d’arbres, ça donne l’impression d’une jungle.
Les outils : fleurs et végétaux
Eugénie et Gwenaël expliquent l’importance de connaître les végétaux qu’ils utilisent, leurs caractéristiques, leur entretien, leurs besoins. Leurs outils de travail sont des éléments vivants, fragiles. Il faut les manier avec soin. Ils apprennent sans cesse et améliorent leurs connaissances en pratiquant. La sélection des matières premières ainsi que les conditions métrologiques, l’hygrométrie, l’exposition du soleil, sont des caractéristiques nécessaires pour créer des compositions florales et végétales qui puissent durer dans le temps et survivre dans notre environnement.
Nous évoquons rapidement l’aspect éthique lorsqu’on est fleuriste, Eugénie et Gwenaël nous expliquent que le marché est tenu à 80% par les hollandais. Comme partout les végétaux sont contrôlés par de grands groupes ce qui laisse peu de marche de manœuvre pour une démarche 100% éthique. Pourtant, ils cherchent à trouver des circuits plus courts, se renseignent. Il faut aussi entrevoir une réalité, est-ce que nous, consommateurs, sommes prêts à acheter des fleurs et plantes plus chères car bio ? Pas sûr… alors en attendant, ils sélectionnent leur marchandise avec soin afin d’avoir la meilleure qualité.
Et après ?
Eugénie et Gwenaël s’intéressent à tout, ils collaborent avec d’autres créateurs, réalisent des compositions pour l’événementiel et des shootings, animent des ateliers dans leur boutique pour apprendre les bases de l’Ikebana aux enfants et aux adultes. Comme on dit, ils font leur petit bonhomme de chemin, simplement, en suivant leurs envies et passions. C’est une chance qu’ils ont, qu’ils se sont donnés et à les voir comme ça, tous les deux s’affairant à préparer leur boutique, on espère que ça va durer longtemps.
Retrouvez Ikebanart au 49 rue Lucien Sampaix 75010 Paris. Le planning des ateliers est à retrouver en boutique ou sur leur site internet. Merci à Eugénie et Gwenaël pour ce moment, un peu hors du temps, et surtout magique.
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