Au fil de mes lectures, je suis tombé sur ce passage qui m’a paru d’une singulière modernité puisqu’on y évoque déjà le recul des frontières et la mondialisation que nous connaissons aujourd’hui. Une fois que les navires ont cessé de longer les côtes et qu’ils se sont élancés sur la pleine mer, d’autres rivages ont été découverts et on a connu d’autres peuples. Les échanges commerciaux ont fait le reste.
Nos ancêtres ont connu des siècles d’innocence,
ignorant toute perfidie.
Chacun demeurait tranquillement sur son rivage
et vieillissait sur la terre de ses aïeux.
Le peu qu’il possédait suffisait à faire sa richesse ;
C’est de sa terre natale qu’il tirait tous ses biens.
Les frontières heureusement établies ont été effacées
Et le monde a été unifié
Par le vaisseau de pin construit en Thessalie.
Il a forcé la mer, l’a battue de ses rames,
Et cette mer dont on ne se souciait pas,
Il nous l’a imposée – nouveau sujet de crainte.
(…)
N’importe quel navire peut parcourir la haute mer.
Toutes les limites ont été repoussées
Et des villes ont édifié leurs murs
Sur de nouvelles terres.
Le Monde, désormais totalement accessible,
Na rien laissé à sa place d’origine :
L’Indien boit l’eau glacée de l’Arax,
Les Perses se désaltèrent à celle de l’Elbe et du Rhin.
Dans de longues années viendra un temps
Où Océan relâchera son emprise sur le monde,
Où la terre s’ouvrira dans son immensité,
Où Téthys révélera de nouveaux continents,
Où Thulé ne sera plus l’ultime terre connue.
De quand date ce texte ? Du XVIème et du XVIIème siècle, quand les galions espagnols ramenaient de l’or d’Amérique ? De l’époque de Christophe Colomb ? Non, ce texte est extrait de la pièce de théâtre « Médée » du philosophe Sénèque (-4 av. J-C ; 65 après J-C). Comme quoi il n’y a rien de neuf sous le soleil.