Article extrait des Enquêtes du contribuable n°9 février/mars 2015, «Les inégalités public-privé». En kiosque. Numéro disponible sur notre boutique en ligne.
Lorsque le gouvernement Juppé décida de supprimer en 1997 les déductions spécifiques pour frais dont bénéficiaient alors une myriade de professions toutes plus improbables les unes que les autres, seuls les journalistes se soulevèrent pour défendre leurs privilèges. Et la profession obtint gain de cause puisque Lionel Jospin s’empressa de lui accorder, dès qu’il accéda au pouvoir, un abattement spécifique supplémentaire de 50 000 francs.
Certains disent que ce montant, passé à 7 650 euros, se justifie par le fait qu’un journaliste ne s’arrête jamais de travailler. D’autres prétendent que c’est parce qu’il ne peut pas toujours déclarer la rémunération de ses sources. Quoi qu’il en soit, ce montant est en réalité une « allocation pour frais d’emploi » impliquant qu’avant de percevoir un euro de salaire imposable, le journaliste commence par toucher 7 650 euros de remboursement de frais qu’il n’a pas à justifier ni à déclarer… Pour éviter une double déduction, seuls les journalistes qui n’optent pas pour les frais réels sont bien entendu concernés.
En pratique, les journalistes déduisent donc un premier montant de 7 650 euros de leur rémunération nette de cotisations sociales, puis opèrent la déduction forfaitaire de 10 % sur le montant restant. Puisque cette somme de 7 650 euros est réputée constituer une allocation pour frais d’emploi utilisée conformément à son objet, les journalistes sont censés réintégrer en contrepartie dans leur revenu imposable les allocations pour frais d’emploi réellement versées par l’employeur. Toutefois, comme l’administration plafonne à 3 430 euros cette réintégration, le journaliste est toujours gagnant…
Ainsi, un journaliste dont la rémunération fixe est de 40 000 euros nets et se fait rembourser en sus 10 000 euros de frais de réception, transport, documentation, cadeaux…, aura perçu 50 000 euros et se retrouvera au final imposé sur : 40 000 + 3 430 – 7 650 = 35 780 – 10 % = 32 202 euros.
Le système est d’autant plus généreux qu’il bénéficie aux journalistes au sens large et profite donc aussi aux rédacteurs, photographes, critiques dramatiques et musicaux et même aux directeurs de journaux…
Et comme le législateur aime vraiment les journalistes, il leur offre une petite douceur supplémentaire, à savoir l’exonération totale de l’indemnité spécifique de licenciement à l’initiative de l’employeur. Indemnité qui, rappelons-le, s’élève au moins à un mois de salaire par année d’ancienneté…
Olivier Bertaux
«Les inégalités public-privé», Les Enquêtes du contribuable de février/mars 2015. 3,50€€. En kiosque le lundi 2 février et sur abonnement. Vous pouvez commander en ligne ce numéro.
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