Terres Chaleureuses
Moi, altéré de vie, enfant des impatiences,
Je chanterai les noces de l’ombre et de l’ardent.
Avec mon peu de souffle, jusqu’au temps sans lisière,
Je tiendrai promesse envers l’unique mort.
Aux chemins divisés, l’horizon est le même ;
Nos jours furent ce miracle pareil aux moissons.
Songe à l’oiseau délié en nos arbres meurtris ;
Nous avons eu l’herbe et l’eau du seul amour.
Songe à l’espérance, sa tige doublée de terre ;
Songe au cœur dénoué par la voix de l’ami.
Un champ raidi prête naissance au pavot ;
Et le grain fut, chaque fois, le contraire de la nuit.
Mon amertume se noie, si légère est sa trame ;
Si vaste est l’univers où tout s’accomplira.
Oui, je te chante ô mort, jusqu’à l’ultime absence,
Gardienne de l’inconnu, douce prairie des errants !
Je chante, car ici-bas l’épi échappe aux cendres ;
La parole délivre, l’aile trouve sa raison.
Un soir, je m’en irai loin des terres chaleureuses ;
Le masque, couleur d’aube, sur ma face de vivant.
Un soir je m’en irai, ayant pour seule peine
De quitter tout amour enlacé aux saisons.
Ô mort, tu me viendras, et je le veux ainsi.
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J’ai trouvé ce poème dans l’anthologie de la poésie française (du 18è siècle au 20è siècle) parue aux éditions de La Pléiade.
Le rythme de ces vers est, à quelques nuances près, celui de l’alexandrin, mais l’hémistiche est rarement conforme aux règles classiques.