tiré du Huffington Post
Y’a des filles faciles dont la vie est plus compliquée qu’une phrase de Jean-Claude Van Damme. Y’a des filles de joie qui préfèreraient pisser dans le violon des filles de bonne famille plutôt que se taper le désespoir chaque nuit. Y’a des coupables qui clament leur innocence jusqu’à la mort, et des innocents qui passent leur vie à porter sur les épaules une culpabilité qui ne leur appartient pas. Y’a des mecs qui écrivent son nom partout, et d’autres qui s’enferment à double tour dans leur chambre pour ne jamais la croiser. La liberté, ça fiche la trouille. Parce qu’elle se paye toujours au prix fort, la garce ; et si celui qui la prend s’est déjà barré, ce sont ceux qui restent qui doivent débourser. C’est un père qui descend acheter des cigarettes, mais ne remonte jamais les escaliers. C’est une mère qui reste dans cet appartement qui sent le renfermé, l’eau de Cologne Hugo Boss, et le tabac froid. C’est une petite fille qui doit danser aussi bien que Fauve Hautot avec les ballerines usées et les cheveux blancs de maman, un petit garçon qui doit se tenir droit dans les chaussures cirées de papa, et porter la raie du même côté. La liberté des uns en a foutu plus d’un autre sous les verrous.
Y’a des mômes qu’on a gavés de c’est comme ça, à qui on a fait ravaler avec leur soupe leur c’est un peu plus compliqué que ça. Y’a des mômes qui sont devenus vieux sans être adultes, et des adultes qui ont oublié les mômes qu’ils étaient. Y’a des soirs où cette boule dans mon ventre prend tellement de place que tes conseils ils ne passent plus. Et t’as beau te pointer avec ton âge et tes souvenirs qui comptent triple, t’as beau me parler d’un temps que mon acné en retard et ma mémoire en rade ne peuvent pas connaitre, j’ai beau être ta fille ta bataille, la route tu sais j’la taillerai si je veux. Ne me demande pas de mettre de la couleur quand je parle du monde, en me tendant une boîte de feutres noirs. Ne me demande pas de sourire à tous ces mecs qui font la gueule le long du trottoir. Ne me demande pas de porter ce masque blanc et de border mon regard de mascara. Ne me demande pas de porter sur mes épaules le poids de cette culpabilité qui ne m’appartient pas. J’suis qu’une môme tu sais, et au fond j’suis pas plus compliquée que ça ; j’attends rien de toi, juste que tu sois là au bon endroit, au bon moment, mais laisse-moi me faire ces putains de bleus.
On m’a donné la vie sans me demander mon avis. Qu’on ne me reproche pas de me poser cinq minutes pour me demander si je la voulais vraiment. Qu’on ne me demande pas de dire merci pour la leçon la soupe froide et les draps blancs. Je ne vous demande pas de comprendre, moi-même je n’y comprends pas grand-chose. Y’a des matins où tes gros sabots font trop de bruit, y’a des soirs où tes histoires m’aident à m’endormir. Y’a des matins où je préfère claquer la porte, pour marcher, marcher vite, courir presque, juste pour être loin de toi, et y’a des soirs où je ne fais que me retourner sous les draps parce que tu n’es pas là. Y’a des matins où je descends acheter des cigarettes et des soirs où je termine la bouteille de whisky, la boîte de chocolats et le dernier cigare avant de remonter la couette pour que tu ne prennes pas froid. Y’a des matins où j’ai juste besoin de me foutre la trouille et de sauter, tant que tes bras sont là pour me rattraper en bas.