[Critique] UN HOMME IDÉAL

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] UN HOMME IDÉAL

Note:

Origine : France
Réalisateur : Yann Gozlan
Distribution : Pierre Niney, Ana Girardot, André Marcon, Valeria Cavalli, Thibault Vinçon, Marc Barbé, Laurent Grévill, Sacha Mijovic, Eric Savin…
Genre : Thriller
Date de sortie : 18 mars 2015

Le Pitch :
Mathieu Vasseur, un jeune auteur sans grande inspiration ni talent, se fait régulièrement refouler par les maisons d’édition. Travaillant comme déménageur pour gagner sa croûte, il trouve un jour chez une personne récemment décédée, un vieux manuscrit relatant la Guerre d’Algérie. Lasser de se voir refuser ses œuvres, Mathieu décide de plagier allègrement le texte du défunt. Quelques années plus tard, alors qu’il jouit des fruits de son succès mal acquis, Matthieu devient la proie d’un corbeau qui connaît son secret. Il entre alors dans une spirale infernale…

La Critique :
Dans un contexte où tout ce qui est français doit être sauvegardé, chaque fois qu’un film de chez nous sort avec un acteur ou réalisateur un tant soit peu connu au générique, on a droit à un véritable matraquage médiatique du genre « si tu ne vas pas voir ce film, tu as raté ta vie ». Si vous avez la chance de vivre dans une grotte et parler à vos amis les animaux peints sur les murs et qui vous font la météo et le journal télévisé, vous faites partie alors de ceux qui ne savent pas qu’Un Homme Idéal est sorti. Un film sur un sujet éculé porté par un acteur estampillé « de la Comédie Française » (mais qui vient juste de la quitter), qui avait tout pour me faire fuir et pour tout dire, j’y suis allé à reculons. Mais comme chez moi, on ne peut pas dire qu’il y a un énorme choix de films, et que parfois il faut savoir se sacrifier pour le pays, allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé, tout ça tout ça, je me suis décidé à aller le voir. Après tout, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise.
Et c’est ce qui s’est passé. On assiste au début à un curieux mélange des genres. Au début, quand on voit Pierre Niney, 1m90 pour 60kgs tout mouillé, dans le rôle d’un déménageur, on pense à une comédie et on réprime son rire, car toute la salle (sûrement ceux qui n’ont pas voulu rater leur conversation à la machine à café le lendemain, car on l’a déjà dit, on est presque obligé d’aller voir ce film) ne rit pas. Ensuite, en voyant l’histoire d’un mec sans inspiration qui obtient un énorme succès en pompant comme un salopard un truc déjà écrit, on peut presque croire qu’il s’agit du biopic, romancé (au moins deux Big Macs par jour en moins) de Luc Besson. Mais non, il s’agit bien d’un thriller. Un thriller qui ne brille pas par son originalité, mais un thriller quand même, et en plus pas mauvais.

Avalant (et en l’assumant) ses influences, à chercher du côté du thriller dramatique bourgeois à la Chabrol, Un Homme Idéal ne cherche pas le contre-pied vis-à-vis de ses illustres modèles. Le film ne brille d’ailleurs pas par son originalité. Néanmoins, le film a un petit je-ne-sais-quoi qui fait qu’il se démarquera d’une grande partie de la production française. Ce petit truc, c’est d’abord le rythme, le fait que cela se joue à grands coups d’ellipses pour se concentrer sur un contexte particulier. Pas de lente évolution de la galère au succès, juste une opportunité, une rencontre, et trois ans plus tard, l’argent, la femme de ses rêves, des beaux-parents qui ont une bicoque à tomber, des balades en bord de mer, (de la coke et des putes…….ah non, bon ben tant pis). Et un maître chanteur, histoire d’avoir ce petit grain de sable qui vient déglinguer la belle machine. Le tout filmé avec justesse.

L’autre force du film, c’est le casting, enfin et surtout (pour ne pas dire que, ou presque) Pierre Niney. Ce dernier est l’antithèse de son insupportable collègue De La Comédie Française, Guillaume Gallienne. Oui, au risque de me faire lapider à coups de boules de pétanques dans les testicules par la foule en colère à chaque fois que je sortirai de chez moi, de me faire traiter d’anti-intellectuel beauf et de voir ma cinéphilie remise en question pour avoir osé éreinter celui qu’il est interdit de détester, je ne supporte pas un mec qui donne l’impression de jouer Richard III à chaque fois qu’il donne un interview, sorte de Luchini à bouclettes, condensé de tout ce qui est détesté dans le cinéma français. Pierre Niney est aux antipodes, il n’en fait pas des caisses, joue avec subtilité ce personnage profond et complexe, menteur invétéré sans aucun autres scrupules que l’envie de garder son secret coûte que coûte au prix d’un dépassement de la ligne jaune. Même si j’aurais toujours une préférence pour d’autres jeunes acteurs comme Nicolas Duvauchelle, je dois reconnaître que Niney est un comédien très prometteur qui pourra aller très loin, à l’instar de son personnage. Le reste du casting est un ton en dessous. La belle Ana Girardot tire encore son épingle du jeu, mais le reste, à savoir André Marcon, Valeria Cavalli et Thibault Vinçon, joue dans des registres trop lisses et stéréotypés, ce jeu à la française, entre théâtre classique et Nouvelle Vague, qui donne tant l’impression que quoi qu’on regarde qui sort de chez nous, ce sont toujours les mêmes films. Et je ne parle pas du maître chanteur, joué par Marc Barbé, au charisme de méchant à la française, à savoir celui d’un paquet de pâtes de marque repère (car les pâtes de certaines marques sont plus charismatiques que notre cher corbeau).

Linéaire, convenu, académique (la différence entre l’académique français et l’académique américain, c’est un peu comme la différence entre la cérémonie des Césars et celles des Oscars), au déroulement souvent téléphoné, Un Homme Idéal hérite hélas des nombreuses scories des autres films made in le-pays-qui-a-inventé-le-cinéma-et-qui-donc-fait-le-meilleur-cinéma-du-monde. Les comédies populaires, le drame bourgeois, le revival Nouvelle Vague, tout ça a tellement influencé le cinéma français en profondeur qu’il est dur de trouver un film français un tant soit peu original. On est toujours coincé sur les mêmes schémas, le même cadre, le même scénario. Pourtant, le thriller/polar a été renouvelé par des mecs comme Olivier Marchal, Eric Valette ou encore Fred Cavayé, et le maître du genre, Alain Corneau, nous a livré certains chefs-d’œuvre comme Le Cousin (mais ça commence à dater). Un Homme Idéal choisit plutôt le classique. Malgré tout, grâce à son acteur principal et son rythme, ce deuxième film (d’un mec dont la première œuvre a été avec un acteur comme Arié Elmaleh, autrement dit, rien de mémorable) évite non seulement le naufrage mais s’en sort très bien. Sans être une œuvre majeure, sans légitimer le matraquage médiatique, c’est plutôt un bon film qui fait le job, et finalement c’est tout ce qu’on lui demande.

@ Nicolas Cambon

Crédits photos : Mars Distribution