Non contents de cela, les alliés étrangers de cette oligarchie, ceux-là même qui lui ont permis de s’endetter de façon astronomique et ont financé toutes ses extravagances, utilisent la crise pour garantir leurs affaires : c’est-à-dire que la dette soit payée avec les intérêts dus et que l’économie s’ouvre à eux pour de nouvelles opportunités d’investissement.
C’est ainsi que commence la privatisation des services de base et que l’oligarchie nationale devient l’agence commerciale qui administre le pillage. Quand le peuple commence à protester contre cette injustice, avant le lever du jour, on lance des rafles à l’aube, on tire des militants politiques du lit pour les interroger, les intimider et l’on condamné durement certains d’entre eux. Le système judiciaire interdit la protestation sociale et les autorités menacent : elles n’accepteront pas de troubles à l’ « ordre » public.
« Nous ne pouvons pas payer! Nous n’allons pas payer! »
Nous ne sommes pas en train de parler d’une république bananière du Tiers-monde à la fin des années 70, mais ce qui est en train de se produire dans la civilisée et progressiste Union Européenne (U.E). Plus particulièrement, dans la république bananière d’Irlande. Depuis 2008, le peuple a supporté, avec un stoïcisme proche de la stupidité, toutes les conditions imposées par la troïka (BCE, FMI, UE) au milieu de la crise, le programme d’austérité, les mensonges d’un gouvernement élu pour faire exactement le contraire de ce qu’il a fait, les sales tours de quelques riches qui ont continué à s’enrichir grâce au pillage des portemonnaies de la classe travailleuse. L’esprit combatif mythique des Irlandais s’est évaporé sans laisser de traces, au point que les Grecs brandisssaient des pancartes dans leurs manifestations où l’on pouvait lire « Nous, nous ne sommes pas l’Irlande ».
Mais, on est arrivé à un tel point que même le plus docile des Irlandais s’est mis en colère. La privatisation de l’eau a été littéralement la goutte qui a fait déborder le vase. Bien qu’ils essaient de vendre cette mesure avec l’argument que c’est une nécessité imposée par la crise, la vérité, c’est que depuis peu, la UE essaye de privatiser ce dit service en Irlande : en fait, il y a eu des campagnes successives et réussies contre la conversion de ce droit en business à partir de la fin des années 90. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans ce petit pays contre cette politique et le gouvernement fait face à une campagne de désobéissance civile sans précédents, dans laquelle une majorité de gens refuse de payer. Horreur des horreurs, GMC Sierra, la compagnie chargée de l’installation des compteurs d’origine allemande et US-américaine dans les maisons, s’est heurtée à l’opposition enflammée des communautés qui les empêchent de travailler, qui font obstruction et réalisent des piquets de blocage. Action directe, Messieurs-Dames ! Voilà ce à quoi nous assistons après des décennies de domestication des mouvements populaires par le pacte social.
« Liberté pour les Cinq »
La classe dominante a peur et cela se voit. Ils craignent l’anarchie, ils craignent que la populace cesse d’obéir et de reconnaître l’autorité de ceux qui gouvernent. Ils répondent maladroitement, donnant l’ordre en une semaine d’arrêter 17 personnes qui ont participé à une manifestation au mois de novembre dernier dans le district de Jobstown. À cette occasion, le véhicule de la vice-Premier ministre, la travailliste Joan Burton, a été bloqué par les manifestants, qui ont été accusés honteusement d’ « emprisonnement illégal ».
Dans le premier groupe de personnes arrêtées (le 9 février), se trouvaient le député socialiste Paul Murphy, des conseillers de gauche et des militants républicains. Les jours suivants, les personnes arrêtées étaient tous des manifestants de la campagne contre la privatisation de l’eau, y compris des mineurs et des retraités, ce qui rendait ce montage encore plus grotesque.
Bien qu’ils aient été tous laissés en liberté provisoire, hier (18 février) cinq d’entre eux ont été condamnés par la cour- Bernie Hughes, Damien O’Neill, Paul Moore, Derek Byrne et Michael Batty, -tous originaires de secteurs populaires de la capitale- à 28 et 56 jours de prison. La sentence criminalise ouvertement la désobéissance civile, une des formes classiques de protestation qu’on confond délibérément avec la « violence » en totale violation des droits humains les plus fondamentaux.
La réponse policière à la protestation dans la paisible République d’Irlande n’est pas nouvelle –les habitants de Rossport sur la côte ouest en savent quelque chose, eux qui pendant des années se sont battus contre la présence de la pétrolière Shell sur leurs territoires : ils ont été victimes de harcèlement policier et ont dû encaisser moult matraquages parce qu’ils ouvraient la bouche. Curieusement, le jour même où les premières arrestations ont été menées contre les manifestants, le Premier ministre Enda Kenny annonce le durcissement des lois anti-terroristes pour affronter le grand méchant loup islamiste. On voit où ils veulent en venir : criminaliser le mouvement social.
La réponse populaire commence à se manifester : alors que Rossport est une zone rurale isolée du reste du pays, la persécution politique au cœur de Dublin a éveillé des manifestations multiples et spontanées devant les commissariats de police dans tout le pays et samedi 21 une importante manifestation aura lieu contre la répression, on y attend des milliers de personnes des communautés populaires qui ont subi le plus durement l’impact sur les pauvres de la crise des riches, et qui continuent à subir le gros de cette offensive contre le droit à la protestation. L’heure est venue pour que le peuple d’Irlande démontre aux Grecs, au monde et à lui-même qu’ici aussi, il reste de la dignité.
Comment la police d’Irlande (Gardaí) traite les protestataires José Antonio Gutiérrez D.
Traduit par Pascale Cognet
Source : centpapiers