Le Cheikh et le Derviche.

Publié le 30 mai 2008 par Mesk Ellil
Il était une fois un cheikh érudit et sage ( il n'y a d'érudit et de sage que Dieu). Ce saint homme vivait dans la pauvreté et répandait parmi les jeunes les connaissances que Dieu lui avait permis d'acquérir, en lui donnant une intelligence lumineuse. Il était aimé et admiré. Le sultan en devint jaloux. Un jour, il le fit venir et lui dit : " Tu es un maître réputé, un pédagogue averti, je vais te confier un élève. Je t'accorde trois ans pour lui enseigner le Coran. " Il lui présenta un jeune chameau, une belle bête comme toutes celles qu'il possédait. "Voici ton futur élève, lui dit-il, réfléchis jusqu'à demain. Si l'entreprise te paraît difficile, tu peux refuser. Je t'ai préparé, dans ce cas, un cachot profond qui sera ta prison et ton tombeau." Le Cheikh s'en alla tout triste, maudissant sa science et sa sagesse, prêt à se révolter contre son créateur. Il rencontra un derviche, homme simple et fruste, vêtu de guenilles, vivant d'herbes et de racines, en compagnie des bêtes sauvages qu'il préférait aux hommes. Il lui demanda conseil. "O homme instruit, lui dit il le derviche, ta science te rend aveugle, borné et craintif. Peux-tu connaître les desseins du très Haut. Lui seul doit inspirer la crainte, non le sultan périssable. Va, accepte l'élève qu'il te propose. D'ici trois ans, tu peux mourir. Tu seras alors entre les mains du miséricordieux. Le chameau peut mourir. Tu n'auras pas à prouver ton habilité. Si a sonné enfin l'heure du sultan superbe tu te retrouveras possesseur d'un chameau et plus riche que tu ne l'es à présent." C'est ce qui arriva. Le sultan ne tarda pas à mourir et personne ne songea à réclamer le chameau. "Voilà une anecdote qui peut servir d'enseignement à tous les impatients, les inquiets qui cherchent à pénétrer l'insondable au lieu de se laisser vivre et de se reposer à Dieu." Entretien entre Ramdane et le marabout si Mhafoud. La terre et le sang/ Mouloud Feraoun.