Il y a un bouchon sur la foutue autoroute. Grâce à l’intelligence artificielle des véhicules dans Cities : Skylines, le plus récent jeu de Paradox Interactive, voitures et camions font la queue pendant une éternité pour passer d’une partie de ma ville virtuelle à l’autre.
Et cela, c’est sans compter les véhicules des services publics qui attendent d’aller éteindre un incendie, d’appréhender des criminels, de ramasser les ordures, de transporter les malades à l’hôpital, ou encore de récupérer les corps des morts.
Cette autoroute joue ici le rôle de l’artère qui pompe le sang dans le muscle cardiaque municipal, celle qui amène résidents et travailleurs à leurs activités quotidiennes.
J’ai beau élargir mes boulevards, multiplier les voies d’accès, rien n’y fait; Cities : Skylines révèle enfin son vrai visage. Au lieu d’un simulateur de développement urbain, le jeu est en fait un simulateur de transport municipal. Les influences des autres titres de Colossal Order, Cities in Motion et sa suite, dans lesquels on gère un service de transport en commun, ne sont certainement pas loin.
La route se retrouve donc au centre du jeu, et l’affaire est tout sauf surprenante. Après tout, dans le jeu comme dans la vraie vie, une nouvelle ville débute avec ce ruban de bitume qui rejoindra, quelque part, une autoroute.
Car cette autoroute joue ici le rôle de l’artère qui pompe le sang dans le muscle cardiaque municipal, celle qui amène résidents, travailleurs et biens matériels pour faire fonctionner les industries, nourrir la population, ou encore exporter la production des entreprises installées dans votre bourgade qui deviendra éventuellement une bruyante métropole.
Une scène de film vient en tête : celle de Baraka, le documentaire sans paroles, où l’on aperçoit une grande avenue de New York où s’agglutinent les voitures. Au fur et à mesure que la caméra recule et que le plan s’élargit, les véhicules circulent à toute vitesse, pendant que l’on entend une personne respirer. Chacune des inspirations et expirations provoque un mouvement de voitures et camions, à croire qu’à chaque instant, ces grandes bandes de béton s’étirant jusqu’à l’horizon fournissent leur cargaison d’un matériau essentiel au fonctionnement de la Grosse Pomme.
Et Dieu créa… la ville
Lorsque vous posez le premier tronçon d’une nouvelle ville, d’ailleurs, le rôle de «maire-dieu» devient subitement clair. Libre à vous d’occuper l’espace que vous voulez, de créer votre ville en fonction d’un plan où les rues se coupent à angle droit, d’adopter la méthode des banlieues consistant à multiplier virages et sinuosités, ou d’installer un nombre incalculable de ronds-points, carrefours giratoires et autres échangeurs tenant de l’imagination d’un ingénieur fou.
Cette route, c’est le premier coup de pinceau sur un canevas vierge, la première pierre d’une pyramide aux dimensions possiblement gigantesques qui n’attend qu’à être construite. C’est la route de Full Throttle; celle qui s’étend à l’infini dans la poussière ocre du désert; celle qui serpente, fatiguée, criblée de trous, entre les falaises. La route, c’est à la fois la vie, qui permet le transport des biens et la circulation des véhicules d’urgence, mais aussi la mort, avec la pollution industrielle des camions-remorques, le bruit des embouteillages et des sirènes dont l’écho résonne entre les structures de verre et d’acier.
À moins de tout prévoir au mètre près, vos routes se révéleront bien souvent inadéquates, incapables de soutenir la croissance du trafic automobile avec les années.
De fait, ceux qui s’intéressent de près ou de loin à l’urbanisme constateront rapidement que les différences entre Cities : Skylines et la réalité sont parfois minimes lorsqu’il est question de l’aménagement des routes. À moins de tout prévoir au mètre près, vos routes se révéleront bien souvent inadéquates, incapables de soutenir la croissance du trafic automobile avec les années. Les autobus sont utiles, certes, mais les volumineux véhicules provoquent leur part de congestion routière. Quant au métro et au train, leur prix est élevé et leur aménagement, problématique. Et puisqu’il est impossible, quand l’on s’appelle Denis Coderre, d’obtenir des fonds illimités, au contraire du titre de Colossal Order, les projets de transport s’étirent sur des années, voire des décennies. Si les maires virtuels évitent les travaux d’entretien et les tristement célèbres cônes orange, ils n’éviteront pas les tracas de la vie d’automobiliste.
Cachez cette bretelle d’accès que je ne saurais voir
L’aspect routier de Cities : Skylines est si important, en fait, que bon nombre de joueurs se réunissant régulièrement sur une section dédiée de la communauté Reddit n’en finissent plus de proposer des méthodes pour gérer le flot de véhicules et de marchandises. Carrefours giratoires méticuleusement travaillés pendant des heures, histoires de réussites ou d’échecs retentissants, formations à la va-vite données par de véritables ingénieurs et spécialistes du trafic… Tous ont constaté que pour réussir à éviter l’exode de ses habitants virtuels et la faillite qui s’ensuit, il est essentiel de lier une relation d’amour-haine avec ces routes qui se multiplient trop souvent comme de la mauvaise herbe.
L’échec de DarkLiberator sur Reddit.
Et nous n’avons encore rien vu : l’équipe de Colossal Order assure que les tunnels feront leur apparition au sein d’une future rustine gratuite. De quoi provoquer de l’insomnie chez même les meilleurs ingénieurs oeuvrant d’arrache-pied pour construire la «meilleure» ville numérique qui soit.