Le Moyen Age a toujours la réputation d’une époque cradingue et qui pue, bin accrochez-vous mes p’tits, parce que c’est faux. Vraiment faux. Je vous ai déjà présenté l’hygiène dentaire avec les dentifrices naturels qui tachent les gencives et les soins pour les cheveux à base de lézards morts. Aujourd’hui on parle du bain, du savon qui pique les yeux et de la peau douce.
L’importance du bain
Les règles d’hygiène
Au Moyen Age, le bain est conseillé dans de nombreux traités de médecine, mais aussi des fabliaux expliquent qu’il faut se laver. Pas juste les mains et avec un peu de paille, non non. Il faut de l’eau, de savon, et frotter, frotter, frotter.
Par exemple, Barthélemy l’Anglais énonce au XIIIème siècle « quand l’enfant aura assez dormi, ci le doit-on laver trois fois par jour». Après chaque grosse sieste de ton mioche, tu dois le laver. Rappelons aussi que les couches jetables n’existent pas et que les enfants portent des langes, il faut donc, non seulement laver le cul, mais aussi les vêtements. Barthélemy, toujours, explique dans le Livre des propriétés des choses (gallica mais pas en couleur) que le bain est nourrissant « On le baigne et oint pour nourrir la chair nettement ».
Pour les adultes, le bain est un peu moins régulier. Quotidiennement les mecs et meufs se lavent les parties du corps exposées, les mains, le visage. Le bain est hebdomadaire, ou presque. Il existe dans chaque quartier des villes des étuves, ou bains publics. Mais attention, l’eau du bain lorsqu’elle est trop chaude peut « expulser l’ordure que la nature cache par les pertuis de la chair » selon Aldébrandin de Sienne (gallica).
Les étuves
En 1292, on compte 250 000 habitants à Paris et il y a 27 étuves Même Dijon, Rouen, Chartres et Strasbourg sont équipés de nombreux bains publics. C’est dire ! Et le nombre d’étuves va augmenter, or, son prix est quand même un peu excessif. L’équivalent d’un gros pain. Alors, les riches vont aller dans les étuves, alors que les moins fortunés vont préférer l’eau des rivières. Mais contrairement aux étuves, l’eau y est froide. Sans dec, en plein hiver, j’irai jamais me baigner une fois par semaine dans une rivière gelée, ja-mais.
Après le XIIIème siècle, on va différencier deux sortes d’étuves. Les étuves sèches : une pièce fermée où on envoie de l’air chaud. Et les étuves humides, où de la vapeur est envoyée. Ça vous rappelle rien ? Genre, le sauna et la hammam quoi. Influence directe de l’orient après les croisades ! Et il reste les bains publics, avec des baignoires d’eau tiède. Enfin, baignoires… il s’agit de baquets d’eau en bois dont l’intérieur est recouvert d’un linge pour éviter les échardes. En plus c’est pratique, on les change entre chaque client, et en les soulevant, on retire toutes les saletés de l’eau. Mais on change pas l’eau, faut pas déconner.
Ensuite, les bains seront en cuivre ou laiton. On peut manger, boire un verre, se faire masser, couper les cheveux, la barbe et puis l’ambiance est bonne et chaude. Et je parle pas que de l’eau (#NSFW).
Les étuves sont mixtes. Au XIIème siècle, ça passe. On a pas de problème avec la nudité et puis les gens trouvent ça normal. Puis au fil des années, l’humain devient de plus en plus chaud patate et la prostitution se généralise dans les étuves. Et les prêtres ne sont pas les derniers à s’y rendre (porno médiéval). On trouve la salle de bain en bas, et les chambres en haut. Comme les bars à putes en Espagne, le bar en bas, les chambres en haut. D’ailleurs au XVème siècle, on va plus aux étuves pour pécho que pour se laver… Du coup, on va séparer les hommes et les femmes dans certains bains privés. Pour mettre un peu de décence et appeler une autre population. Et puis, ensuite, on va arrêter de se baigner…
La chute de popularité de l’eau
A la fin du Moyen Age, on a peur de l’eau. Faut dire que les étuves et bains publics sont des lieux de promiscuité, et en période d’épidémies et particulièrement de peste, t’as plutôt tendance à éviter de te coller aux autres. La population a peur que la maladie se glisse par les pores dilatés de la peau trempée. Selon Houel dans son traité de la peste (BIUS) en 1573, « Bains et étuves publiques seront pour lors délaissés, pour ce qu’après les pores et petits soupiraux du cuir, par la chaleur d’icelle, sont ouverts plus aisément, alors l’air pestilent y entre ». Du coup, au XVème siècle, de nombreux lieux ferment leurs portes. Les mecs et les meufs vont préférer se parfumer et se vêtir plutôt que de se déshabiller et se baigner. Alors on va se frotter avec du linge et on va se parfumer, beaucoup. Le visage et les mains continuent d’être lavés régulièrement.
Le savon
Dans les étuves et bains publics, on parfume l’eau mais on utilise aussi du savon. Du savon à base d’huile, de graisse animale ou végétale. Le savon gallique est composé de cendre et de suif de chèvre. C’est le moins cher. Un peu plus cher, c’est le savon de Marseille, celui que tu as encore aujourd’hui sur le rebord de ton lavabo. A base d’huile d’olive et de plantes. Il existe aussi le savon d’Alep à base d’huile d’olive . Ce sont les vénitiens qui l’ont fait venir en Europe. Venu de Syrie, il coûte la peau des couilles et peu de personnes peuvent l’utiliser.
Vu que nous sommes tous fauchés, je vous propose de créer votre propre savon à la cendre !
La recette
N’hésite pas à te protéger avec une blouse en coton, des lunettes et de gants. Et surtout, si y’a un quelconque problème, ne dis pas que tu as trouvé la recette ici. C’est bio mais pas végan.
Il te faut :
5L d’eau de pluie
2kg de centre de bois (du chêne c’est mieux)
1 œuf
500g de suif de bœuf ou de saindoux
1 chaudron sans couvercle
1 étamine (c’est un morceau de tissus, type drap)
1 cuillère en bois
1 moule en bois (ou un emporte-pièce Ikéa si on est pas regardant sur la tradition)
Du feu
Information importante : il faut genre 150 ans pour terminer la recette. Soit 4h30 de temps de préparation, 2h30 de temps de cuisson et il faut encore attendre 24h avant de démouler et 6 mois de séchage…
Première étape – Fabriquer la soude
Tu étends ton drap à plat, au sol. Et tu prends soins de protéger ton sol. Tu déposes les 5 litres d’eau et les 2kg de cendre dessus. Tu mélanges, tu mélanges, et puis tu essores et tu récupères le liquide dans ton chaudron. Faut faire gaffe parce que c’est corrosif. Le liquide obtenu s’appelle le « le lessi ».
Deuxième étape – Concentrer le lessi
Tu dois faire chauffer à feu doux le lessi. Pendant au moins une heure. Pour être sûr que ce soit bon, prends un bol de lessi et bois-le NON JE DECONNE C’EST CORROSIF ! Tu prends un bol, tu le laisses refroidir et tu mets un œuf dedans. Si l’œuf flotte c’est bon, tu peux passer à la troisième étape. Sinon, tu dois encore faire chauffer quelques instants.
Troisième étape – La saponification
Une fois que l’œuf flotte, tu ajoutes la graisse, une fois qu’elle est complètement fondue tu laisses chauffer a feu doux une trentaine de minutes. Et tu mélanges de temps en temps parce qu’une pellicule orange peut se faire sur le dessus, et on ne veut pas.
Au bout de 30 minutes, normalement, une mousse blanche va commencer à se former à la surface. C’est une bonne chose, il te faut remuer, encore, encore, et encore un peu. Normalement la mousse se sépare du liquide. Tu récoltes toute cette mousse et tu la déposes dans le moule et tu attends au moins 24h avant de le démouler. Ensuite tu peux le découper et le conserver dans un endroit sec. L’idée est de le faire sécher au moins 3 semaines. Le mieux c’est six mois.