"On dirait qu'il n'y a pas que les toiles qui se retrouvent dos au mur."
Peu de temps après avoir fait le déplacement pour le dernier Michael Mann, je me suis rué vers mon cinéma pour découvrir le dernier Tim Burton, un autre cinéaste que j’affectionne. Si la bande annonce de « Big Eyes » ne m’inspirait pas grand-chose, j’avais quand même envie de le découvrir. Avant de poursuivre la lecture de cet avis, attention, celui-ci révélera sans doute quelques spoilers…
Une fois sorti de ma salle en fait, j’ai été mitigé. J’ai bien aimé, j’ai trouvé que c’était plutôt correct mais pas à la hauteur d’un Tim Burton. Le scénario écrit par Scott Alexander et Larry Karaszewski n’est pas mauvais, il nous offre une reconstitution acceptable ainsi qu’une petite touche d’humour fort plaisante tout en accentuant le drame et le côté pathétique de cette histoire mais je n’ai cependant jamais réussi à être véritablement emballé.
Le problème en fait, c’est qu’aussi intéressante que puisse paraître cette histoire, elle ne révèle aucune surprise. Tout est assez prévisible. Je ne connaissais pas cette histoire vraie à la base mais dès le début, j’ai vite deviné le côté manipulateur de Walter. Le scénario s’acharne d’ailleurs tellement à le faire passer pour quelqu’un de faux que le procès final (bien qu’assez marrant et finissant le film avec un peu plus de peps) tombe comme un soufflé. Après nous avoir dépeint pendant tout le film quel escroc pathétique Walter était vis-à-vis de Margaret, on se doute vite que cette dernière a gagné son procès même si on est néophytes dans ce sujet (on va pas nous dire que c’est un voleur de propriété pour nous dire à la fin qu’au fond c’est bien lui qui peignait les tableaux. Un tel parti pris nous laisse tout de suite penser que ce tribunal l’a jugé coupable et que cela justifie le traitement fait à son personnage).
Du coup, j’ai eu l’impression de suivre un film assez plat, assez linéaire, qui ne m’a jamais transporté. Niveau biopic chez Tim Burton, je n’ai pas retrouvé la magie, ni la folie que pouvait avoir « Ed Wood » par exemple (film que j’adore). Après, le fond du sujet sur l’art, la façon qu’a le grand public de vivre l’art et son exploitation reste intéressante. J’ai d’ailleurs trouvé que par moment Tim Burton semblait vouloir se défendre un peu des différentes critiques qu’il avait pu recevoir dernièrement (c’est mon interprétation, je peux me tromper…).
En tout cas, ça fait du bien de voir que pour la distribution, Tim Burton apporte un peu de sang frais à sa filmographie. Exit les Johnny Depp et autre Helena Bonham Carter. Place à Amy Adams et Christoph Waltz (respectivement Margaret Keane et Walter Keane) et c’est une excellente chose. Les deux acteurs s’intègrent très bien dans ce récit, il forme un bon couple et j’ai trouvé qu’il y avait un très bon équilibre entre la soumission de l’une et la folie des grandeurs ainsi que la domination de l’autre. L’évolution se fait même de façon assez fine, le couple étant presque burlesque au début pour vite devenir assez angoissant comme lors de la scène avec les allumettes.
Derrière ce couple, le reste du casting n’est pas en reste. Il n’y a personne qui tire la couverture vers soi mais chacun fait ce qu’il faut pour paraître crédible dans ce monde et convaincant. Danny Huston en Dick Nolan m’a ainsi bien plu. Je pense même que cela aurait été un peu plus intéressant d’exploiter son côté narrateur car du coup par moment on doute de l’utilité de ce style narratif. On a l’impression que cela comble des trous plus qu’autre chose afin de facilité les transitions entre certaines scènes. On les voit peu mais Terrence Stamp en John Canaday tout comme Jason Schwartzman en Ruben sont eux aussi très bon. Le personnage de DeeAnn qui va incarner l’émancipation féminine à une époque où le sujet est tabou (un autre thème intéressant du long métrage) est également bien interprété par Krysten Ritter.
Sinon, le film est bon. Non, c’est vrai, c’est bien filmer, les cadres sont bien fichus, le monde de l’art est montré de façon amusante même si parfois c’est assez caricatural (confère la galerie de Ruben) mais le gros problème, c’est qu’aussi bien foutu que ce soit, on ne reconnait pas la patte de Tim Burton. De ce cinéaste, j’attendais quand même un tout petit peu plus de folie.
J’ai apprécié qu’il change un peu de registre comparé à ce qu’il avait pu nous montrer ses dernières années (un tremplin pour ses futurs projets ?) mais j’aurais apprécié qu’il marque ce long métrage de sa patte. Ici, cela aurait pu être filmé par un réalisateur lambda de qualité qu’on n’aurait pas forcément identifié une quelconque signature. Il y a bien deux ou trois passages où Tim Burton montre qu’il est là comme la scène dans le supermarché mais c’est bien trop peu.
Comme si cela ne suffisait pas, c’est quand même un peu mou du genou parfois. On se demande quand le film va vraiment décoller avant de se rendre compte que l’avion roulera uniquement sur le tarmac sans jamais prendre son envol. C’est un brin frustrant car je pense sincèrement que le réalisateur aurait pu insuffler plus de folie dans ce film surtout que les peintures de Margaret Keane ont sans aucun doute influencé un peu sa carrière.
C’est donc de la frustration que je retiens mais encore une fois, c’est quand même très bien ficelé. Pas du niveau que j’attendais mais bien réalisé malgré tout. Les décors sont eux aussi pas mal du tout, je me suis bien plongé dans la fin des années 50 et les années 60. Les costumes ainsi que les différents maquillages m’ont bien plu également. La musique signée Danny Elfman manque elle aussi sinon d’un peu de folie. Ce n’est pas détestable mais on a quand même connu des collaborations Burton – Elfman plus inspirées.
Pour résumer, « Big Eyes » n’est pas un mauvais film. Il est même bien foutu et intéressant par moment malgré sa forme assez plate, assez classique. C’est surtout dommage que Tim Burton n’est pas su véritablement donner une identité et une signature à ce film. Ce biopic peine à se démarquer du lot, il reste très prévisible et du coup je suis sorti de ma projection un brin frustré même si j’ai eu la sensation de voir un bon film et ça, c’est vraiment dommage.