Entre 1998 et 2014, Terry Gilliam a vécu un véritable cauchemar avec un projet qu'il affectionnait tout particulièrement depuis longtemps: une adaptation toute personnelle du fameux roman de Miguel de Cervantès, Don Quichotte.
Pas moins de 7 fois le réalisateur tentera-t-il de mettre sur les rails le tournage de ce film de malheur.
En 1998, Gilliam et son complice Tony Grisoni, avec lequel il avait co-scénarisé Fear & Loathing in Las Vegas et Tideland par le passé, écrivent The Man Who Killed Don Quixote. Une référence au livre plus qu'une adaptation du roman considéré comme le premier de l'ère moderne. Sans budget des États-Unis, ils réussissent à ramasser 32, 1 millions pour tourner à Navarre en Espagne, patrie de Miguel de Cervantès. L'acteur français Jean Rochefort sera Don Quichotte et Johnny Depp sera cet homme du 21ème siècle transporté dans le roman de Cervantès et pris pour Sancho Panza.
Gilliam est surexcité pour ce projet car l'histoire de Cervantès traite de sujets qui pourraient résumer l'ensemble de l'oeuvre du réalisateur: l'individu contre la société ou le concept de la folie entre autre. C'est aussi la plus grande production à vie de Gilliam sans financement américain.
Rochefort prend 7 mois pour apprendre l'anglais et Vanessa Paradis, (amoureuse de Depp alors) jouera l'intérêt amoureux de Depp, Miranda Richardson, Christopher Eccleston, Bill Patterson, Rossy de Palma, Jonathan Pryce, Ian Holm, Eva Basteiro-Bertoli et Peter Vaughan sont aussi au menu du générique.
Le premier jour de tournage est une catastrophe sonore. On tourne à Madrid, mais des jets survolent l'espace aérien toute la journée et on devra tout refaire le son en post-production. Le second jour n'est pas mieux puisque une inondation majeure et une tempête du même ordre décolore, détruit et dévisage les lieux, rendant les scènes tournées la veille, inutilisables. Jean Rochefort, pourtant cavalier aguerri, se blesse sur sa monture et après plusieurs essais dans la douleur, est finalement diagnostiqué d'une hernie discale. On tourne des scènes qui n'implique pas Rochefort pendant sa convalescence, mais bien vite, celle-ci s'étire tant que l'on comprend qu'il ne reviendra pas. Deux mois après les premiers coups de manivelle, le projet est annulé.
Les investisseurs Européens exigent des compensations des assurances pour leurs pertes d'investissements financier et les batailles légales durent au moins 6 ans.
En 2007, Gilliam retravaille le scénario. Rochefort a 78 ans, il se fait vieux pour des films où il doit monter à cheval, Robert Duvall, qui n'a qu'un an de moins que Rochefort quand même, est annoncé pour le remplacer. Depp y reste. Toutefois celui-ci est engagé dans plusieurs autres projets et n'est même pas certain d'être intéressé à revisiter ce projet. Devant ses hésitations, Ewan MacGregor est choisi pour jouer son rôle.
En 2009, peu à peu, le financement s'effondre. Gilliam et Grisoni en profitent pour retravailler le script. En 2010, le budget de tournage a fondu comme neige au soleil. Le projet re-meurt.
En 2014, l'histoire a largement changé de cap. Le personnage principal est un homme qui a tourné un film sur Don Quichotte que personne n'a aimé. Tout ceux qui y ont participé sont soit devenus fou, alcoolo, accro aux drogues ou prostitué(e). Gilliam s'inspire maintenant de sa propre réalité.
Les moulins à vents contre Gilliam s'agitent à nouveau et le producteur espagnol fini par se retirer du projet, les acteurs n'y sont plus non plus. Duvall a 83 ans.
"Pourquoi continuer à vouloir tourner ce projet?" lui demandent ses amis.
"Parce que pour tourner l'histoire de Don Quichotte, il faut devenir aussi fou et désespéré qu'il l'était" répond Gilliam.
Gérard DePardieu et Micheal Palin ont aussi été associé au film dans les années 2000.
Ce projet hanté par la misère est le sujet d'un documentaire, mais n'est pas encore un film de fiction de Gilliam.
Il n'est pas encore mort, mais peut-être un brin zombie.
On pense avoir découvert les restes de l'auteur Miguel de Cervantès à Madrid en Espagne la semaine dernière.