Après l’attentat du musée du Bardo à Tunis qui a fait plus de vingt victimes, il n’y a plus de doute. Les intégristes extrémistes font une allergie sévère aux arts, aux artistes et à ceux qui aiment les arts. Ils bannissent la peinture, démolissent les sculptures et brûlent les instruments de musique. Ils n’aiment pas l’histoire sauf quand elle glorifie l’imaginaire débile de leurs héros dont ils ne cessent de raconter les épopées rêvées.
Ces gens-là se racontent et racontent à leurs enfants l’exploit de tel imam qui, à lui seul et avec un seul sabre, vint a bout d’une armée entière de mécréants. Ils détestent la spiritualité, les saints de l’islam et leurs mausolées et n’hésitent pas à brûler le Coran parce que d’autres mains l’ont calligraphié ou qu’il ne sort pas des presses wahhabites.
Ils n’aiment pas les bouddhas de Bamian, les manuscrits de Tombouctou, ni les sculptures de Mossoul. Ils les détruisent avec la rage du refoulé et le rire comblé du psychopathe. Leurs émirs, leurs cheikhs, leurs chefs ; bref, leurs mandants, leur ont promis le paradis au bout de l’extermination des œuvres d’art et de ceux qui les adorent.
Qui sont les responsables de ce chaos ? Il y a en premier lieu, les dirigeants des pays musulmans qui n’ont pas vu venir, qui ont laissé faire, qui ont encouragé, ou qui ont financé. Ils sont responsables à des degrés divers, alors que leurs populations sont les principales victimes. Ils sont incontestablement responsables et leurs condamnations un peu tardives des salafistes djihadistes sont, pour l’instant, de pure forme. Du reste, le ver est déjà dans le fruit. Daesch est au Nigéria, au Yémen, en Syrie, en Irak, en Libye et depuis peu en Tunisie. Il dispose certainement de réseaux dormants dans d’autres pays.
Il y a aussi les autres, les grandes puissances, celles qui ont les moyens d’être informées, de les noyauter, mais aussi de les financer. Celles qui leur vendent les armes, et dont les dirigeants à courte vue, n’ont plus l’envergure de leurs aînés tels que De Gaulle, Churchill ou Eisenhower. Aussi, l’Occident s’en est-il à peine ému, alors qu’il dispose des moyens de sauver le patrimoine de l’humanité. Non seulement rien n’a été fait hors les seuls cris d’orfraie, mais il a fallu l’alerte du musée de Mossoul pour qu’on apprenne que des milliers de trésors de la Mésopotamie sont partis dans les paquetages des G.I.S américains, comme les troupes de Napoléon l’ont fait en Egypte.
Il y a là comme une immense hypocrisie, pareille à l’immense mensonge de G.W Bush et de Tony Blair au sujet des armes de destruction massive en Irak. Le laisser-faire en la circonstance est plus grave que la complicité. Il ne s’agit plus dès lors de s’offusquer de la mansuétude ambiante ni du silence complice de l’Occident. Ces grandes puissances bénéficient, en l’occurrence, d’une occasion autrement plus légitime de montrer leurs muscles comme elles le font toutes les fois que leurs intérêts directs sont menacés. Souvenons-nous qu’on a gommé des pays entiers quand le pétrole risquait de venir à manquer. Les Irakiens et les Libyens en savent un bout. Bernard-Henri Lévy et Sarkozy aussi. Daesch a encore de beaux jours devant lui, tant que les échos ne troublent pas Wall Street ou la City. Pour eux, tant que les musulmans se tuent entre eux, ça ne peut que dégorger et c’est tant mieux !