J'aime beaucoup le musée de Tuol Sleng. L'espèce de sérénité qui y règne. Je trouve cela reposant. On a dû mal à croire qu'il a pu enfermer des lycéens bûchant sur leurs devoirs et puis par la suite, durant les heures noires du Cambodge, on a dû mal à s'imaginer ces bâtiments si paisible détenir des prisonniers, torturés et exécutés (pour certains). Tuol Sleng, connu comme S-21 par les Khmers rouges était alors un centre sécurisé et secret de 1975 à 1979.
En traversant la cour, les couloirs ou les salles (de classe), j'essaie de les entendre, ces cris enjoués, torturés. Je tends mon oreille à l'affût d'un chuchotement ou d'un pleur. J'essaie de m'imaginer des rangées d'élèves installés derrière des pupitres. Comme j'imagine ces rangées de prisonniers attachés et allongés sur le sol, sur ce carrelage. J'essaie d'attraper au vol les échos d'un bonheur furtif ou d'une douleur incisive. Je vois cette foule bruyante remplacée par le silence d'une Mort planant. Il n'y a pas de fantôme ici, pas plus d'âme en peine. Juste les vestiges d'une barbarie, et des témoignages, des visages et leur regard qui vous transperce. A quoi pensent-ils à ce moment-là, à ce moment précis où le personnel de cette geôle les prend en photo ? Savent-ils ? Se savent-ils déjà condamnés ? Ont-ils encore cet infime espoir de s'en sortir ? Comprennent-ils seulement ce qu'il leur arrive, lorsque les différents tortionnaires se succèdent pour leur faire avouer des crimes qu'ils n'ont pas commis ? Chaque maillon de cette chaine participant à " la machine à broyer " nous est représenté par des soubresauts du passé, des souvenirs en lambeaux.
J'aime beaucoup le musée de Tuol Sleng. L'espèce de sérénité qui y règne. Je trouve cela angoissant...