Retrouvez ci-dessous mon interview (réalisé en début de semaine) dans L’Express :
Que pensez-vous de la décision du maire de Chalon-sur-Saône de ne plus de proposer de repas de substitution sans porc aux enfants de sa commune ?
Cet élu a tout à fait le droit de ne proposer qu’un seul type de repas dans les cantines de sa ville. Mais il ne peut pas invoquer un « principe de laïcité » pour justifier sa décision. La laïcité ne suppose pas de contraindre des enfants qui ne mangent pas de porc par conviction religieuse, à en manger. Le principe de laïcité ne peut pas être brandi pour imposer un seul type de repas à des enfants.
Dans le guide de l’Observatoire de la laïcité que nous avons réalisé fin 2013 pour les collectivités locales, nous rappelons que la meilleure chose à faire pour respecter la laïcité dans les cantines scolaires, c’est de proposer aux élèves un choix avec ou sans viande. C’est une solution en accord avec la loi de 1905, qui ne répond pas à une injonction religieuse, mais qui permet à tous les enfants croyants ou non, végétariens ou non, de pouvoir manger à la cantine. Par ailleurs, il est important qu’ils mangent ensemble, sur les mêmes tables, quel que soit leur choix de menu.
Cette semaine, le président de l’UMP Nicolas Sarkozy s’est dit favorable à l’interdiction du port du foulard à l’université. Il y a deux semaines, c’était la ministre des droits des femmes. Qu’en pensez-vous ?
La laïcité est sans doute un peu mise à toutes les sauces. Lorsque l’on relit la loi de 1905 et les débats parlementaires, mais aussi les conclusions de la commission Stasi de 2003, on constate que le débat a déjà été tranché. À l’école, les enfants sont dans une période où ils se construisent, ils sont là pour acquérir des connaissances qui leur permettront de faire leurs choix librement. C’est pourquoi il existe cette obligation de neutralité religieuse pour les enseignants, et cet encadrement des signes religieux pour les élèves jusqu’à la fin du lycée.
Mais à l’université, la situation est différente. Les étudiants sont des adultes, des citoyens majeurs, et nous n’avons pas à contrarier leur liberté d’expression, à la condition qu’il n’y ait pas de prosélytisme. Interdire le voile à l’université reviendrait à changer le sens de la loi qui n’impose la neutralité qu’aux agents de l’État qui doit être impartial (la loi de 2004 encadre le port de signes religieux pour les élèves du primaire et du secondaire dans le public). Or la laïcité n’a pas besoin de plus de lois pour être mieux respectée : il faut en revanche appliquer les lois qui existent déjà.
Il faut aussi distinguer ce qui relève de l’apparence, de ce qui relève du comportement. Si l’apparence des étudiantes voilées peut déranger, en tant que jeunes adultes elles ont tout à fait le droit de se voiler la tête. On ne va pas imposer une police vestimentaire dans les universités. À l’inverse, il n’est pas question que les universités soient perturbées dans leur fonctionnement par des comportements prosélytes ou agressifs. Ces comportements, oui, doivent être interdits, notamment quand ils perturbent les cours.
La situation est un peu particulière au sein des Écoles supérieures du professorat et de l’enseignement, les ESPE. Dans les amphis se retrouvent côte à côte des jeunes filles autorisées à porter leur voile, et d’autres, non…
Ce n’est pas si compliqué. Les étudiants des ESPE sont autorisés à porter un signe religieux tant qu’ils ne sont pas stagiaires fonctionnaires, c’est à dire en première année de l’ESPE. Après la réussite au concours de recrutement des enseignants, en deuxième, elles deviennent stagiaires et sont soumises à la même obligation de neutralité que les agents de l’État.
Rappelons au passage que cette obligation de neutralité concerne la religion, mais aussi les opinions syndicales, ou politiques.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/education/menu-sans-porc-voile-a-l-universite-une-mauvaise-lecture-de-la-loi-sur-la-laicite_1662869.html#vo2OoHhq8REyzFTM.99