Asylum est une nouvelle minisérie de trois épisodes qui a été diffusée en Angleterre du 9 au 23 février et qui met en vedette Dan Hern (Ben Miller), un individu qui a rendu publics des documents top secret sur l’usage de la torture aux États-Unis. Depuis un an, il a trouvé refuge à l’ambassade du pays fictif d’El Rico en Angleterre, mais ne peut en sortir puisque le gouvernement américain n’est pas prêt à négocier et que son cas indiffère désormais la presse. Unbreakable Kimmy Schmidt est une nouvelle comédie de 13 épisodes qui a été mise en ligne le 6 mars sur Netflix. L’histoire commence alors que Kimmy (Ellie Kemper) et trois autres femmes viennent d’être libérées par la police après avoir séjourné dans un bunker en Indiana pendant 15 ans alors qu’elles étaient sous l’influence d’un révérend qui leur a fait croire à l’Apocalypse. L’héroïne qui est d’un positivisme exagéré décide de rattraper le temps perdu et d’aller refaire sa vie à New York. Ces deux comédies mettent en scène des personnages qui cherchent à changer le monde, mais avec une attitude aux antipodes. Si ces scénarios de base sont très intéressants, leur traitement à la longue n’est pas à la hauteur de nos attentes, sans pour autant être ratés.
Asylum : mégalomanie refoulée
Voilà un an que Dan a fait les manchettes pour avoir révélé des pratiques douteuses exercées par la CIA et son incompétente avocate Lorna (Niky Wardley) est incapable d’arriver à un compromis avec le gouvernement américain si bien que celui qui se prend pour un justicier n’a rien d’autre à faire de ses journées que de se morfondre et de jouer à des jeux vidéo. La série commence alors qu’il doit partager l’armoire à balais qui lui sert de chambre avec Ludo (Dustin Demri-Burns), qui s’est lui aussi attiré les foudres du pays de l’oncle Sam… pour avoir piraté des séries de HBO. La seule option pour Dan de sortir de cet enfer est d’attirer l’attention de la presse, mais celle-ci n’a que des questions superficielles à lui poser et de toute façon, ne fait que déformer ses propos.
Asylum est une parodie du cas de Julian Assange, qui est toujours hébergé à l’ambassade d’Équateur et dont on n’entend plus parler. D’ailleurs, son nom est mentionné à plusieurs reprises par Dan qui est plus choqué de ne plus être sous les projecteurs que d’avoir à vivre enfermé dans un établissement. L’élément principal que la série s’amuse à écorcher est bien entendu la presse. Lorsqu’en entrevue il dit que l’Amérique est sourde à ses complaintes, la journaliste du Guardian entend « death to America » au lieu de « deaf ». Au troisième épisode, il compare son ennui à de la torture et la presse publie partout que les employés de l’Ambassade d’El Rico le torturent et c’est à se moment seulement que des manifestants se rassemblent devant l’établissement. L’exercice est amusant, puisque par le rire, on soulève plusieurs questions sur la supposée liberté d’expression. En effet, que veut dire ce concept si la presse n’est pas là pour le véhiculer et si son principal défenseur n’est qu’un être narcissique en quête de gloire?
Asylum dénonce aussi l’hypocrisie de l’Ambassade d’El Rico et de son personnel corrompu qui sont une métaphore de tous les pays antidémocratiques. Ils accueillent Dan d’une part parce qu’ils sont bien contents de faire un pied de nez aux Américains et d’autre part, parce qu’ils ont besoin de toute l’attention médiatique possible pour promouvoir la candidature de leur pays en vue de la prochaine coupe du monde de football. Le défaut de la série est qu’elle manque de mordant et qu’en raison de sa brièveté, n’explore pas assez à fond ces thèmes. Dommage, parce que l’exercice était intéressant et qu’on en aurait demandé plus.
Unbreakable Kimmy Schmidt : Mary Poppins ratée
Une fois Kimmy et ses acolytes libérées, elles ont droit à tout le cirque médiatique qui va avec et plutôt que de retourner dans son village d’Indiana où tous les regards seraient braqués sur elle, la protagoniste décide de s’installer dans l’anonymat à New York. Elle se trouve d’abord un logement qu’elle partage avec son nouveau colocataire Titus (Tituss Burgess), un acteur raté qui doit pour le moment se contenter de distribuer des tracts dans les rues. Puis, elle arrive à se faire engager par Jacqueline (Jane Krakowski), une femme au train de vie luxueux, en tant que gouvernante de son fils Buckley (Tanner Flood) et de sa belle-fille Xanthippe (Dylan Gelula). À travers les épisodes, on suit Kimmy dans sa nouvelle vie, qu’il s’agisse de sa première visite chez le docteur, de son premier rendez-vous, de son premier baiser, etc., et surtout les revers que ces premières expériences lui infligent. Mais peu importe, elle a vécu pire et voit sans cesse les bons côtés de la médaille.
Les amateurs d’Orange is The New Black devraient assurément apprécier Unbreakable Kimmy Schmidt. C’est que la série, par ailleurs coproduite par l’humoriste Tina Fey, ne fait pas dans la dentelle avec son humour gras et sans nuances. Bonjour les clichés avec Jacqueline, le prototype de la « trophy wife » vieillissante, qui a peur que son mari la quitte pour une plus jeune, Titus, efféminé au possible et Xanthippe, l’adolescente emmerdeuse qui ne s’en laisse pas imposer et qui n’en a que pour les garçons et les fêtes. Quant à Kimmy, si son innocence et son positivisme débordant ont quelque chose de rafraîchissant, c’est l’actrice qui surjoue son personnage qui est irritant. Ainsi, on navigue entre des mises en situation qui nous paraissent parfois forcées, parfois novatrices. Comme pour Asylum, on n’exploite pas assez l’intéressante prémisse qui dans le cas de Netflix, veut que l’héroïne ait fait partie d’une secte durant la majeure partie de sa vie. Certes, il y a quelques blagues bien tournées sur toute l’évolution de la technologie que Kimmy n’a pas connue du fond de son bunker, mais sinon, la série se résume davantage à une jeune fille qui vit un véritable choc entre le monde rural qu’elle a connu et le monde urbain qu’elle peine à apprivoiser.
Asylum a rassemblé 230 000 téléspectateurs pour sa première et on doute qu’elle soit renouvelée pour une seconde saison. De toute façon, la série de trois épisodes était plutôt un mini événement, caractéristique de la chaîne publique. Et comme d’habitude chez Netflix, nous n’avons pas accès aux chiffres d’écoute, mais Unbreakable Kimmy Schmidt récolte de bons commentaires chez les mordus du service de vidéo sur demande et une seconde saison a été annoncée avant même que la première ait été mise en ligne. À la base, c’est NBC qui avait acquis les droits du projet et qui les a ensuite vendus à son compétiteur; espérons que la chaîne n’a pas eu à regretter son geste.