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Avec les enfants de RafRaf, en Tunisie, en 2011

Publié le 20 mars 2015 par Lucie Cauwe @LucieCauwe
Avec les enfants de RafRaf, en Tunisie, en 2011On connaît l'amour de l'auteure-illustratrice française May Angeli pour la Tunisie. Sans le nommer, elle consacre son nouvel album pour enfants à ce pays cher à son cœur, le premier à avoir initié ce qu'on a appelé les "révolutions arabes". Superbe avec ses gravures sur bois et original par son ton, "L'école est fermée, vive la révolution" (La joie de lire, 40 pages) s'ouvre sur un coquelicot, fleur très abondante au printemps dans les prés du pays du jasmin.
Des coquelicots, il doit y en avoir encore tout plein maintenant, en Tunisie, ravagée par l'attaque terroriste au musée du Bardo le 18 mars. Notamment dans la région de RafRaf, au nord-est de la Tunisie où se déroule l'album.

Avec les enfants de RafRaf, en Tunisie, en 2011

Le cadre du jeune narrateur. (c) La joie de lire.

L'histoire que nous conte May Angeli se déroule il y a trois ans, quand la révolution de janvier 2011 a complètement modifié cette nation. Le jeune narrateur nous fait part de ce bouleversement, sans vraiment le comprendre mais en réalisant que quelque chose d'important, de grave même, se déroule dans son pays. Il nous présente d'abord le cadre de sa vie quotidienne, la montagne et la mer, les ruelles et les poules en liberté, comme les chats et les tortues. Et tout de suite, ce qui l'intrigue le plus: "L'école est fermée. Les parents disent: - C'est la révolution!".
Bien sûr, il y a les bons côtés, la plage avec les cousins, la pêche en barque quand on a les bras assez gros, les jeux où on crie "Dégage!" comme dans la vie. Il observe aussi sans trop se les expliquer les changements dans le quotidien, les bateaux mis à l'abri à cause de la révolution, les barques cachées le soir près du café d'où l'on voit tout. Dont cette île qui le nargue depuis toujours.
Il y a aussi les aspects plus difficiles: les infos effrayantes à la télé, l'hélico qui tourne, les parents qui discutent jusqu'au bout de la nuit, le couvre-feu, les postes de police incendiés, les poubelles qui s'amoncellent. Et l'école fermée qui fait que les gamins s'ennuient. Les conversations entre adultes glissent les faits principaux de la révolution tunisienne. Les espoirs de la population aussi. Et la réalité au jour le jour. Notamment le fait que la capitale n'est plus approvisionnée et que les familles y apportent des vivres, traversant fouilles et barrages pour cela.

Avec les enfants de RafRaf, en Tunisie, en 2011

La révolution vécue au quotidien. (c) La joie de lire.

Le narrateur aimerait accompagner son oncle, mais il est petit et les grands lui font bien comprendre que la révolution, c'est du sérieux, avec des armes, des dangers, des risques, que ce n'est pas un jeu.  Alors les enfants retournent à leurs occupations d'enfants, nager, pêcher,  emprunter une barque sans le demander à un autre oncle - les familles sont grandes - qui n'est pas dupe mais consent. Ou filer incognito en solo comme notre héros dans une aventure risquée, qui s'achève finalement bien et sans sanction.
"L'école est fermée, vive la révolution!" raconte la révolution tunisienne de façon extrêmement intéressante et montre dans sa finale la persistance de l'état d'enfance dans toutes les situations. Les gravures sur bois de May Angeli prolongent très subtilement son texte et créent des ambiances pleines de vie où évoluent les Tunisiens d'aujourd'hui. Son écriture dit aussi bien les événements que les sentiments ou les émotions. Voilà  un très bel album sur une enfance ailleurs que chez nous.
* **
L'évocation de la Tunisie me rappelle un album pour enfants sorti l'an dernier, "Aziz, le jasmin et l'oiseau bleu" de Laïla Koubaa et Mattias De Leeuw (adapté du néerlandais par Alain Serres, Rue du Monde, 2014, 32 pages). Si l'ouvrage donne certes une bonne idée des ambiances en Tunisie, pays que l'auteure connaît bien et cela se sent, il se perd un peu dans son propos. Le choix d'un conte sur le désir de liberté, personnifié par un fabricant de colliers de fleurs - hommage à Mohamed Bouazizi qui s'est immolé en décembre 2010 -, s'embrouille ensuite un peu entre la dénonciation du couple de dictateurs qui a dirigé le pays et la libération des oiseaux bleus enfermés parce qu'ils symbolisent Twitter et la liberté de communiquer, d'informer et de s'exprimer.

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