Et si la valeur marketing « Fidélité » était morte. Une réflexion d’Allan Joseph et de mes étudiants chez Moda Domani Institute : Emilie Saint Paul et Sidney Pak.
Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit, surtout dans le domaine du marketing. Une étude d’IBM, parue fin 2014 vient mettre un terme à un débat qui n’a que trop duré : si ces dernières années, bon nombre de professionnels ont été convaincus que la fidélité était en passe de devenir une notion du passé, l’ IBM Institute for Business Value prouve qu’il n’en est rien. Dans un monde où la qualité des produits est un enjeu crucial, où les points de contacts entre marques et consommateurs sont omniprésents et la transparence fondamentale ; cette étude menée auprès de 19,000 consommateurs à travers le monde, tend à démontrer une évolution fondamentale des comportements de consommation, conditionnée par la génération Y.
1 – La fidélité n’est plus qu’une fraction de l’équation de la compréhension du consommateur contemporain
Mettre la baisse des ventes sur le compte du manque de fidélité des consommateurs, supposément devenus volages et fuyants, prêts à partir au bras du premier concurrent venu est un véritable recours à la facilité, qui révèle le besoin de repenser la compréhension du consommateur. En réalité, la fidélité ne représente désormais plus qu’une fraction de l’équation. Elle subsiste, mais n’est plus associée aux achats répétés et ne supplante plus à elle seule la volonté d’acheter chez la concurrence : les consommateurs ont changé et sont à présents fidèles envers la nouveauté, donc, aisément influencé par les innovations dernier cri. Leurs attentes sont élevées et le coût de substitution très faible et de ce fait, elle n’a plus rien de constant. Pour la maintenir, il est à présent nécessaire de l’associer à l’engagement ainsi qu’une nouvelle metric, baptisée par IBM le brand enthusiasm.
2 – Une relation entre marques et consommateurs réinventée, sous l’influence de la génération Y
La fidélité existe encore et toujours, mais elle a désormais besoin d’être redéfinie au prisme du brand enthusiasm, soit un certain niveau d’engagement désiré par les consommateurs avec les marques. IBM a ainsi segmenté les consommateurs en 4 classes, dont deux (particulièrement engagées, sensiblement Y) offrent un aperçu de ce que sera l’avenir du rapport aux marques :
- Les brand enthusiasts : soit les individus les plus fortunés de l’échantillon présents sur tous les territoires, prêts à payer plus cher pour des biens de marques premium qu’ils perçoivent comme bons pour leur santé, écologiquement et socialement responsables, transparents quand à leur origine et leur conception. En grande partie peuplée de Y, ils sont les plus nombreux à accéder à internet régulièrement depuis leurs mobiles (72%) et s’adonnent majoritairement au showrooming. En plus d’interagir en grand nombre avec les marques via les réseaux sociaux, ils ont le désir de leur soumettre leurs idées ainsi que leurs avis et sont 5 fois plus nombreux à être favorable à l’idée de leur donner accès à leurs données personnelles que tout autres groupes. Plus que d’être les individus les plus fidèles de l’échantillon, ils ont un fort besoin de reconnaissance de la part des marques et réclament d’elle un engagement de type bilatéral ; une exigence qui est la résultante de leur forte connexion émotionnelle à ces dernière.
On observe néanmoins une certaine nuance chez les membres de ce groupe : si les Y issus des marchés émergents sont les plus prompts à s’engager spontanément avec les marques, ceux issus des marchés traditionnels (donc, des pays occidentaux) demeurent plus attentistes, espérant une relation bien plus individualisée. Ce trait de caractère, ces jeunes gens le partagent avec une seconde catégorie d’individus qu’ils vont même jusqu’à influencer.
- Les brand ambivalents : En plus d’être le plus large groupe d’individus interrogés (constitué à 41% de Y contre 35% chez les brand enthusiasts), ils sont aussi les plus représentatifs du marché global (issus presque équitablement des marchés traditionnels et émergents) et disposent du pouvoir d’achat le plus important (34% de revenus disponibles). Si ces derniers perçoivent globalement les marques d’un œil positif, ils ont toutefois une connexion émotionnelle plus neutre à ces dernières, les rendant d’emblée plus réticents à l’idée de leur accorder l’accès à leurs données personnelles ou à s’engager directement avec elle.
En observant ces deux groupes, il paraît clair que la relation traditionnelle ne correspond plus aux aspirations du consommateur contemporain. Par leur désir d’une communication plus pertinente et contextualisée, les consommateurs (en particulier les Y) imposent de nouvelles conditions aux marques pour s’attacher leur préférence. Ces évolutions profondes des comportements de consommation posent ainsi les bases d’une relation d’un nouveau genre, impactant directement les stratégies marketing.
3 – Un changement de paradigme capable de transformer la face du marketing
Par conséquent, les nouvelles technologies et en particulier le mobile, doivent plus que jamais faire l’objet de la plus grande attention de la part des marques, car ils permettent d’établir ce lien direct indispensable avec leurs cibles. De plus, enthusiasts et ambivalents déclarent de concert envisager d’augmenter drastiquement leurs dépenses sur les circuits de distribution digitaux (e-commerce, clic&collect et auto-réapprovisionnement) d’ici les 2 prochaines années. Dans la mesure ou la maîtrise de la data devient progressivement un standard, du fait que les consommateurs consentent de plus en plus à partager leurs données personnelles, il est primordial pour les marques d’expérimenter auprès d’eux de nouveaux systèmes d’engagement. Pour s’attacher les faveurs de ces nouveaux types de consommateurs, elles ont le devoir de les stimuler continuellement, en s’appuyant sur une stratégie qui combine reach et engagement. Ainsi, elles s’offriront l’opportunité de mieux comprendre leurs consommateurs, d’optimiser leurs achats, de déceler de nouvelles tendances et d’identifier de nouveaux insights. Bien que les Y n’aient pas encore d’opinion arrêtée quand à la place qu’ils souhaitent accorder aux marques dans leurs vies, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils désirent vivre avec elles une expérience plus personnalisée et attendent pour cela qu’elles fassent le premier pas.
Marques, ne soyez pas victimes de ces nouveaux comportements ! Engagez vous, soyez à leur écoute et adaptez vous au plus vite à ces évolutions. Dans le cas contraire, vous prenez le risque de finir larguées par une génération de jeunes consommateurs complexes, volatiles pour la plupart, dont la taille et le futur pouvoir d’achat leur confère une valeur incontestable pour la grande consommation.
Allan Joseph en collaboration avec Sidney Pak et Emilie Saint Paul.