Les éditions Fario publient Guide Bleu, de Patrick McGuinness, dans une traduction de Gilles Ortlieb et une édition bilingue.
1 Gare du Nord
Arriver là, c’est un peu marcher sur la procédure de divorce
de quelqu’un d’autre : à l’échelle de la Belgique, les Balkans, leur climat,
leurs États confettis se fissurant lentement devant le spectre de la crise,
de la crise déjouée, de la crise. Aucune goutte ne fera déborder le vase ;
c’est une loi que nous autres, Belges, avons apprise trop tard ; et que certains d’entre nous
n’ont même jamais sue. Tombe une pluie oblique
sur la Gare du Nord : Bruxelles fabrique son climat insulaire,
Symphonie en gris majeur, le dix-neuvième siècle s’obstinant à vibrer
sur les rails, le vingtième n’étant qu’une rame attardée
1. Gare du Nord
Arriving is like walking in on someone else’s divorce
proceedings: Belgium-wide, the Balkans, their weather,
their slowly fissuring statelets ripening into crisis,
averted crisis, crisis. There are no last straws;
that’s a law we Belgians learned too late; some of us
not at all. The rain falling slantwise over Gare du Nord:
Brussels composing its island weather, Symphony
in grey major, the nineteenth century still shaking
on the rails, the twentieth a late train
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Gares où le train ne s’arrête pas
Etterbeek, La Hulpe, Epinal, Rixensart, Profondsart,
Mont-Saint-Guibert, Ernage, Lonzée, Assesse, Aye,
Forrières, Grupont, Poix Saint-Hubert, Habay, Viville :
un chapelet de gares belges et leurs appellations,
lignes secondaires, voies d’évitement ou survivances
semblables à des jauges d’inondation, dans des villes
qui ont reflué sous des inscriptions à moitié effacées,
tracées en lettre blanches sur fond émaillé bleu.
Un membre amputé ne cesse pas de souffrir pour autant.
Les gares déclassées se souviennent-elles des trains d’antan ?
Stations where the train doesn’t stop:
Etterbeek, La Hulpe, Epinal, Rixensart, Profondsart,
Mont-Saint-Guibert, Ernage, Lonzée, Assesse, Aye,
Forrières, Grupont, Poix Saint-Hubert, Habay, Viville:
a rosary of Belgians stations and their names,
all branchlines, sidings, or surviving as high-
watermarks of towns that have retreated
to a blur of white lettering on blue enamel.
The amputated limb still feels the pain;
Does the disused station still feel the trains?
Patrick McGuinness, Guide Bleu, traduction de Gilles Ortlieb, édition bilingue, 80 p., 14,5€, Fario, 2015, pp. 10 & 11 et 70 & 71.
Bio-bibliographie de Patrick McGuinness