Les premières gammes de Polanski
Une jeune manucure vit dans avec sa sœur dans un petit appartement. Elle subit, c’est le cas de le dire, la présence régulière de l’amant de sa sœur ; homme marié souvent de passage pour une nuit d’amour. Elle éprouve plus que de la gêne ; carrément de la répulsion pour ces rapports sexuels. Mais c’est guère mieux lorsqu’elle est courtisée par un jeune homme bien sous tous rapports. Sa répulsion est en fait envers toute la gent masculine ; un baiser volé par le jeune homme et la jeune fille se sent souillée. Durant 1h30 nous allons assister à lente décomposition psychologique de la jeune femme jusqu’à la schizophrénie.Roman Polanski signe ici son second film et le premier de sa trilogie traitant de l’enfermement, de l’angoisse et de l’oppression du quotidien dont « Rosemary’s baby » sera le pilier. Là, il fait ses armes, et on voie le potentiel de son talent même si ce film souffre la comparaison du chef d’œuvre de l’angoisse de la même époque ; le « Psychose » de Hitch voire « Le voyeur » de Powell.Polanski avant de nous enfermer prend une grosse demi-heure à mettre tous les éléments en place ; çà peut paraître un peu long et peu démonstratif. Le trio vie prof, vie affective et vie familiale ; les bases du drame se logent partout. Puis, là çà démarre ; l’enfermement dans l’appartement ; seule avec ses hallucinations qui gagnent du terrain dans leurs rythmes et leurs terreur. Visuelles, auditives et cinétiques ; elles prennent part de tous ses sens. Et Catherine Deneuve est parfaite dans ce registre ; avec douceur, elle joue la folle hallucinée. Elle ne cède pas à la facilite, l’hystérie aurait été plus spectaculaire et plus facile. Enfermée sur elle-même, personne n’accède à son fort intérieur, à sa psychologie tout comme à l’appartement où elle s’est cloitrée.On peut noter la faiblesse d’un scénario hyper maigre au regard du chef d’œuvre d’Hitchcock… et offrant peu de surprises et d’enjeu. Mais l’Ours d’argent à Berlin vient consacrer un metteur en scène prometteur ; il le confirmera très vite pour être un des plus grands de sa génération. Là, il use d’un grand angle qui induit une réelle distorsion de notre perception, agrandissant les espaces entre les sujets de ses plans… Comme un œil psychotique ; qui sera présent au premier tout comme au dernier plan. Et puis ces prises de vue déforment au fil du film l’appartement, le décor se modifie au rythme du psychisme de son personnage principale.A voir impérativement pour la tension de sa seconde moitié… et surtout pour voir les germes de son prochain film « Rosemary’s baby », un chef d’œuvre celui là. Sorti en 1966