Avec Martine Billard Membre de la direction du Parti de gauche (PG) Sandrine Rousseau Porte-parole d’Europe Écologie-les Verts (EELV), Olivier Dartigolles Porte-parole du Parti communiste français (PCF) et Pouria Amirshahi Député, membre du Parti socialiste ( PS) à quelques jours du premier tour du 22 mars 2015L’unité des forces et l’implication citoyenne, c’est la méthode par Martine Billard Membre de la direction du Parti de gauche (PG) L’idéologie libérale en cours en Europe se traduit par les injonctions de la Commission européenne à réduire le nombre de collectivités territoriales et à accentuer la compétitivité des territoires. Ces exigences sont au cœur de la réforme territoriale et expliquent la tentative de suppression des départements. À défaut d’avoir réussi, la tentation est grande de les réduire à des tiroirs-caisses de moins en moins argentés. Au nom d’une décentralisation bien pratique, les transferts de compétences obligatoires (APA, RSA…) effectués sans les compensations correspondantes obligent les départements à choisir entre augmenter les impôts ou réduire les autres interventions. En période de montée du chômage et de vieillissement de la population, les finances départementales sont exsangues. Dans ce contexte, UMP et FN cherchent des boucs émissaires. Et quoi de plus facile que de cibler les allocataires du RSA. Pourtant les 60 millions d’euros indûment perçus (souvent des erreurs de déclaration) ne représentent que 1 % de la fraude aux prestations sociales, dont par ailleurs 90 % sont récupérés. À comparer avec les 8 à 12 milliards d’euros de fraude aux prélèvements sociaux des entreprises et aux 30 milliards de fraude fiscale. Mais il est tellement plus simple de s’attaquer aux plus pauvres. Le problème des départements ce n’est donc pas la fraude au RSA. C’est la fermeture des entreprises et des services publics (hôpitaux de proximité, postes, services de l’État, Pôle emploi, gares SNCF, etc.) qui crée le chômage et la désertification. Dès lors, le sentiment d’abandon, sur lequel surfe le FN, provoque l’abstention d’électeurs qui n’ont plus confiance dans la parole de l’État, ni des élus qui relaient les messages d’austérité des gouvernements. Il est donc fondamental de proposer un projet qui passe notamment par la réouverture des services publics de proximité et leur renforcement, l’accroissement de l’aide aux populations âgées (aide à domicile mais aussi activités pour qu’elles ne restent pas isolées), le développement de programmes pour lutter contre les violences faites aux femmes et le droit à disposer de leur corps (contraception et centres IVG). La transition écologique doit orienter tous les choix économiques et rejeter les grands projets inutiles, coûteux et destructeurs de l’environnement. Pour cela, il faut en finir avec la gestion des conseils départementaux par des potentats locaux plus préoccupés de faire plaisir aux réseaux de notables que d’écouter l’avis des populations locales. Le scrutin à venir peut être l’occasion d’ouvrir grand les fenêtres pour que les citoyens reprennent leurs affaires en main. Le PS, paniqué par la défaite annoncée, crie au loup FN. Mais ce sont les politiques menées par ce gouvernement qui ont tué l’espoir du changement. Nous avions donc la responsabilité de proposer une alternative avec toutes les forces qui refusent de se soumettre aux diktats de la finance. Dans l’immense majorité des cantons, le Front de gauche se retrouve uni derrière des candidatures clairement autonomes par rapport au gouvernement. Mieux encore, cette démarche a pu s’étendre dans de nombreux départements, ou à défaut des cantons, à EELV et parfois même Nouvelle Donne. Ces accords vont de pair avec des démarches citoyennes locales. La démonstration est faite qu’il n’y a ni fatalité à subir l’austérité, ni à s’abstenir ou à voter FN. À nous de poursuivre sur le même chemin après le 29 mars.
Un levier de mutation écologique et sociale pour de nouveaux droits par Sandrine Rousseau Porte-parole d’Europe Écologie-les Verts (EELV)Diable que la situation des départements est complexe ! Pris entre les diminutions de leurs dotations et l’augmentation du nombre de personnes en difficulté, les départements sont contraints de jouer un drôle de jeu. Ils ont l’obligation d’assurer la protection maternelle et infantile, le soutien aux familles en difficultés financières. Ils sont responsables des politiques d’hébergement et d’insertion sociale, de la prestation de compensation du handicap. Les départements assurent aussi la création et la gestion de maisons de retraite, la politique de maintien des personnes âgées à domicile. Ils doivent également verser les prestations légales d’aide sociale et gérer le revenu de solidarité active, le RSA… Bref, le département doit gérer à peu près tout ce qui augmente en cas de crise. Et ceci au moment où l’État taille dans les dotations des collectivités. Alors que les budgets d’aides augmentent (+ 120 % ces cinq dernières années pour les personnes en situation de handicap), les dotations de l’État ont, elles, reculé passant de 92 à 71 % du budget du RSA. Il faut lutter contre les multiples précarités dans le contexte où les charges augmentent et les dotations baissent. Et pourtant… près de la moitié des personnes ayant droit au RSA ne le touchent pas. Ils et elles ignorent leurs droits, sont souvent des salariés au Smic, à temps partiel et n’arrivent pas à boucler leurs mois. Il est donc une priorité : que les personnes puissent pleinement bénéficier du soutien qui leur est dû. Cela passe par redonner aux départements des marges de manœuvre, interpeller l’État et inscrire au budget de ce dernier ce qui en relève (les aides sociales). En France, on estime à 3,5 millions le nombre de ménages qui souffrent du froid l’hiver faute de moyens suffisants pour payer le chauffage. Le département a aussi la responsabilité de la lutte contre la précarité énergétique, qui passe par l’isolation, la réhabilitation des logements, notamment sociaux, ainsi qu’un soutien direct aux personnes concernées. Nous avons besoin de collèges qui garantissent une égalité réelle. Les collèges français sont des lieux de sélection et d’orientation, mais aussi de renforcement du déterminisme social. Comment mettre en œuvre une politique d’égalité réelle ? D’abord par l’investissement massif dans les bâtiments, et ensuite dans un soutien à des méthodes pédagogiques innovantes, le soutien à des initiatives – et non uniquement celles portées sur le numérique – comme des budgets participatifs, gérés par les collégiens, en lien avec leur équipe pédagogique, par une garantie de la gratuité de la scolarité et donc du transport. Enfin le département est un acteur déterminant de la transition écologique. Les départements financent les routes mais peu le covoiturage ou l’auto-partage. Voies réservées, pistes cyclables, mises à disposition de véhicules à partager, développement des initiatives de transports en commun dans les zones rurales… sont des pratiques à développer. En réhabilitant les collèges pour qu’ils deviennent des bâtiments à énergie positive, les départements leur redonneront des marges de manœuvre financières. L’argent ne sera pas jeté – au sens littéral du terme – par les fenêtres et ils contribueront à la lutte contre le dérèglement climatique. Les départements jouent un rôle fondamental. Pour cela, il est indispensable qu’y entrent des élus portant une volonté politique forte, de l’imagination et du renouveau.
Une nouvelle étape pour un élargissement du rassemblement progressiste par Olivier Dartigolles Porte-parole du Parti communiste français (PCF) La dernière semaine avant le premier tour des élections départementales doit nous permettre de donner le maximum d’écho et de force à deux questions : d’un côté, les politiques publiques de solidarité et d’innovation sociale à mener dans les départements ; et de l’autre, l’émergence d’une nouvelle gauche pour réapprendre à espérer, agir et avancer. L’une comme l’autre dessinent une alternative de gauche à l’austérité comprenant des propositions et le rassemblement. C’est très précisément à ces convergences que nous appelions lors de la dernière Fête de l’Humanité : unir les forces qui veulent une politique de gauche. Pour ces élections, tout est fait pour alimenter fortement l’abstention et le Front national. À croire que Hollande, Valls et la direction du PS jugent aujourd’hui que c’est la seule façon pour eux d’arracher un second quinquennat en 2017. C’est aussi la traduction d’une évidence qui se renforce jour après jour : l’exécutif est en très grande difficulté. La politique gouvernementale n’est pas celle qui avait été annoncée en 2012 et elle est échec. Cela provoque à la fois un niveau très élevé de défiance dans la politique et de recherche de solutions, de perspectives. Les deux à la fois. D’où la nécessité de beaucoup écouter ce que nous disent toutes celles et tous ceux qui ne croient plus en rien, puis de redonner des repères et un horizon, en fixant des priorités par des actes et un beau projet de gauche. Les Chantiers de l’espoir portent cette ambition. Et quand Pierre Laurent parle d’une « gauche nouvelle qui émerge », c’est pour bien prendre la mesure d’un processus qui est enclenché. Au regard des immenses dégâts provoqués, la question d’un changement de politique va devenir incontournable et inévitable. Il y a le risque de grandes secousses avec le retour des pires pratiques du monde financier et la menace d’un nouveau choc, plus profond encore qu’en 2008. Une course de vitesse est engagée. Tout ce qui peut être obtenu dès aujourd’hui comptera pour la suite. Il faut bien faire comprendre dans les prochains jours que les politiques départementales de solidarité sont à la fois attaquées par l’austérité gouvernementale et par la droite et l’extrême droite. Les communistes, avec le Front de gauche, partagent beaucoup de choses avec des analyses et des propositions venant de personnalités écologistes, socialistes, avec Nouvelle Donne, des syndicalistes, des responsables associatifs. Engager des actes pour une alternative de gauche à l’austérité, à l’échelle des départements, pour notre pays et l’Europe, c’est le plus efficace pour remobiliser les énergies et faire reculer la droite et le FN dans la bataille politique et idéologique. Des rendez-vous sont inscrits à l’agenda : la loi Macron arrive au Sénat le 7 avril, le 9 avril avec la journée de mobilisation intersyndicale, la campagne sur les banques et le contrôle des 1 140 milliards d’euros injectés par la BCE, la solidarité à la Grèce. Le lendemain des élections départementales, il ne faut pas de pause, mais une nouvelle étape pour un élargissement du rassemblement progressiste. Il va y avoir une grosse bataille d’interprétation des résultats, avec, en toile de fond, une recomposition politique voulant imposer un paysage à trois forces. Comment y faire face ? Avec des convergences et des initiatives politiques et sociales pour des solutions de gauche. Des millions de femmes et d’hommes peuvent regarder dans cette direction et en devenir les acteurs.
En ces temps de crise, maintenir les digues de solidarité localepar Pouria Amirshahi Député, membre du Parti socialiste ( PS) Dans la dernière ligne droite, les candidats de la gauche jettent leurs dernières forces, comme pour conjurer le sort qui s’annonce, funeste lui aussi, comme après les élections municipales et européennes. Autant dire que rares sont les endroits où les partis de gauche et écologiste, pourtant solidaires dans la gestion des départements, se sont donné les moyens de repartir ensemble. Le résultat de ces divisions locales risque d’en être d’autant plus terrible que l’humeur nationale vire au bras d’honneur, par une abstention symétrique à celle du gouvernement d’honorer les espoirs mis en la gauche en 2012. Les électorats des droites, eux, seront sans doute présents. Pourtant, les collectivités locales sont les dernières digues de solidarité en temps de crise, en période de cure budgétaire. Pour le quotidien, les politiques concrètes de solidarité, de culture, d’aménagement ne sont pas les mêmes selon qu’elles sont portées par une approche progressiste ou par la vision socialement revancharde d’une partie de la droite. C’est pourquoi la raison aurait dû l’emporter, comme c’est le cas dans la Somme ou dans quelques autres départements où des écologistes aux communistes en passant par les radicaux, les socialistes et le MRC ont su s’unir. Dans ces cantons, personne ne demande à personne l’impossible : en l’occurrence ni d’approuver le soutien à une politique contestée et contestable, ni de faire de l’élection départementale un règlement de comptes politique entre les différentes gauches. Il s’agit de maintenir ces digues de solidarité, autour des compétences du département, par des majorités progressistes. Il s’agit aussi d’organiser les résistances locales aux politiques d’assèchement budgétaire assignées aux collectivités, contraintes dès lors d’en rabattre sur les ambitions de politiques publiques, obligatoires ou non. Déjà, les festivals culturels sont annulés ou sont menacés de l’être. Des prestations de solidarité sont réduites au strict minimum légal. Dans bien des domaines, la pression sur les agents et fonctionnaires locaux fait naître des tensions au travail et entre les accueils des services publics et les usagers. La grande majorité des élus locaux en ont conscience et, parmi eux, les socialistes ne sont pas toujours les derniers à protester. Qui voulons-nous voir pour porter cette bataille face au gouvernement ? Malheureusement, au décrochage entre le haut et le bas s’ajoutent les désunions locales, soit par sectarisme des uns, soit par volonté d’hégémonie des autres. Il reste quelques jours pour convaincre, partout où les gauches s’unissent, de voter pour défendre l’intérêt général et le progrès. Partout ailleurs, en espérant que le vent mauvais ne nous élimine pas tous, il faudra se mobiliser sans rechigner au second tour pour la femme et l’homme de gauche les mieux placés. Ce sont ensuite, avec les forces vives locales, sur ces élus qu’il faudra aussi compter, demain, pour tout reconstruire…
Mode d’emploiLes élections départementales, qui auront lieu les 22 et 29 mars, remplacent les élections cantonales et désignent les membres du conseil départemental (ex-conseil général) dans le cadre du canton. Ces élections se feront dans le cadre de la nouvelle carte cantonale. Les conseillers départementaux seront ainsi élus dans 2 054 cantons. Concernant Paris, à la fois commune et département, il n’y a pas d’élections départementales, le Conseil de Paris étant élu selon le scrutin municipal. Les mandats des conseillers généraux de Guyane et de Martinique seront prolongés jusqu’à la création de la collectivité territoriale unique qui interviendra au 1er janvier 2016. Dans le département du Rhône, les élections départementales de mars 2015 ne concernent pas le territoire de la métropole de Lyon où les conseillers communautaires deviennent les conseillers de la métropole de Lyon et gardent les compétences départementales.MARDI, 17 MARS, 2015L'HUMANITÉ
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