Chronique : « Innocent (T1) »
Dessins et scénario de Shin’Ichi Sakamoto
Public conseillé : Adolescents / Adultes
Style : manga seinen
Références : histoire de France, « Les Sanson, exécuteurs des hautes œuvres »
Paru aux éditions « Delcourt Seinen », le 18 mars 2015, 7,99 euros
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L’Histoire
Charles-Henri Sanson est destiné à succéder à son père : mais il est difficile pour ce délicat jeune homme de s’imaginer dans la peau du prochain bourreau du roi. Les pressions familiales auront-elles raison de sa détermination à ne pas subir le mépris d’autrui, lourd prix à payer pour s’acquitter de la tâche ingrate dédiée à Monsieur de Paris ?
En plein Siècle des Lumières, à quelques dizaines d’années de la révolution, un innocent est pris dans les remous des manigances politiques d’une société française en ébullition.
Ce que j’en pense
Delcourt publie aussi du manga. Innocent aborde un style spécifique du genre : le seinen. Oubliez les Taniguchi et autres romans graphiques, le seinen, destiné au Japon aux jeunes hommes (15 à 30 ans), n’aura pas la même portée… Intellectuelle. En bref, peu probable que Télérama fasse un article dessus. Mais cette série risque, en France, de séduire les jeunes filles qui raffoleront de l’ambiguïté de ce jeune héros qui préfigure, dans ses questionnements et sa détresse, les romantiques du XIXe.
Il serait né deux siècles plus tard, le garçon partait pour une longue thérapie. C’est que dans la famille, on prend son travail au sérieux : bourreau, ce n’est pas un boulot de tap… De rigolo. Ce qui tombe assez mal, Charles-Henri étant plutôt orienté gay. Ajoutons à cela le paradoxal dégoût que lui et sa famille inspirent en général, ce qui leur vaut de la part de tout un chacun l’expression de la plus vile bassesse humaine, alors qu’ils représentent l’application extrême de la justice royale.
On l’aura noté, l’environnement n’est pas favorable à l’épanouissement du jeune homme. Qui du coup bute un peu sur la succession de papa. Ce dernier ne se démonte pas et, les arguments de grand-maman (Brigitte Nieslsen en robe Louis XIV) ne suffisant pas à remettre le fiston dans le droit chemin, il lui applique la bonne vieille méthode de la torture pour le ramener à la raison. Diantre, on ne refuse pas une telle charge ! Et ça marche ! Partisans de la fessée hors-la-loi, serrez les fesses : l’exemple nippon pourrait bien nous influencer !
Ce manga est librement inspiré de faits historiques réels. Mais il ne faut pas être rebuté par le « librement » ; le scenario est fouillé, les personnages complexes et intéressants, et surtout, le dessin est superbe. Parfois un peu figé, mais le plus souvent magnifiquement servi par un cadrage cinéma et des lumières que ne renierait pas Georges de La Tour. Ajoutez à cela une pointe d’érotisme, une grosse pincée de SM, et une louche de « gay-friendly » : nos adolescentes vont se régaler.
Le petit plus : amusez vous à lire la lettre de recommandation et l’invitation, preuve s’il en est que Google traduction n’est pas encore apte à remplacer un bon interprète.