{Nicolas}
Coucou les hardglossies, les thrashglossies, les deathglossies, les darkglossies, les gothglossies, les glossies-core, mais aussi et peut être surtout les glossies qui ne connaissent pas (bien) cette musique de détraqués alcooliques et drogués gothiques qui sacrifient des chèvres au clair de lune (comme essaie de le faire croire la chaîne M6, entre autres) et qui passent leur temps à beugler et montrer leur postérieur (comme essaie de le faire croire Le Petit Journal sur Canal +), culture dont votre serviteur (bien que n’ayant pas la gueule de l’emploi, selon les stéréotypes) en est un fervent auditeur et défenseur. Il y a quelques temps, j’avais fait un tour d’horizon de la scène Rock australienne, d’AC/DC à Angus & Julia Stone, en passant par Midnight Oil ou Mammoth Mammoth. Aujourd’hui, je vous propose de faire un Tour de France, sans vélo ni caravane ni potion magique, mais avec du gros son et une bonne bière. Allons enfants de la batterie, je vous emmène faire un tour de France du Metal (et un peu du Hard-Rock).
Avant toute chose, quelques explications. Je sépare volontairement le hard rock du metal. C’est un point de débat dans la communauté : le hard rock fait-il partie du metal ? Oui et non. Comme toute musique a une origine, le hard rock (qui lui-même tient ses origines dans les morceaux les plus électriques de groupes de rock classique, comme « Helter Skelter » des Beatles, ainsi que quelques groupes comme The Who par exemple) est à l’origine de ce qui sera plus tard le metal. Des groupes comme Deep Purple ou Led Zeppelin ont profondément influencés nombre de groupes de metal. Mais la différence essentielle reste dans le son. Le Hard Rock, même avec ses guitares saturées et ses voix rocailleuses, a un son plus rock. En 1970, c’est en utilisant une note interdite sous l’Inquisition car elle était jugée comme « appelant le Diable » (note connue sous le nom de triton) que le groupe anglais Black Sabbath a créé un genre nouveau, le metal. Cette note est typique de cette musique et des différents sous genres qui en découlent. Depuis, cette culture a explosé aux quatre coins du monde et plusieurs sous-genres pour le plaisir de millions de fans.
Pour en savoir plus, voir mon article sur les différents genres de metal.
Comme tout voyage a un début, nous commençons par la capitale et sa région, là où tout a commencé. Comme toute existence commence par un cri, celle du hard rock et du metal français a commencé par ceux de groupes comme Satan Jokers ou Warning en 1979, alors que le Metal connaissait sa deuxième vague (ou New Wave Of British Heavy Metal incarné par des groupes comme Motörhead, Judas Priest, Saxon, Iron Maiden ou encore Venom), celle qui va exploser aux USA et partout ailleurs. Deux ans plus tard viendront des groupes comme Blasphème, Sortilège, Vulcain, H-Bomb et Fisc (oui oui, en France, on donne à des formations de metal comme nom de groupe une institution servant à recueillir des impôts, on est des gros oufs). Des formations qui ont accouché d’albums comme « Les Fils du Metal » de Satan Jokers, « Blasphème » de Blasphème ou « Métamorphose » de Sortilège. Mais c’est un groupe de hard rock Nanterrien qui braque les projecteurs sur lui. En 1980 sort l’album « Répression » du groupe Trust, brûlot anarchiste devenu culte avec le titre « Antisocial », qui a été un tel tube qu’il a été repris par plusieurs groupes dont les américains d’Anthrax quelques années plus tard.
Si le leader Bernie Bonvoisin a depuis fait carrière dans le cinéma, lui et son groupe existent toujours et continuent de tourner, tout comme une bonne partie des groupes cités plus haut.
Les années 90 et 2000 ont connu une flopée de très bons groupes parisiens, notamment dans le style appelé « fusion » (qu’on appelle en anglais « crossover metal »), un genre qui mélange le metal avec d’autres musiques comme le rap ou le reggae. Le son est rugueux et les paroles sont chantées ou rappées et le genre est popularisé par le groupe américain Rage Against The Machine. Les groupes vont sortir des albums marquants à leur début mais auront du mal à perdurer. Silmarils déboule avec le titre « Cours Vite » qui deviendra culte et les très bons albums « Silmarils » et « Original Karma ». Ma préférence va plutôt au second qui envoie du bois avec une production plus carré et un son plus épais, une bonne alternance entre des titres bien rageurs comme « Tant que parle l’économie», « l’Homme Providentiel » ou « Tout Reste à Faire » et des titres plus funs comme « Le cours de l’histoire » ou « Karma ».
L’album suivant n’est plus du tout metal et donne un dernier succès au groupe avec « Va y avoir du Sport ». Par la suite, le chanteur Salsedo va faire une carrière solo et produire des albums pour Dolly ou Superbus et même écrire pour Johnny Halliday, chacun se fera un avis sur la question. No One Is Innocent sort les excellents albums “No One Is Innocent” et “Utopia”, un album aux forts accents indus, avec l’utilisation d’instruments de musique électronique. Ils posent d’entrée de jeu un univers très particulier marqué par un engagement politique viscéral. Après une pause de sept ans, ils reviendront mais laisseront de côté le metal pour une orientation plus rock alternatif. Mass Hysteria va connaître la même destinée que No One Is Innocent. Leurs deux premiers albums, notamment « Contraddiction » vont asseoir une solide réputation et une certaine reconnaissance mais un changement de line-up et d’orientation musicale au troisième album va profondément diviser les fans et malgré de très bons albums comme « Failles » ou « L’Armée des Ombres », rien ne sera hélas de la teneur de « Contraddiction » dont est extrait le tube « Furia ».
Malgré tout, ils continuent à tourner et mettre le feu sur scène. Même destinée pour Pleymo, un groupe qui de toute façon était trop gentillet. Le groupe AqME, évoluant lui dans la sphère metal alternatif (un genre un peu fourre-tout où on met des groupes qui ne rentrent dans aucune case), connaitra un destin inverse. Après des albums diversement appréciés, ils élèveront leur niveau à partir du cinquième album. Le groupe de nu-metal Watcha va connaitre la même évolution que ses homologues américains : des débuts fracassants avec des albums plus que convaincants et un ramollissement à la moitié des années 2000, avant un retour fracassant à la fin de la décennie avec le très bon « Falling By The Wayside » qui sera leur dernier, puisqu’ils se séparent l’année d’après.
Ma grosse préférence personnelle va vers un groupe né à la même époque venant de la même scène fusion (mais aussi punk hardcore dans le cas de ce groupe) mais qui a connu une meilleure constance et une plus grande longévité, car ils sont encore actifs : je veux parler de l’excellent groupe Lofofora. Fondé par le charismatique Reuno Wangermez, venu du punk, Lofo déboule à fond la caisse avec l’album éponyme dont le tube « L’œuf » sera un classique instantané.
Cet album marquera l’identité future du groupe. Bien qu’appartenant à la scène fusion avec un gros son metal et des paroles souvent rappées, mais aussi toastées (chantées façon ragga) ou même gueulées, il serait restrictif de les cantonner à un seul style. Certaines chansons comme « Subliminable » vont taper vers le jazz. L’album suivant, « Peuh ! » possède son lot de brûlots comme « Amnes’History », « Arraché », le punk «Bon à Rien », ou la reprise de « Vive le Feu » de Bérurier Noir. Les albums suivants montreront une orientation plus metal avec un son bien épais, une plus grosse production, des paroles moins scandées, plus orientées vers le chant metal. L’album « Mémoire de Singes », un peu trop orienté metalcore, divise les fans, dont une partie s’en éloigneront ou du moins seront très méfiants vis-à-vis des sorties suivantes. Ce qui est dommage car il possède son lot de bonnes chansons, dont « Trop », « Mémoire de Singes », « Dernier Jugement » ou « Tricolore ». Quatre ans séparent cet album avec son successeur. Pendant ce temps, Reuno se consacre à un autre projet, le groupe de stoner montpelliérain Mudweiser (dont je parlerai dans la seconde partie de l’article). L’orientation musicale de ce dernier groupe va fortement influencer l’album « Monstres Ordinaire ». S’il pèche par une production un chouïa trop faible, il reste un excellent album avec ses guitares bien grasses et ses paroles recherchées. Le dernier album, « l’Epreuve du Contraire » va réconcilier le groupe et ses fans avec un retour aux sources et du Lofo à l’ancienne.
La bande à Reuno est reconnue pour un son massif mais aussi et surtout une écriture affutée. Les paroles tournent autour de causes politiques, de la dénonciation de problèmes sociaux, mais aussi des rapports humains, des thèmes introspectifs (la chanson « l’Eclipse », extraite des « Choses qui nous dérangent » sur le thème de la rupture amoureuse montre la maturité et la prise de recul de son auteur. « Bienvenue », extrait du « Fond et la forme » sur la paternité fait la démonstration d’une profonde sensibilité, « Les Liquides de mon corps » extraite de « Dur comme fer » traite de l’autodestruction sur une musique hypnotisante), des chansons hédonistes comme «Buvez du Cul » ou « Double A » (comme Adolescent Attardé), ou font du storytelling comme « Arraché » ou l’excellente « Le Visiteur ». Cette dernière, parfait exemple de la plume de Reuno, narre l’angoisse d’un homme chez qui on vient frapper à la porte, cet homme n’ouvrira pas mais va se faire des films et sa parano va crescendo au fil de la chanson. La bande à Reuno, forte de 25 ans d’existence, c’est également une prestance sur scène hors norme. Lofofora, que ce soit sur un gros festival comme dans une petite salle, va s’appliquer à mettre le feu sur scène de la même façon, avec le même professionnalisme. Reuno est en complète phase avec son public, plaisante avec lui avec une répartie sans failles. Malgré les différents changements de line-up et d’influences musicales, Lofo tient la barre et continue d’être un des monstres respectés de la scène française.
Leurs confrères hardcore de Black Bomb A tiennent le même cap dans un registre mêlant punk hardcore et metalcore impressionnant d’énergie et de fureur, un cocktail explosif autour de brûlots anarchiste, dans la pure veine du genre. Des gueuleurs hors pair, dont la musique n’est pas toujours accessible aux non-initiés, mais maintenant une certaine intégrité. La chanson « Burn », extraite de « Speech of Freedom » est assez représentative de leur style. Dans le même registre hardcore/metalcore, les dionysiens de l’Esprit du Clan a marqué lui aussi les esprits à leur manière. Repérés par le chanteur Big Red du duo Raggasonic, qui a produit le premier album, puis par Stéphane Buriez du groupe Loudblast (et animateur d’Une Dose 2 Metal sur la chaîne l’Enôrme TV) ils développaient un son devenu de plus en plus fat au fil des albums. Des textes très engagés et des albums articulés à chaque fois autour d’un thème commun. Le dernier album « Chapitre V – Drama », sorti en 2011 et qui se termine par l’énorme instrumental « Catharsis » est le plus abouti de leur discographie. Ce qui leur reproché en revanche c’est d’être un tantinet répétitif au niveau de leur musique, abusant peut être un peu trop de la double pédale. Ils auraient pu connaitre meilleure carrière mais ils se sont séparés en 2013.
La scène parisienne possède également des groupes dans d’autres catégories avec des groupes respectés dans leurs genres respectifs. Arrivé à la fin des années 80, le groupe de metal indus (musique issue du rock indus, mêlant metal et instruments de musique électronique) Treponem Pal fait figure de référence dans un genre dominé par les scènes américaines (Ministry, fondateur du genre, Marilyn Manson à ses début, Nine Inch Nails) et allemandes (KMFDM puis les mammouths de Rammstein). Néanmoins, leur album qui fait date reste « Higher », sorti en 1997. Le groupe fera parler de lui avec un scandale créé durant leur prestation live dans l’émission de Canal + Nulle Part Ailleurs (le chanteur montrera ses attributs virils à la caméra, ce qui provoquera les foudres du CSA). Fondé en 1994, le groupe Merrimack est une des quelques formations de Black Metal français avec une bonne fanbase et une certaine longévité (dans ce genre, ce privilège revient surtout aux groupes d’Europe du Nord, majoritaires dans les gros groupes de Black, et de l’Est). Enfin, plus récemment, le groupe Zuul FX s’impose quant à lui avec un mélange entre death metal et metal indus bien bourrin. Ils ont gagné un certain respect des fans avec des albums de fort bonne facture. Cependant, leur crédibilité a été un peu entamée quand ils ont accepté de servir de coaches vocaux pour le film « Pop Redemption », en gros en servant de caution metal à ce film.
Nous terminons ce séjour à Paris, où il y avait pas mal de choses à dire et on continue le voyage pour manger tour à tour du maroilles, de la bouillabaisse et du jambon de Bayonne avec du gros son, des guitares saturées et de bonnes bières. Rendez-vous très vite pour la deuxième partie !
Discographie que je recommande
Satan Joker « Les fils du metal »
Trust « Répression »
Mass Hysteria « Contraddiction »
No One Is Innocent « No One Is Innocent » et « Utopia »
Lofofora « Dur comme fer », « Le fond et la forme », « Monstre Ordinaire » et « L’Epreuve du Contraire »
L’Esprit du Clan «Chapitre V-Drama »
@Nicolas