Un film de J.C. Chandor (2013 - USA) avec Robert Redford
Sacré Bob l'Eponge, tu nous as bien fait rire !
L'histoire : Un plaisancier solitaire. Un gros container perdu vient fracasser sa coque. Histoire d'un naufrage.
Mon avis : L'affaire nous tentait moyennement. Un type tout seul sur son bateau pendant 1h45... bof. Mais c'était Redford, le Télé Loisirs mettait 3 étoiles (waouh), y avait ce bon vieux Bob et puis Robert Zemeckis avait remporté le pari avec Seul au monde Fédex et un Tom Hanks émouvant au possible. Alors pourquoi pas ?
Cela reste un gros challenge de mettre en scène un seul personnage pendant tout un film. Pas de dialogue, forcément. Juste des gestes, filmés les uns après les autres. L'histoire est dramatique : le bateau coule et le monsieur se retrouve sur son radeau de survie. Chandor, pour ne pas tomber dans le mélo ou le pathos ne donne aucun passé à son personnage ; on ne sait rien de lui. Pas d'épouse, pas de famille, pas d'amis. Rien n'est évoqué, si ce n'est son message in a bottle à la fin, où il écrit qu'il est désolé. On s'en fiche un peu, d'ailleurs, puisqu'on ne sait ni qui il est ni à qui il s'adresse. Et, en en faisant un être sans aucune attache, Chandor ne donne aucune aspérité, aucune émotion, à son personnage. Un peu d'humanité aurait été bienvenue pour nous le rendre plus sympathique.
Dès le début, et malgré notre curiosité bienveillante, on a commencé à rigoler... c'était mal parti ! Ensuite on n'a plus arrêté ! Parce qu'il y avait tellement d'invraisemblances que ça devenait franchement comique.
Bon, mettons nous bien d'accord. Je n'ai jamais fait de voile, donc il est fort possible que j'ai ri de choses qui sont en fait tout à fait plausibles. Si un voileux me lit, qu'il se manifeste, je serais très curieuse d'avoir son avis. Mais la mer m'a toujours attirée et j'en connais tout de même un minimum. Parce que mon papa et mon grand-papa étaient marins et que j'ai été bercée par leurs histoires. Sauf qu'ils bossaient respectivement sur des cargos et des sous-marins... donc pas beaucoup de voilure sur ces engins-là. Ado je rêvais de prendre la mer, toute seule sur mon voilier. C'était mon grand fantasme, je dévorais des livres de navigateurs solitaires, dont l'un tombait en lambeaux tellement je l'ai lu et relu : Sept fois le tour du soleil de Nicole de Kerchove. Florence Arthaud était MON héroïne. RIP. Ensuite, destin ou hasard, j'ai quasiment toujours bossé dans des entreprises qui avaient un rapport avec la navigation. J'ai ainsi travaillé dix ans dans la plaisance et à ce titre visité pas mal de bateaux lors des salons nautiques. Et j'ai même été amoureuse dans ma jeunesse d'un voileux, qui ne m'aimait pas, donc je n'ai même pas eu le temps de monter sur son bateau ! Je suis un marin de papier, en fait. Mais j'ai quelques notions, et un grand amour pour la mer.
On a commencé à rire lorsque notre homme, qui se demande bien comment décoincer son bateau du container, a soudain l'idée d'attacher celui-ci à son ancre flottante. Cet ustensile est normalement destiné au bateau : en cas de tempête, il permet de stabiliser la position du bateau et de l'empêcher de dériver. Mais là, il l'accroche au container et l'ancre entraîne ledit colosse. Du moins on le suppose, puisque le voilier lui ne bouge pas. Un voilier, ça pèse 6 tonnes (le sien n'est pas très grand), un container, trente tonnes... Déjà, on se demande bien comment il flotte, ce truc ???!!! Cherchez l'erreur.
Et puis Bob a toutes sortes de réflexes qui nous ont paru étranges. Il va, il vient. Nous : "Bon Bob, colmate le trou, bon sang !". Non, il observe les dégâts, erre comme une âme en peine, ramasse des trucs, regarde son ordinateur trempé. Soudain, ouf, enfin il va chercher son kit de réparation et entreprend de s'occuper de la brèche. Puis il va se raser. Effectivement, c'est vital et le moment est parfaitement choisi... Une fois la peau douce comme celle d'un bébé, il prend ce qu'il reste de son matériel électronique, pour signaler sa position, et constate - évidemment - que plus rien ne marche. Nous : "Allez Bob, t'as plus qu'à prendre ta boussole et ton sextant pour savoir où tu es !". Ben non, apparemment rien de tout ça à bord... Les yeux me sortaient de la tête.
Pas de bol, une tempête s'annonce. Pareil, il va, il vient, on ne sait pas trop ce qu'il bidouille. Toujours est-il que nous constatons qu'en pleine soufflante, il ne met pas de harnais ni de gilet de sauvetage. Un peu kamikaze, le garçon. Soudain, une idée de génie : son foc de tempête. Il serait peut-être temps ! Tiens, du coup, il prend son harnais au passage (bonne idée) et son ciré (c'est bien Bob, bel effort, mais ça ne flotte pas...). Le temps de mettre sa voile, et hop finalement, il se sent vraiment impuissant face aux éléments et rentre se calfeutrer à l'intérieur en attendant que ça passe (drôle de réaction). Il se fait une énorme blessure au front, en se tapant je ne sais où, genre au moins 10 cm d'ouvert sur le front... juste un peu de sang, pas une goutte sur le T-shirt ! Il a des gros problèmes de coagulation, papy. Par contre, niveau cicatrisation, impeccable. La plaie forme un beau fossé bien droit, mais ne saigne plus du tout. Du coup, on se demande bien pourquoi... longtemps après, il se met à sortir son matériel de suture !!!
Pendant la tempête, le voilier fait plusieurs roulé-boulés. Un je veux bien, mais plusieurs... Un bateau c'est un culbuto, c'est fait pour toujours tenir en équilibre (c'est mon grand-père qui m'a expliqué). Mais une fois qu'il a la quille en l'air, il se remplit d'eau et ne peut plus faire culbuto. Mais nous avons ici affaire à un bateau extraordinaire, et Bob l'est encore plus ; malgré tous ces tasses qu'il boit en pagaille, ces apnées de l'autre monde, il ressort sans un essoufflement, sans une égratignure.
Après, quand all is lost, il se décide à sortir son radeau de survie. De nouveau, il n'arrête pas d'aller et venir, de prendre des tas de trucs (on ne sait pas ce que c'est et on se dit : "Mais arrête... c'est juste un tout petit radeau, tu ne peux pas mettre TOUT ça !"). Bon, on ne va pas l'enguirlander, il a eu l'idée du siècle : emporter son sextant, enfin ! Dans une caisse, qu'il n'a jamais ouverte de sa vie visiblement. Avec manuel d'utilisation. Il regarde tout ça comme si c'était un meuble Ikea... Mais il apprend vite, Bob. Et puis sa carte marine, formidable : elle a échappé au désastre, aux tonnes de flotte, elle est NICKEL CHROME. Comme ses fringues, qui sèchent en un clin d'oeil. Juste le temps de le dire.
Quand son bateau coule, on se demande un peu pourquoi. La mer est calme, le trou est au-dessus de la ligne de flottaison, mais tout à coup, plouf, il se met à plonger. Sans doute un autre container, en dessous, qui nageait entre deux eaux...
Soudain voilà un requin. Pour une fois qu'il attrape un poisson, un méchant vient lui piquer sa bonne pitance sous le nez. C'est ballot. Du coup, une cinquantaine de requins viennent tourner autour de lui. Mais pourquoi donc ? Séquence Dents de la mer ? Non, finalement on passe à autre chose, et les requins disparaissent comme par enchantement.
Quant à ce fameux radeau de survie... je me demande bien où il l'a acheté ! Complètement nase ! Il prend l'eau, il se dégonfle. Il ne contient a priori pas de mini-radar, ni de récupérateur d'eau de pluie (Bob se fabrique un truc pour dessaler l'eau de mer...). En plus, il n'est pas auto-redressable, et Bob a, on s'en doute, toutes les peines du monde à le remettre à l'endroit lorsqu'une vague le met cul par-dessus tête. J'espère qu'il ne l'avait pas payé cher, son truc.
Pendant tout ce temps, on a des bruitages, genre le Titanic qui coule : ferraille, grincement... A mourir de rire quand on sait qu'il s'agit d'un radeau en plastique !
J'ai également été surprise par le fait que les deux gros bateaux qui passent ne le voient pas, malgré ses feux. Y a personne à la passerelle, les gars ? Normalement, on surveille constamment les abords du navire, et puis il y a le radar qui détecte tout élément extérieur...
Je terminerai sur les grimaces de Bob. Vu qu'il ne parle pas, puisqu'il est tout seul (ils n'allaient pas piquer l'idée de Zemeckis avec l'ami Wilson...), il ne peut s'exprimer qu'avec son visage... et il en fait beaucoup trop ! C'est hyper agaçant !
Ah, on est loin, très loin du premier film de J.C. Chandor, Margin Call : une bande de financiers dans leur tour d'ivoire, un thriller passionnant et terrifiant. Un point commun cependant : les requins ! Ah ah ah.
Et puis la scène de la fin SPOILER : Avec toute l'eau qu'il s'est mangé dans les poumons, waouh, le voilà qui ressuscite d'entre les morts en apercevant de la lumière ! Ceci dit l'image finale des deux mains est plutôt jolie. FIN DU SPOILER.
Un point pour Bob, attendrissant quand même, avec ses 78 ans au compteur et son envie de bien faire. Un rôle qui était un sacré défi, il faut l'avouer. Le contrat n'est pas rempli, mais on va dire qu'il mérite un petit hommage, eu égard à sa longue et belle carrière.
La réalisation, si l'on se place purement au niveau technique, offre quelques belles images.
Bon, ben je dois faire une bien piètre navigatrice, parce que tout le monde a adoré :
"Un « Gravity » marin dont on ressort puissamment transformé, et émotionnellement secoué par la virtuosité de la réalisation et le jeu sans compromis d’un Robert Redford épatant dans le désespoir…" (AVoirALire) ; "En confrontant un homme seul aux tumultes de l’océan, J.C. Chandor s’affirme comme l’un des cinéastes les plus audacieux et talentueux de sa génération." (Cinéma Teaser) ; "La performance de Redford, 77 ans, seul à l’écran pendant 106 minutes, est absolument impressionnante." (Le Parisien) ; "Remarquablement mis en scène, vibrant, effrayant, l’on est à côté de Redford du début à la fin, partageant le drame qui se joue au péril de sa vie." (France Télévisions) ; "Un Robert Redford comme on ne l’avait jamais vu, transcendé par un pari unique (...). Beaucoup de péripéties pour un drame haletant et sans paroles reposant sur l’abnégation, l’opiniâtreté et la remarquable faculté d’adaptation du vieil homme." (L'Humanité)
Il semble que tous ont été surtout émerveillés par la prouesse de l'acteur (bof) et par le destin du personnage (quelle bande de midinettes !). PERSONNE ne parles des invraisemblances techico-nautiques. Donc, nous, on a dû se planter sur toute la ligne.
NON. Chez les spectateurs, on trouve des gens moins emballés... et même des pro de la plaisance qui parlent d'énorme navet et des incroyables incohérences techniques. OUF !!!