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Karoo (S. Tesich)

Publié le 18 mars 2015 par Despasperdus

« Tout ce que je savais, c’est que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Quelque chose s’était défait, dévissé ou bien cassé à l’intérieur de mon corps. Quelque chose de physiologique, de psychologique ou peut-être de neurologique, un petit vaisseau sanguin qui aurait claqué ou qui se serait bouché, une synapse du cerveau qui aurait explosé, ou alors un changement chimique essentiel qui se serait produit dans le sombre tréfonds de mon corps ou de mon esprit, je n’en avais aucune idée. Tout ce que je savais avec certitude, c’était que la capacité à l’ébriété avait disparu de mon existence. »

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Principal personnage et unique narrateur, doc Karoo : quinquagénaire, marié, un enfant, en instance de divorce, écrivaillon de l'industrie du cinéma, grand buveur, gros fumeur, baiseur occasionnel, faux fêtard, bedaine naissante, classe moyenne supérieure américaine, résidence New York.

« Mon ardoise, avec elle, était toujours vierge et impeccable, et me rappelait, que malade comme je l’étais, j’avais toujours un fragment intact de bonté au fond de moi. Et cela, je ne savais pas que je le possédais. La joie, la joie bouleversante de cette découverte. La promesse qu’elle offrait... La possibilité du renouveau. De la renaissance. De pouvoir vivre le reste de ma vie d’une autre façon. »

Le narrateur porte sur sa vie et sur la société un regard amusé et sans complaisance, voire cynique. Il semble détaché de tout, y compris de lui-même. Il ment à son fils et à sa future ex femme, il échappe à ses responsabilités familiales par divers stratagèmes pour paraître léger et futile, si possible, le plus souvent cuité à longueur de journée. La seule chose qui l'inquiète au début du récit, c'est son incapacité à être réellement ivre, et à rester un bouffon aux yeux des autres.

« Les murs de la suite étaient couverts de tableaux abstraits de tailles et de formes variées. Le genre de tableaux abstraits que l’on trouve dans le siège social des grandes multinationales. De l’art abstrait, mais qui ne serait pas une abstraction de quoi que ce soit. De l’art, mais déconnecté de tout. De l’art non confessionnel, pas sectaire, apolitique, non idéologique, non régional, non national. Peut-être de l’art universel. »

Il semble se moquer de tout, sauf de son boulot - le cinéma (sic) - où sa réputation est excellente. Et c'est grâce à une commande originale d'un nabab de Hollywood et aux hasards de l'existence que sa vie va changer, non pas en modifiant sa trajectoire, mais en accélérant sa chute...

« Il se demanda s’il avait jamais vraiment aimé quoi que ce soit dans la vie. S’il n’avait jamais vraiment aimé Billy et Leila. Si ce qu’il avait aimé depuis toujours n’était pas juste la possibilité du retour sur investissement personnel qu’il y avait à les aimer. »

Karoo est un roman fascinant, une sorte de road movie dans un cerveau à la fois dérangé et lucide. Dommage que son auteur, Steve Tesich, n'ait écrit que deux romans.


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