A compter du 16 mars, les députés vont débattre en séance publique du projet de loi relatif à la Biodiversité. Plusieurs d'entre eux ont déposé un amendement tendant à créer, au sein du code de l'environnement, la procédure de "l'action de groupe en réparation du préjudice environnemental".
Les députés du groupe socialiste ont déposé un amendement n°931 qui propose d'inscrire, dans le code de l'environnement, les articles L.164-2 à L.164-6 destinés à créer "l'action de groupe en réparation du préjudice environnemental". Les députés du groupe écologiste ont déposé un amendement n°957 rédigé en termes identiques (cf. ci-dessous).
Cet amendement a pour objet d'élargir aux "préjudices environnementaux" le dispositif de l'action de groupe "à la française" qui a d'ores et déjà été adopté pour le droit de la consommation.
De manière générale, je suis réservé sur ce dispositif, principalement pour les motifs suivants.
En premier lieu, l'amendement est très imprécis sur le type de préjudice qui serait pourtant l'objet de cette "action de groupe". S'agit-il du préjudice environnemental ? Auquel cas, il conviendra d'articuler cette procédure avec le projet de loi sur le préjudice écologique qui devrait être prochainement déposé par la Chancellerie à l'Assemblée nationale. Ou s'agit-il de procéder à l'indemnisation "l'indemnisation individuelle des préjudices subis dans les conditions et limites fixées par le jugement". Un travail de précision du type exact de préjudice concerné par cette procédure reste à faire. En t
En deuxième lieu, la réparation du préjudice semble être ici réduite à l'indemnisation. Or, la réparation en nature peut s'avérer utile dans nombre de cas.
En troisième lieu, l'initiative de cette procédure est ouverte à toute personne, pour peu qu'elle soit en mesure d'adhérer ou de constituer une association Loi 1901. Là où le code de la consommation réserve l'action de groupe des consommateurs à un nombre limité d'associations représentatives, le code de l'environnement est ici appelé à ouvrir cette action de groupe à toutes les associations. Y compris celles dont l'environnement ne sera peut être qu'un prétexte. Certes, leur action sera sans doute vouée à l'échec mais le seul fait de l'engager peut produire des conséquences irréversibles pour une entreprise ou un secteur d'activité.
En quatrième lieu, je continue de penser que cette action de groupe est, pour beaucoup, une réponse encore inadaptée à une bonne question : celle de l'accès au Juge des associations de protection de nature et de l'environnement. Par ordre de priorité, l'effort doit être concentré sur la prévention des risques avant même de penser à la sanction judiciaire de leurs effets en cas de réalisation.
Il est très peu probable que ces amendements soient adoptés en séance. Ils ont toutefois pour mérite d'appeler un débat. Il serait sans doute préférable de les renvoyer à l'examen du prochain projet de loi relatif au préjudice écologique après avoir approfondi les questions rapidement évoquées dans le cadre de cette note : préjudice concerné, mode de réparation, nature du filtre, choix des associations représentatives, risque de réputation. Il serait également utile de disposer d'un bilan précis des procédures existantes qui autorisent d'ores et déjà l'action des associations.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats
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ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L'ARTICLE 4, insérer l'article suivant:
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 162‑2 est abrogé ;
2° Après le chapitre IV du titre VI du livre Ier, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
" Chapitre IV bis
" Action de groupe en réparation du préjudice environnemental
" Art. L. 164‑2. - Sans préjudice des procédures instituées par les articles L. 160‑1 et suivants, l'action en réparation d'un préjudice environnemental visé au titre IV ter du livre III du code civil est ouverte aux personnes physiques et morales.
" Lorsque plusieurs personnes physiques ou morales qui s'estiment victimes d'un même préjudice environnemental ou d'une même infraction au sens de l'article L. 142‑2 introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles désignent au juge l'une d'entre elles à la majorité pour conduire, en leur nom, l'action résultant de la jonction de ces différentes actions.
" Plusieurs personnes physiques ou morales, regroupées en association selon les modalités fixées par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, ou une association de défense des usagers représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 141‑1 peuvent agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles.
" L'action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
" Art. L. 164‑3. - Le juge constate que les conditions mentionnées par le titre IV ter du livre III du code civil sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur. Il définit le groupe de personnes physiques et morales constituant le groupe et les délais pour le rejoindre.
" Le juge ordonne, aux frais de l'auteur du préjudice, les mesures nécessaires pour évaluer le préjudice.
" Le juge fixe les délais et modalités selon lesquels les personnes physiques et morales peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de leur préjudice.
" Le juge prévoit les mesures de publicité nécessaires pour informer les personnes physiques et morales atteintes par le préjudice de l'existence du jugement.
" Art. L. 164‑4. - L'auteur du préjudice environnemental procède à l'indemnisation individuelle des préjudices subis dans les conditions et limites fixées par le jugement.
" Art. L. 164‑5. - Le groupe requérant peut participer à une médiation, dans les conditions définies par décret.
" Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui lui donne force exécutoire.
" Le juge fixe les délais et modalités selon lesquels les personnes physiques et morales peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de leur préjudice.
" Le juge prévoit les mesures de publicité nécessaires pour informer les personnes physiques et morales atteintes par le préjudice de l'existence de l'accord ainsi homologué. "
" Art. L. 164‑6. - Lorsque l'identité et le nombre des usagers lésés sont connus et lorsque ces usagers ont subi un même préjudice par référence à une période ou à une durée, le juge, après avoir statué sur la responsabilité de l'auteur du préjudice, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu'il fixe.
" Préalablement à son exécution et selon des modalités et dans le délai fixés par le juge, cette décision, lorsqu'elle n'est plus susceptible de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation, fait l'objet de mesures d'information individuelle des usagers concernés, aux frais de l'auteur du préjudice, afin de leur permettre d'accepter d'être indemnisés dans les termes de la décision.
" En cas d'inexécution par l'auteur du préjudice, à l'égard des usagers ayant accepté l'indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, l'acceptation de l'indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d'indemnisation au profit de l'association.
" Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de la présente section ainsi que la mise en œuvre du jugement, liquidation des préjudices et exécution. "
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à étendre l'action de groupe aux questions environnementales, comme cela a été fait en mars 2014 pour les questions de consommation avec le projet de loi relatif à la consommation. Le texte sur la biodiversité portant diverses dispositions concernant les atteintes à l'environnement, les sanctions et la police de l'environnement, il est le bon véhicule législatif pour étendre le périmètre de l'action de groupe à l'environnement. Le recours en justice pour faire respecter le droit de l'environnement est actuellement en voie de disparition, comme établi par le rapport du Conseil d'état en 2010 " L'eau et son droit ". L'amendement ouvre l'action en réparation du préjudice environnemental et permet aux citoyens de se regrouper ou de se faire représenter par une association agréée pour mener une action en justice sur ce sujet. Il propose ensuite que le juge définisse la responsabilité du défendeur et donne les contours du groupe accusateur. Enfin, les deux derniers alinéas affirment l'objectif de réparation de la nature comme l'objectif de l'action de groupe environnementale et permet une procédure de médiation et une procédure simplifiée permettant d'accélérer la procédure.