Après 8 ans de travail, de recherches, de calculs et d'études, Albert Einstein présente à la communauté internationale sa théorie de la relativité générale. Une proposition scientifique révolutionnaire qui modifia en 1915 notre rapport au temps et à l'espace, contredisant les modèles de Newton et de Kant qui prévalaient jusque-là.
La théorie de la relativité a été énoncée il y a 100 ans. Crédit DR
Atlantico : La théorie de la relativité générale fête ses 100 ans cette année. Globalement, qu'a pu nous apporter cette théorie, en quoi nous a-t-elle permis de mieux comprendre le monde ?
Aurélien Barrau : La relativité générale est certainement l’une des propositions scientifiques les plus importantes et les plus révolutionnaires de l’histoire.Comme la théorie de l’évolution dans le domaine des sciences de la vie (cette dernière constitue d’ailleurs certainement un cadre plus fiable et plus incontestable encore), elle est une avancée majeure dans notre compréhension du réel.Que dit-elle ? Que l’espace et le temps ne sont plus, comme le supposaient Newton ou Kant, des structures figées. L’espace n’est plus le lieu dans lequel se déploient les phénomènes : l’espace devient lui-même un phénomène ! Voilà la grande découverte d’Einstein : L’espace et le temps sont des entités dynamiques, ils sont soumis à une évolution comme les autres processus de l’Univers. En un certain sens, l’espace et le temps ne sont pas différents des autres "objets" du monde, c’est une unification remarquable !La relativité générale nous apprend qu’il n’existe aucune "trame de fond" immuable et fixe dans laquelle nous nous trouverions. Même l’espace-temps se distord et se distend, il répond à la présence des corps, il bouge.L’expansion de l’Univers, que nous l’observons effectivement, n’est pas un mouvement des objets dans l’espace : elle est une dilatation de l’espace lui-même. Les galaxies, pourraient-on dire, s’éloignent sans bouger ! C’est l’espace qui enfle entre elles.En quoi a-t-elle pu compléter la théorie de la relativité restreinte, parue dix ans plus tôt ?
La relativité restreinte est déjà étonnante. Elle montre qu’il existe une vitesse indépassable qui ne provient pas des lois de la physique mais de la structure propre de l’espace-temps. L’espace et le temps sont indéfectiblement liés. Elle montre également que les voyages dans le futur sont possibles. Un enfant peut devenir plus vieux que ses propres parents dès lors que ces derniers sont soumis à une vitesse suffisante pendant un temps suffisant. Enfin, elle montre qu’il est possible (E=mc2) de transformer une propriété – l’énergie – en existence – la masse.Mais la relativité générale va beaucoup plus loin en rendant l’espace-temps "plastique". Elle montre que le champ de gravité est l’espace-temps ! Nous vivons sur ou dans les champ gravitationnel qui, en quelque sorte, tient lieu d’espace et de temps.Quelles autres théories ou hypothèses de l'époque concernant la gravité cet ensemble relativité générale-restreinte a-t-il remis en cause ?
Du point de vue pratique, pour l’essentiel des situations usuelles, la relativité générale n’apporte qu’une petite correction aux prédictions de la physique newtonienne. Mais du point de vue ontologique, c’est à dire quant à la nature profonde de ce qui est décrit, le changement est immense, presque radical ! Chez Newton, la Lune tourne autour de la Terre parce que la force de gravitation lui impose cette trajectoire. Chez Einstein, il n’y a plus de force gravitationnelle, la Lune avance en ligne droite dans l’espace courbé par la présence de la Terre ! La différence est immense.Au-delà de cette révolution conceptuelle, il est des cas importants – comme la dynamique de l’Univers ou les trous noirs – dans lequels seule la relativité générale est en mesure d’apporter des réponses satisfaisantes. La physique de Newton s’effondre.En montrant que seul le relationnel fait sens, la relativité a totalement renouvelé notre rapport au réel. Elle est bien plus qu’une théorie de la gravitation, elle est une manière de redessiner en profondeur le sens du monde. Plus rien n’y est absolu.