Nos féministes mènent une grande campagne en vue de l’application dans la société marocaine de la notion de « parité » (al monassafa) entre les hommes et les femmes!
Or, dans un pays comme le nôtre, où depuis des siècles, la femme a été marginalisée et exploitée, alors qu’elle a toujours joué un rôle essentiel dans la vie quotidienne, ce qui semble devoir être la priorité serait que l’homme et la femme soient d’abord placés sur un pied d’égalité en matière de droits !
Cette exigence d’égalité n’est que la traduction dans les faits de principes fondamentaux qui règlent toute société moderne et civilisée.
Pour rester dans le cadre national, il faut rappeler que la notion d’égalité entre les sexes est prescrite dans les textes qui fondent l’islam et que seules les interprétations humaines ou parfois les omissions délibérées en réduisent la portée.
Par ailleurs, l’égalité des sexes est inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme signée à Paris le 10 décembre 1948 qui stipule dans son article premier que : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».
L’article 2 de ce texte fondateur précise que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,….. notamment de sexe ».
Certes, ce texte n’est qu’une « déclaration » mais il a inspiré une série de traités internationaux relatifs aux droits humains dont l’application par les pays signataires est soumise à la surveillance par des comités d’experts.
En ce qui concerne les droits de la femme, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981, définit la « discrimination à l’égard des femmes » comme étant : « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ».
Le Maroc, après moult hésitations et après plusieurs réformes, a fini par lever les réserves dont il avait assorti sa ratification de cette convention en 1993.
L’article 19 de la Constitution marocaine du 1er juillet 2011 pose donc clairement l’obligation de l’égalité des droits entre l’homme et le femme » :
« L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental».
Ainsi, l’égalité entre l’homme et la femme est inscrite de manière définitive dans le texte suprême qui régit le royaume !
Soit !
Mais qu’en est-il dans la réalité quotidienne des marocaines ? Telle est la question qui doit en principe préoccuper tous les citoyens et les citoyennes soucieux du respect des lois dans ce pays !
Malheureusement, ce principe gravé dans le marbre de la constitution n’est pas forcément pris en considération et déjà les féministes, toujours en avance d’une guerre, exigent l’application de la parité !
Qu’est-ce donc que la parité ?
Ce principe signifie l’obligation que chaque sexe soit représenté à égalité mathématique dans toutes les instances et institutions du pays, civiles, politiques et économiques.
Il faut juste pour mémoire rappeler que la France par exemple a mis des années avant de parvenir en 2011 à la promulgation de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.
En 2008, la constitution française a été révisée pour permettre « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Le Maroc peut-il se permettre de réaliser la « parité » ? Rien n’est moins sûr !
Pourtant, la constitution du 1er juillet 2011 prévoit, toujours dans son article 19 cité pour l’égalité des sexes, que : « l’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes ». Les mots ont leur importance : l’état “œuvre”, cela demande du temps, des moyens, des conditions!
Nos féministes seraient-elles entrain de se tromper de combat en mettant en quelque sorte et de manière triviale, la charrue avant les bœufs !
Avant d’exiger la parité – qui ne peut être atteinte que par palier, en passant par l’incontournable processus des quotas imposés par la loi, par l’indispensable transformation des mentalités et surtout par la refonte fondamentale du système éducatif.
A cet égard, nous pouvons revenir, juste pour l’anecdote, à ce concours de l’école de médecine militaire qui avait enregistré la réussite d’une majorité écrasante de filles : la parité en l’occurrence ayant été pratiquement dynamitée, les responsables ont dû revoir les résultats et ré-établir un équilibre qu’ils croyaient acquis.
En fait, la femme marocaine dans sa vie de tous les jours doit faire face de manière parfois violente à des problèmes autrement plus concrets que l’aspiration à la parité homme-femme aux postes de direction ou de commandement !
La marocaine est l’objet d’un harcèlement sexuel débridé, dans la rue, dans les lieux de travail, au sein même de sa famille et peut-être de son couple !
La marocaine, malgré une révision de la Moudawana, est encore soumise, surtout en milieu rural et dans les classes défavorisées, à la volonté de son père et au laxisme des juges en matière de mariage. La preuve en est que les mariages des mineures ont augmenté de façon plus que significative.
La jeune marocaine n’est protégée contre l’exploitation des réseaux de placement des petites bonnes ni contre ceux de la prostitution ni contre les pédophiles.
La marocaine divorcée se voit accorder une pension alimentaire fixée par une décision discrétionnaire et sans appel du juge.
La marocaine subit des violences de toutes sortes sans avoir souvent la possibilité de déposer plainte, pour des raisons soit personnelles (hchouma, peur de représailles) soit externes (réticence des services compétents).
La marocaine connait encore une mortalité post-néonatale élevée, par manque de soins et de structures médicales.
La marocaine est encore dans l’obligation de recourir à l’avortement clandestin souvent dans des conditions dégradantes et insalubres.
La marocaine mère célibataire est encore traitée comme une pestiférée, sauf dans le cadre de certaines associations qui réalisent un travail admirable !
La femme marocaine se voit parfois dans la douloureuse obligation d’abandonner son enfant, en le déposant devant une porte, en le confiant à des proches ou pire en le cédant à des personnes malintentionnées ou indélicates.
Ce sont là quelques exemples de combats quotidiens, concrets et douloureux que la marocaine est contrainte de mener !
Ce sont ces combats qui doivent, à mon sens, occuper l’attention de tous nos responsables, politiques et associatifs!
Et ce ne sont ni les élucubrations des islamistes ni l’excitation des féministes qui aideront à mener ces combats justes et urgents!