Au sortir de ma lecture, je reste bluffée par la construction narrative si simple et pourtant si cohérente de ce roman. Car au début, je me demandais franchement où on voulait en venir. D’abord avec cette histoire de voyage de famille de Charity, cette femme terrifiée par un mari aussi répugnant que ridicule. Certes, Stephen King m’a habitué à se servir de ses romans terrifiants pour proposer un éclairage sur la société américaine qu’il a si bien mise en scène, mais j’a eu l’impression que ça n’allait pas bien loin. Idem pour l’autre couple: si j’ai été plutôt intéressée par cette femme au foyer américaine qui se console avec le poète mauvais garçon volage, je me suis demandée ce que l’analyse des couples en crise venait faire dans une histoire de chien enragé. Pourtant, dès qu’on atteint le climax du roman, à savoir l’attaque du chien, tout prend sens: il FALLAIT que le garagiste se retrouve seul, sans femme et enfants, à ce moment-là et il FALLAIT que Vic croit sa femme partie rejoindre son amant pour que le terrible huis-clos qui va opposer le chien fou à sa victime prisonnière d’une voiture en panne soit si poignant.
Passée cette acclimatation, Stephen King montre ici toute son habileté à créer une figure de monstre très subtile. Car à Castle Rock, on parle encore de Frank Dodd, tueur psychopathe qui avait terrifié la population. Et dans le placard, les yeux rouges du monstres se rallument bien, malgré le soin que Donna a à fermer la porte ou à ranger correctement les linges qui projettent des ombres trompeuses. Alors lorsque la bonhommie bienveillante du chien, meilleur ami de l’homme, véritable nourrice pour l’enfant, tourne à la folie furieuse et meurtrière, même si on nous affirme que le poison qui le ronge est un simple virus, transmis de la façon la plus bête possible, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il y a quelque chose qui plane, que le monstre ne guette qu’une occasion pour s’incarner encore et ailleurs. Un fantastique dans la plus pure tradition, donc, où à l’horreur d’assister au bain de sang se mêle le doute, la certitude que le réel ne suffit pas à expliquer les événements. Et rien que pour cela, chapeau, monsieur King.
La note de Mélu:
Un grand moment de lecture.
Un mot sur l’auteur: Stephen King (né en 1947) est un auteur américain parmi les plus célèbres au monde, qui a publié plus de cinquante roman dont beaucoup ont été adaptés au cinéma. D’autres de ses romans sur Ma Bouquinerie: