Semiramide (Joanna Mongiardo), reine de Babylone, est veuve depuis quinze ans. Alors qu’elle exerce la régence, sur les conseils du prêtre Oroé (Ziyan Atfeh), elle décide de désigner un nouveau roi. Se présentent alors à elle, Assur (Paolo Pecchioli), un prince vil et ambitieux, Idreno (Daniele Zanfardino), un prince indien au cœur pur et Arsace (Kristina Hammarström), un jeune général héroïque qu’elle a fait quérir. Après qu’elle est choisie ce dernier comme nouveau roi et époux, il est révélé à ce dernier que Semiramide est sa mère et qu’avec Assur, elle a autrefois comploté pour commettre un régicide, celui de Ninio, son père.
Le fond de la scène rappelant des immeubles en ruines, voire des flammes stylisées, est la première chose marquante concernant les décors de Markus Meyer. On ne saura pas si cela est pensé comme une allusion aux récentes destructions du patrimoine assyrien, mais on ne peut s’empêcher d’y penser un instant. Ces derniers sont assez minimalistes mais efficaces. Les différents changements spatiaux sont juste notifiés par des levers de rideaux sur trois paliers différents. Les rencontres fortuites au détour d’un couloir laissent place à l’intimité des appartements royaux au premier lever de rideaux, le second laissant apparaître la foule que l’on imagine au loin, vu depuis un balcon. Un taureau androcéphale fait office d’idole figurant les scènes se passant dans le temple. Quant aux costumes de Sven Bindseil qui définissent très bien les différents rôles, ils semblent avoir été choisis avec soin. Aucun doute sur l’origine du prince Idreno ou bien sur la vilenie d’Assur, semblant, dans sa veste en cuir, plus proche du Waffen-SS que du prince de sang. Plutôt marrant, le metteur en scène a d’ailleurs décidé de l’affubler de deux gardes du corps caricaturaux sorti tout droit de Matrix. Enfin, les courtisanes de Semiramide, dans une scène où elle tente de charmer Arsace, arborent des coiffes de fleurs apportant à l’ensemble, un peu de couleurs bienvenues.
Semiramide diffère de la légende originelle de la reine Sémiramis qui selon Ctésias de Cnide et Diodore de Sicile ne conspira jamais contre son mari mais fut trahi par son fils. Alors qu’elle avait fondé Babylone, citée flamboyante, où elle érigea des jardins suspendus, irrigué en détourant le cours de l’Euphrate. Après avoir composé des opéras-bouffes, Rossini, souhaitant pour son dernier opéra italien, revenir à l’opéra seria voulut sûrement que le livret de Gaetano Rossi renoue avec un sens moral plus stricte. Il fallut donc que la trahison d’Arsace fut expliqué par celle de sa mère. Dans Semiramide, c’est même le prêtre Oroé qui joue dans l’ombre avec ces marionnettes royales dans une conspiration qu’il semble finalement opéré lui-même en invoquant les dieux comme excuses. Alors que le fils voudrait pardonner sa mère, Oréo s’arrange pour que la vengeance soit consumée. Sûrement pourra-t-il contrôler le jeune homme inexpérimenté. L’ouverture majestueuse de l’opéra de Rossini annonçait déjà le tumulte des destins et la fin tragique de cette triste histoire. La virtuosité des chœurs et des chanteurs donnent à leurs dialogues en canons, une véritable profondeur faisant dialoguer l’histoire qui se déroule sous nos yeux avec la légende qui se perpétuera, à travers la tradition orale et la propagande royale. Les spectateurs niçois seront certainement à la fois transportés par les arias aux fioritures incroyables de Rossini et enthousiasmés par la maîtrise vocale de toute la troupe.
Avec une production soignée et des chanteurs exceptionnels, l’opéra de Nice frappe un grand coup, ce mois-ci, avec son Semiramide. Laissez-vous enchanter par le lyrisme rossinien ce mercredi 18 mars pour la première. Les dates suivantes étant le vendredi 20, le dimanche 22 ou le mardi 24 mars.
Boeringer Rémy