Simplifier, réduire le sujet à l'essentiel, n'était qu'une première étape primitiviste . Il s'agissait aussi pour l'artiste de généraliser à la fois l'espace et les figures de façon à leur ôter tout aspect circonstanciel, que ces aspects se trouvent liés à un état d'esprit particulier, où associés à un lieu et à un temps définis. Il s'agit, en somme, de bannir " l'épisode ". C'est sur ce point que le modèle de l'" art nègre " semble jouer un premier rôle crucial : comme C. Einstein l'écrira quelques années plus tard à propos de la sculpture africaine, " l'art des primitifs connaît le masque, mais ignore le portrait ". Pour qu'une image soit intense à la manière imaginée par les primitivistes, il n'est nullement nécessaire d'insister sur la caractérisation psychologique de la figure humaine. Il faut au contraire qu'elle soit relativement impersonnelle, presque anonyme. C'est par cette voie qu'elle peut devenir généralisable à la manière d'un symbole :
Dans un réalisme formel - nous n'entendons pas par là un réalisme de l'imitation - la transcendance existe ; car l'imitation est exclue ; qui donc un dieu pourrait-il imiter, à qui pourrait-il se soumettre ? Il s'ensuit un réalisme logique de la forme transcendantale. L'œuvre d'art ne sera pas perçue comme une création arbitraire et superficielle, mais au contraire comme une réalité mythique qui dépasse en force la réalité naturelle. L'œuvre d'art est réelle grâce à sa forme close ; comme elle est autonome et surpuissante, le sentiment de distance va contraindre à un art prodigieux d'intensité.
L'œuvre d'art nègre n'a, pour des raisons formelles, et religieuses aussi, qu'une seule interprétation possible. Elle ne signifie rien, elle n'est pas symbole ; elle est le dieu qui conserve sa réalité mythique close, dans laquelle il inclut l'adorateur, le transforme lui aussi en être mythique et abolit son existence humaine. " Carl Einstein.Negerplastick
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" L'intervention de l'art nègre entre 1906 et 1911 s'est produite, dans la sculpture de Matisse, à plusieurs niveaux de plus en plus complexes. Matisse d'abord retenu un encouragement dans sa volonté de généraliser les figures, J'en donner des expressions visuellement simples mais synthétiques ; il a été amené progressivement à voir dans la statuaire africaine, - en premier lieu par le biais de problèmes techniques limités, comme celui des articulations, puis par celui de l'architecture et de la spécification des masses - un ensemble équilibré de masses pondérables, créant le rythme indépendamment du mouvement et de l'attitude imposés à la figure. Ce problème résolu et maîtrisé, Matisse situe les hypothèses au niveau de l'agencement des masses, sans recourir à leur développement dans l'espace. Et il se pose un problème dont la solution si limitée apparaisse-t-elle aujourd'hui par rapport à celle qui lui fut donnée ultérieurement pèsera sur le développement de la sculpture d'avant-garde : le problème de la concentration des éléments dans un organisme plastique clos mène, au-delà des sculpteurs cubistes, à Brancusi. Il devait également conduire Matisse à la notion de " montage " qui est à l'origine d'un autre aspect de la sculpture d'avant-garde. " Jean Laude .La Peinture Française Et L'art Nègre
Jusque-là, Matisse avait sculpté d'après le modèle vivant ; son modelé combinait des notations tactiles et visuelles définissant des surfaces qui respectaient la structure anatomique sous-jacente. Sa sculpture reprend la pose de " l'le Ariane endormie " antique. Cette pose aux jambes repliées, avec un bras au-dessus de la tête, avait aussi été utilisée depuis la fin du XV e siècle pour représenter Vénus et d'autres figures erotiques.. Le motif avait persisté jusqu'au XIX e siècle ; Ingres l'avait repris pour certaines de ses odalisques,L'élaboration par Matisse d'une pose semblable au début de 1907 dans Nu couché I comme dans le témoignait de son désir de créer à la fois un moderne équivalent de la Vénus ancienne, mais d'une façon plus significative encore, une sorte de Vénus primitive. elle devint un des motifs importants de ses peintures, dont la Joie De Vivre.
" Le Nu couché I " n'a pas été exécuté directement d'après le modèle mais de mémoire et d'imagination, ce qui permit à Matisse de restructurer le corps humain avec une plus grande liberté. Jean Laude y voit plusieurs traits caractéristiques selon ce Matisse appelait " . " Ainsi, bien que la pose de cette sculpture soit traditionnellement européenne, elle montre dans le traitement formel une réponse subtile mais très réelle à la restructuration imaginative du corps humain que Matisse admirait dans l'art africain. " les plans et les proportions inventés " de la sculpture africaine, et attestent une inflexion africaine. La tête assez grosse, les seins sphériques et les fesses bulbeuses rappelleraient des caractères courants dans cette sculpture, de même que la forte accentuation des diverses parties du corps et la façon dont ces volumes forment un contrepoint à l'articulation anatomique de la figure, plutôt qu'ils ne s'harmonisent avec elle
le Il ne vise pas à figurer telle ou telle femme définie. . le Ni psychologique, ni allégorique, une sculpture de Matisse, dès le Nu couché de 1907, plus qu'un emploi formel à l'art africain reste dans l'esprit de celui-ci.
Pour être des œuvres autonomes et parfaitement abouties, les sculptures de Matisse ne présentent qu'une part quantitativement peu importante de la production de l'artiste. Indépendamment de leur valeur intrinsèque, elles possèdent cependant une valeur historique indéniable : elles scandent les moments où Matisse prend possession de nouveaux problèmes et s'engage dans un approfondissement des hypothèses précédentes : elles ont agi sur l'évolution ultérieure de la sculpture d'avant-garde
À de rares exceptions près, le sculpteur africain ne réalise pas de portraits. Pas davantage, il ne réalise des allégories plus ou moins déguisées. Les sculptures, répandues dans certains groupes africains et qui figurent une femme allaitant son enfant ou le portant, ne sont pas des maternités. Ou du moins, elles ne le sont pas au sens de la sculpture académique européenne. Elles sont débarrassées de l'attirail sentimental qu'elles pourraient susciter et qui généralement passe en fraude sous le couvert des idées abstraites. Elles visent beaucoup moins à donner une image touchante et attendrie d'un spectacle familier qu'à s'approprier des forces éparses dans la nature, qu'à incarner l'idée de la fécondité. Elles ne sont pas des symboles de ces forces et n'en proposent pas une image dans la distance du regard. Ce sont des instruments 'lui, par leur manipulation rituelle, permettent d'assurer la continuité de la famille et la production des biens terrestres. " . Jean Laude .La Peinture Française Et L'art Nègre
Matisse entreprit le Nu bleu après avoir travaillé pendant un certain temps au Nu couché I (qui avait failli être détruit à la suite d'un incident dans l'atelier).C'est la première peinture importante que Matisse exécuta après la mort de Cézanne survenue en octobre 1906. A la fois donc, une sorte d'hommage à Cézanne et l'affirmation d'une nouvelle liberté par rapport à ses conventions, à laquelle Matisse était parvenu en partie grâce à son étude de l'art africain. En vérité, le Nu bleu, qui était clairement voulu comme un nu " anti-Salon ", constituait une sorte de défi à La Grande Odalisque d'Ingres et à
Dans le Nu bleu, Matisse poussait plus loin les possibilités symboliques qu'il avait commencées à explorer l'année précédente. Pour mettre au point l'image, il utilisa ses souvenirs de l'oasis de Biskra en Algérie qui conféraient au tableau un sujet nord-africain, ainsi qu'une référence formelle noire africaine. Cette peinture ne constitue pas une transcription littérale de quelque chose que Matisse avait vu, mais plutôt, comme dit précédemment à propos de ses voyages, l'image symbolique de l'effet qu'avait produit sur son imagination son expérience de l'Afrique. Une oasis fraiche au milieu des palmiers avec une abondance d'eau, une luxuriance de plantes et de jardins contrastant avec le désert. Aussi chercha -t-il dans le Nu bleu à incarner cette force de vie par le dynamisme de l'œuvre. Une composition d'arcs et de courbes reliant la figure au paysage comme si la femme puisait son énergie de la terre.
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Jack D. Flam. Matisse Et Les fauves. Dans. W.Rubin.Le Primitivisme Dans L'art Du 20 ème Siècle
J.D.Flams'est attaché à étudier et à souligner les influences ultérieures du tribal sur l'art de Matisse. Ainsi Jeannette V la dernière tête de la série des généralement datée entre 1910 et 1913. L' 'inspiration pour cette tête renverrait à une figure Bambara figurant dans la collection du peintre et présente dans le tryptique des trois sœurs. On retrouverait aussi des proportions de la sculpture africaine dans les deux versions de(1907) comme la partie supérieure du torse, le développement de la tête, ou le cou étiré .
Ainsi le tableau Vue de Notre-Dame, 1914 où la simplification géométrique est des plus poussée :
" Il m'apparaît que ce mystère de La Porte-fenêtre tient d'abord à ce qu'à la différence de toutes les Fenêtre ouverte si nombreuses chez Matisse et bien d'autres peintres avec ou après lui, qui ouvrent sur un extérieur lumineux, l'ouverture de la porte-fenêtre est faite à l'inverse sur un espace ténébreux, que ce soit le jardin ou ce que nous verrons dans la suite des temps dans le silence habité des maisons. Mais, de plus, et je ne sais si Matisse en avait conscience ou non, aujourd'hui soudain, quand nous en voyons la date, 1914, et ce devait être l'été, ce mystère me donne le frisson. Que le peintre l'ait ou non voulu, cette porte-fenêtre, ce sur quoi elle ouvrait, elle est demeurée ouverte. C'était sur la guerre, c'est toujours sur l'événement qui va bouleverser dans l'obscurité la vie des hommes et des femmes invisible? L'avenir noir, le silence habité de l'avenir ". Aragon. Henri Matisse. Roman. Quarto. Gallimard.
Les Coloquintes, Les pommes sur la table, sur fond vert, Portrait de Sarah Stein et d'Auguste Pellerin II
Matisse s'est ainsi toujours refusé à " l'abstraction pure " qu'il trouvait desséchante. Cela se marque dans sa peinture, par l'habitude constante de ne pas effacer les repentirs, de laisser dans le tableau des empreintes, des traces du parcours. Il y a toujours des symptômes du rôle séminal de certaines sensations, de certaines observations, même dans les œuvres de facture très schématique. À l'origine d'une œuvre, il peut donc y avoir une sensation-émotion que l'artiste ne peut ni renier ni oublier, l'anecdote peut avoir quelque chose d'irréductible. De même, au cours du travail pictural, le physique et le mental s'entremêlent plus que ne voudrait le reconnaître un peintre chez qui l'intelligence et la volonté n'abdiquent jamais. D'où sa surprise de voir dans l'escalier de Chtchoukine, plusieurs années après qu'il se fut séparé de ces œuvres, que l'exécution de et de était moins plate et impersonnelle qu'il ne le croyait, que le travail de la main avait compté, rendant plus complexe le rapport des surfaces et des couleurs. Les souvenirs laissés en place du travail sont donc, en même temps que les doublons, la preuve que l'anecdotique que Matisse dénonçait "( il n'est plus besoin d'un art anecdotique ") ne se laisse pas facilement éclipser dans un schéma abstrait .
" Le visage humain m'a toujours beaucoup intéressé. J'ai même une assez remarquable mémoire pour les visages, même pour ceux que je n'ai vus qu'une seule fois. En les regardant je ne fais aucune psychologie mais je suis frappé par leur expression souvent particulière et profonde. Je n'ai pas besoin de formuler avec des mots l'intérêt qu'ils suscitent en moi; ils me retiennent probablement par leur particularité expressive et par un intérêt qui est entièrement d'ordre plastique.
J'ai fini par découvrir que la ressemblance d'un portrait vient de l'opposition qui existe entre le visage du modèle et les autres visages, en un mot de son asymétrie particulière. Chaque figure a son rythme particulier et c'est ce rythme qui crée la ressemblance. Pour les Occidentaux, les portraits les plus caractéristiques se trouvent chez les Allemands : Holbein, Durer et Lucas Cranach. Ils jouent avec l'asymétrie, la dissemblance des visages, à l'encontre des Méridionaux qui tendent le plus souvent à tout ramener à un type régulier, à une construction symétrique.
Pourtant je crois que l'expression essentielle d'une œuvre dépend presque entièrement de la projection du sentiment de l'artiste; d'après son modèle et non de l'exactitude organique de celui-ci ". Matisse. Entretiens. Dans Ecrits Et Propos Sur L'art.
S'engageant dans cette voie d'austérité, Matisse, afin de sauvegarder l'unité expressive, traite les visages d'une façon plus générale et en quelque sorte plus impersonnelle comme le célèbre portrait de Madame Matisse, de 1913 128. Le dessin du contour est net et précis et décrit un ovale parfait.
" Selon Guillaume et Munro, " presque tous les masques nègres sont uniformisés, simplifiés " ; ils ne sont pas " individuels et ne suggèrent aucune idiosyncrasie particulière ". On y rencontre " rarement l'accentuation d'une expression de la face ". Ainsi la courbe descendante de la bouche peut être déterminée non pas tant par le chagrin que pour faire réplique à une autre courbe descendante du front et arriver à une unité plastique " En 1919' H. Clouzot et A. Level avaient déjà effectué la même remarque et signalé que le " mode d'expression des masques nègres ne consiste jamais pour ainsi dire en une contorsion de traits, une grimace : ils ne rient ni ne pleurent ".
Cette systématisation va se poursuivre Avec le Portrait de Mlle Landsberg ,
La réduction du visage au masque y est d'autant plus sensible qu'elle est effectuée au sein d'un milieu chromatique à dominantes froides. Sur un fond d'outremer avec des passages d'émeraude, le portrait la jeune femme est construit par des axes verticaux soutenus à angles vifs par des lignes obliques. Elle est enveloppée par un système de courbes ocres à double foyer, Il est difficile ici de situer avec précision la référence qui aurait été faite par Matisse à un masque africain déterminé mais l'artiste a traité sa figure dans l'esprit des sculpteurs noirs. S'il ne s'est pas soucié de reproduire une œuvre précise, il a agencé quelques formes qu'il a pu emprunter (Les yeux lentilles, sans indication des pupilles se rencontrent dans certains styles africains, notamment congolais) en fonction du visage .Ces analogies formelles sont renforcées par l'aspect rigide du visage de Mlle Landsberg, aspect encore accentué par la couleur.
"Selon le témoignage du frère d'Yvonne Landsberg, " à la fin de la première pose, le portrait correspondait fidèlement au modèle; mais à chaque séance de travail, il devint plus abstrait et comparable... à une icône byzantine ". S'il ressemblait au modèle, ce fut toutefois " beaucoup moins physiquement mais davantage spirituellement ". Il semble bien que Matisse ait voulu au cours de son travail accentuer l'aspect qui, sous les espèces d'une ressemblance avec une icône byzantine, se dégageait dès la première pose. Et qu'il ait accentué cet aspect en se rapprochant de plus en plus des arts africains et des arts océaniens . "
Plus d'une fois, Matisse a eu des conflits avec ceux (ou celles) dont il faisait le portrait quand ils s'apercevaient qu'il ne les peignait pas pour présenter leur personne mais pour leur faire jouer un rôle.
Désignant à un visiteur un "portrait de jeune femme, avec une plume d'autruche au chapeau", Matisse déclare: "Je veux à la fois rendre ce qui est typique et ce qui est individuel, un résumé de tout ce que je vois et que je sens devant un sujet." Faire à la fois un "vrai portrait" et un "vrai Matisse" peut paraître plus facile en 1918, date de cet entretien, qui marque un retour au réalisme, que pendant la douzaine d'années précédentes. Mais, encore une fois, c'est la difficulté qui attire Matisse: réussir un portrait sans sacrifier sa manière serait se prouver à soi-même que la dichotomie, en ce qu'elle a de plus déchirant, peut être surmontée En s'attaquant à maintes reprises à cette tâche à l'époque où l'abstraction de son style semble rendre la pratique du portrait quasiment impossible, Matisse s'oblige à formuler des solutions concrètes ou, à tout le moins, des justifications théoriques à l'absence de solution pleinement satisfaisante, dont la variété et l'originalité exigent d'être relevées.
... "Mes modèles, figures humaines, ne sont pas des figurantes", proclame-t-il avec insistance. L'intérêt, pour lui, du portrait l'individu saisi dans sa différence - est précisément qu'il offre l'assurance que l'autre a sa vie propre: qu'il n'est pas indifférent. Or l'expression qui se lit sur le visage du modèle professionnel est inévitablement l'indifférence. Il faut donc que le peintre s'oriente vers une autre définition du portrait. "Je cherche, dit Matisse, je veux autre chose." L'une de ses démarches sera d'affirmer que ce qu'il cherche à portraiturer, ce ne sont pas les apparences - les ressemblances - superficielles, mais la vie profonde.
Matisse s'attachera donc à peindre des modèles qui, tout en étant des personnalités affirmées, font preuve d'intérêt, voire de sympathie et non d'indifférence envers son œuvre, c'est-à-dire envers le travail d'abstraction auquel il soumet leur représentation. C'est pourquoi, mis à part les membres de sa famille, le portrait le plus réussi est celui de son amie et amateur Sarah Stein. Le vertigineux chemin parcouru entre la femme empâtée que représentent les dessins préparatoires et le visage rongé jusqu'à la transparence par l'esprit que montre le tableau achevé s'autorise de la compréhension dont fit preuve la belle-sœur de Gertrude Stein envers la démarche picturale de Matisse. D'autant plus que le processus d'abstraction qui transforme l'effigie réaliste en icône rend compte d'un trait dominant de la dame de la rue de Fleurus: l'acharnement qu'elle mettait à substituer aux entraves d'un corps qu'elle méprisait le règne de l'esprit... " Pierre Schneider. Matisse. Flammarion
Comme le signale, Paul Thibaud, dans son article sur " Matisse Insatisfait ", un problème va hanter l'œuvre de Matisse, d'où ses hésitations, ses tâtonnements. Il va trouver dans les figures iconiques et un primitivisme " élargi "( outre les arts tribaux,les dessins d'enfants, l'art égyptien , les primitifs médiévaux ou l'art byzantin) une solution chaque fois provisoire de la tension entre fond et forme, comme du refus de l'abstraction pure .Mais Matisse peint à l'époque de la " Mort De Dieu ", du recul du sacré collectif. Le sacré ne serait donc plus que personnel (sauf dans son expérience marocaine en pays musulman où il avait rencontré à la place de l'individualisme européen une manière commune d'exister.cf le 1913), d'autant plus qu'il refusait les tentations de l'exotisme. Comment construire un espace qui procure paix, bonheur et élévations spirituelle ,( l'art de Matisse se voulant " utile " et thérapeutique) tout en reposant sur les émotions et la seule expérience personnelle du peintre et ainsi faire entrer le spectateur dans cet espace. Et Paul Thibaud de souligner le contraste entre le café marocain dans sa vie traditionnelle et la cathédrale qui ne révèle aucune présence humaine , presque inhumaine dans son abstraction.
,un caractère " magique " que n'expliquent pas les simples propriétés esthétiques et qui peut susciter la peur, la colère, comme la paix l'admiration , le bien être, ou l'angoisse existentielle.
" Le sacré, rappelons-le, est identique à l'origine et tout ce qui est initial est numineux. Or l'émotion, clé de voûte de la méthode, est suscitée par la première impression. Celle-ci contient donc toujours une parcelle du feu éblouissant du sacré: le coup de foudre qu'elle provoque chez le peintre n'est-il pas le mode habituel de l'apparition du numineux? Aussi, comme le notait déjà Novalis, "c'est par l'émotion que reviendront les temps anciens, les temps désirés...". De surcroît, l'émotion conduit à l'identification qui, selon Jung, est l'expérience première et en tout cas, l'ethnologie de l'époque était en train de le redécouvrir, l'expérience des peuples premiers ou, comme on disait à l'époque, des "primitifs". Ces recherches étant alors encore peu connues, Matisse puise dans l'Orient des répondants culturels à sa notion de l'identification. Néanmoins, son intérêt pour l'art nègre, dès 1906, montre qu'inconsciemment il était déjà attiré vers des productions dont C. Einstein définira, peu après, la structure métexique. Loin de s'opposer au sacré, la méthode l'introduit dans la pratique quotidienne.