Derrière la grandeur de Rome, l’envers du décor. Si l’histoire a voulu retenir du XVIIe siècle l’opulence de la cité des Papes, le Petit Palais s’est mis au défi de montrer, pour la première fois, le pendant populaire de cette capitale hors-pair. Misère, vice, violence et sexualité débridée : tel est le programme que propose l’exposition « les Bas-fonds du Baroque » à travers une série de 70 tableaux réunis en collaboration avec la Villa Médicis, offrant un regard inédit sur le quotidien de l’époque. Dans l’ombre et la débauche, la Rome souillée des quartiers oubliés.
© Soprintendenza BAPSAE per le province diLucca e Massa Carrara – Archivio fotografico.
Loin des canons du « beau idéal », les peintres caravagesques dévoilent un revers aussi grossier que fascinant. Non sans audace. Entre brigands, mendiants, ivrognes et courtisanes, la vermine a inspiré de nombreux artistes, à l’image du hollandais Pieter Van Lier qui s’est représenté en tant que sorcier dans son Autoportrait avec scène de Magie. Le diable au corps, libérant les sens par l’indécence. Il en va de même de la taverne, lieu de perdition par excellence éveillant chez le spectateur un sentiment où se mêlent frisson et excitation. Pris dans le tourbillon des excès de boisson et des jeux érotiques, il se voit interpellé sans cesse, complice dans La farce de Nicolas Régnier, ou même moqué par la célèbre fica, geste obscène (en référence au sexe féminin) réactualisant l’insulte à chaque regard. Un ancêtre du doigt d’honneur actuel, somme toute. Quand cette Rome marginale enivre autant que la gloire de Bacchus, on en viendrait presque à regretter que l’exposition ne soit pas plus dense en chef d’œuvres, tant elle rend aux gueux leurs lettres de noblesse. L’ivresse passée, on sort du Petit Palais comme après une fête bien arrosée : à la fois euphorique et misérable.