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La violence des patrons français

Publié le 17 mars 2015 par Mister Gdec

( Je vous préviens, vous avez fortement intérêt à tout lire, sinon, à quoi ça sert que je me décarcassasse, hum ? )

je viens de visionner une vidéo assez édifiante sur la mentalité de certains grands patrons français, qu'ont bien voulu partager sur leur compte twitter Clément Sénéchal et Vogelsong. Merci à eux. Le document vaut en effet son pesant de cacahuètes en matière de jargon libéral et de transmissions de valeurs éthiques et morales (sic) de toute évidence contraires (j'oserais même écrire antagonistes) aux nôtres, comme à ceux de la plupart des salariés français. Voilà qui représente de toute évidence plus que clairement, par l'exemple concret (l'individu dont il s 'agit étant pris la main dans le sac) la thèse des Pinçon-Charlot quant à une certaine oligarchie déconnectée des réalités, et une lutte des classes toujours d'actualité, telle que démontrée par l'autre bout de la lorgnette dans leur précédent ouvrage, " la violence des riches ", à propos duquel le titre de ce billet se veut écho complice. Ce document que je vais vous présenter, et le discours du grand patron dont il s'agit en est une, de violence, symbolique certes, mais caractéristique de l'univers mental dans lequel évoluent ses semblables. . Mais plantons d'abord le décor, celui-ci ayant son importance pour juger de l'entre soi de ces gens là, où se mêlent tout à la fois les affaires et autres activités économiques sous forme de " conseils ", la vie politique, les fonctions électives, sur fond de décor religieux... Même les fameux dîners du siècle nous apparaissent plus éclectiques... C'est dire. Nous sommes dans le cadre des " entretiens de Royaumont ", dont la vocation, nous disent leurs concepteurs sur leur site, " est de donner l'opportunité aux hommes et aux femmes du monde politique, économique, culturel...de débattre, en toute liberté de parole, toutes opinions confondues, à huis clos. En effet, c'est ainsi que naissent des idées nouvelles, des inspirations réciproques, et que les idées lancées se transforment en idées politiques. Prise de parole, ouverture d'esprit, convivialité, sont les trois grands principes qui régissent les Entretiens. " Vous jugerez de la nature de la convivialité dont ils 'agit par la suite... Sachez tout d'abord que le site sur lequel se déroulent ces nobles débats humanistes est celui de L'abbaye de Royaumont, " un ancien monastère cistercien situé dans le hameau de Baillon à Asnières-sur-Oise dans le Val-d'Oise, à environ trente kilomètres au nord de Paris. Cette grande abbaye cistercienne d'Île-de-France, construite entre 1228 et 1235 sous l'égide de Louis IX fut vendue comme bien national à la Révolution française. " "L'édifice fait l'objet de classements au titre des monuments historiques depuis les pour ses vestiges, pour les bâtiments de l'abbaye et pour le parc4. Depuis 1964 la Fondation Royaumont occupe et entretient les lieux. " Ceci était la minute culturelle nécessaire de Monsieur Gédécé, dans le but d'édification des masses laborieuses... Vient ensuite la description de l'aréopage, dans ce qu'il a de plus cohérent avec sa mission telle que décrite plus haut. Tout d'abord, l'organisation de la petite affaire familiale que sont ces entretiens là, au vu de ses administrateurs. On est dans l'entre soi. Rien que du beau monde, à l croisée des chemins entre les affaires, la politique et de mystérieuses prestations de Conseil... Pas de dangereux gauchistes en vue, dormez en paix, braves gens...J'ai vérifié la liste des invités sur leur site, et croyez moi sur parole, la diversité politique dont il est fait mention dans leur profession de foi (c'est le cas de l'écrire, vu le lieu) est tout à fait illusoire. Vient ensuite l'orateur dont il est question dans la vidéo qui fait tant tache dans notre monde moderne. Il s 'agit d'Alexandre de Juniac, PDG d'Air France-KLM, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, au titre de ses fonctions passées de ministre de l'Économie. En septembre 2014, il doit faire face à un mouvement social des pilotes sans précédent, de plusieurs semaines, dont j'ai parlé ici, sous un angle assez différent il est vrai de celui qui est rapidement suggéré ici, dans la vidéo, loin de leur propre réalité à huis clos et de la manière dont la personne qui l'a introduit en fait le portrait assez plaintif et compassionnel, dans un mouvement d'intense camaraderie digne de la lutte des classes. Mais pas la nôtre, assurément. Et donc dans ce cadre prestigieux mais néanmoins religieux (le libéralisme surtout quant il est néo, en est une en effet, indiscutable, et incontournable, qu'illustre assez bien le cardinal Minc, invité en ses lieux lui aussi, comme son ami patron du Medef, présent lui dans la salle...), Monsieur de Juniac est invité à disserter sur un thème imposé : " Les acquis sociaux contre les enjeux mondiaux ". Tout est déjà dit, c'est comme pour le Port Salut. Ce brave Monsieur qui vient de perdre 300 millions d'euros de sa poche (meuhhh non, que vous êtes bêtes ! Même pas vrai !) nous fait donc part tranquillement de sa docte science en matière de gestion de conflits et de gestion financière tout court, évoquant dans un premier temps la signification du terme " acquis sociaux " , qui serait pour lui un concept assez flou, pour lequel il n'y aurait aucune définition... Déjà là, on commence mal. Malaise culturel intense. Car nous, nous nous savons bien ce dont il s 'agit pour avoir à le défendre quotidiennement contre ce genre d'individus assez symbolique du gestionnaire moderne, prédateur financier type, dont on dénonce à juste titre le comportement antidémocratque actuellement. Mais à son ton, on sent qu'il préfère l'acception des anglo-saxons, certainement plus raisonnables, eux, puisqu'ils parlent de " bénéfice social ". Sourires entendus.... Moi, je n'entends pas. je me remémore simplement un colloque du même style, transfrontalier, il y a plusieurs années, avec le même genre d'individus, qui lui aussi se livrait au même exercice préliminaire (on notera au passage un manque d'originalité, donc), mais c'était à propos du terme d'insertion, où l'orateur nous faisait remarquer (hilarité plus ou moins gênée dans la salle) qu'en anglais, le terme insertion avait une connotation bien différente, plus sûrement sexuelle que dans notre pays où il s 'agissait surtout de parler exclusivement d'insertion sociale et professionnelle.... Ben oui, ce n'est pas si éloigné, comme sujet, en fait.... Toujours la même chose, cette idée de se faire baiser, en restant poli.... Puis vient ensuite l'habituel couplet forcé sur le coût du travail en France, seule variable d'ajustement selon lui. Un classique... " vous voyez bien, je me bats status contre statuts sociaux, face à Qatar, Singapour Air lines (in english), (oh, tiens surprise ! son ambassadeur est là !), Emirates, ou face à China Eastern (ouf, c'est fini, j'ai eu peur qu'il nous fasse toute la liste... Elle est si longue !). Et de laisser planer le doute sur la réalité de la durée du travail dans un pays qui considère comme un acquis social les 35 heures alors que ses cadres travaillent chez eux ou sur leur smartphone (ben tiens...)... " est-ce un acquis social ? Pas sûr , hein... ". Et allons plus loin dans l'abjection libérale, en relativisant le poids du travail des enfants qui travaillaient autrefois à 8 ans, puis... 16. (" la notion d'enfant a évolué" ..), s'attaquant à l'âge de la retraite, raillant encore et toujours la notion d'acquis social, comme un mépris envers nos vies... Et dans un contexte mondialisé des couts contre couts, voici enfin le clou du spectacle promis par l'ami Vogelsong, à 6mn10 : " Et des patrons français applaudirent le fait qu'au Qatar tout gréviste est envoyé en ... Propos exacts : " comme le disait mon homologue de quatar air lines hier, à propos de la grève : Monsieur Juniac, chez nous, c'est juste pas possible, on les aurait tous envoyés en prison. Et Juniac de lui répondre : ben euh... pas chez nous. " Et la salle d'applaudir.... inutile d'aller plus loin dans la contemplation de cette décadence morale et éthique de l'humanité. C'est bien trop pénible. Arrêtons là.

C'est grâce à ce genre d'exemples assez ignobles et significatifs de la violence symbolique des grands patrons que l'on comprend mieux, plus finement, de nombreux enjeux. Tout d'abord, le libéralisme est un totalitarisme qui se dissimule derrière un prétendu pragmatisme pour j ustifier tous les nivellements sociaux à travers le monde, vers le bas, alors que dans le même temps ces gens là ne se posent aucunement la question de leurs propres erreurs de gestion, et en l'occurrence de management social comme je l'ai démontré dans mon billet sur le sujet de la grève des pilotes. Ensuite, on voit à quel point, il semble normal et légitime dans leur univers mental et culturel spécifique d'appeler ouvertement et publiquement au démantèlement du code du travail (appelé à évoluer, pour utiliser leur sabir...), en une période où, pourtant, les français sont déjà bien touchés par les effets d'une crise qui, devenant structurelle, n'en est plus une et s'installe... Enfin, à partir du moment où l'on cautionne ce genre de discours, on comprend mieux également qu'un parti d'extrême droite puisse venir au pouvoir sans que cela ne dérange outre-mesure leurs intérêts, voire même les favorise... La discipline et l'ordre, ça a du bon, pour les affaires... Voilà voilà... je vous laisse à présent cette fameuse vidéo, que j'ai mise à la fin exprès pour que vous soyez obligés de me lire attentivement si possible, avant de vous jeter dessus sans en connaître le contexte et les enjeux. Merci pour votre patience. C'est à vous ;

La violence des patrons français
Les ENTRETIENS de ROYAUMONT : Alexandre de Juniac

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