Qui est responsable de la mort, a l'automne 1975, de pier paolo pasolini ?

Quelques heures plus tard, un jeune homme est arrêté pour excès de vitesse au volant de l'Alfa Romeo de la victime. Il s'agit de Giuseppe Pelosi, dit "Pino la rana" (la "grenouille"), un prostitué mineur âgé de 17 ans. Il ne tarde pas à avouer le crime, affirmant avoir agi seul. Une sordide histoire de bagarre homosexuelle ayant mal tourné, qui présente l'avantage de correspondre à la réputation scandaleuse de l'auteur de l'Évangile selon saint Matthieu. Condamné en 1976 à neuf ans et sept mois de prison, Pelosi assumera ce meurtre près de trente ans durant. Jusqu'à ce qu'en 2005 il revienne sur ses aveux sur la chaîne Rai 3 : " Je suis innocent [...], je n'ai pas tué Pasolini [...], on l'a exécuté. " Un retournement aussi spectaculaire que tardif, dont la sincérité sera contestée, mais qui corrobore les doutes des enquêteurs de 1975. Ces derniers, en effet, estimaient Pelosi physiquement incapable de mettre le corps de sa victime dans l'état où il fut trouvé. Ils s'étaient, en outre, étonnés de l'intrusion des services secrets dans le cours de leurs investigations.

Marxiste chrétien, révolutionnaire conservateur, contempteur de la société de consommation et du gauchisme soixante-huitard, Pasolini comptait autant d'ennemis à droite qu'à gauche. À 53 ans, il mettait la dernière main à son roman Pétrole, pour lequel il avait longuement enquêté sur la mort, dans l'écrasement de son avion, en 1962, d'Enrico Mattei, le fondateur de la compagnie pétrolière nationale italienne Eni (Valeurs actuelles du 12 février), et sur la disparition, en 1970, du journaliste Mauro DeMauro alors qu'il travaillait, lui aussi, sur les circonstances de cette mort. Eugenio Cefis, le successeur de Mattei à la tête de l'Eni et pilier de l'anticommuniste loge P2, y est largement mis en cause. Pétrole paraîtra à titre posthume, mais amputé d'un chapitre mystérieusement disparu.