Le premier tome (sur 3) d’une autobiographie en images d’un jeune et prolifique auteur – il est né en 1978 et compte une oeuvre déjà riche y compris au cinéma – pleine de tendresse et de froide lucidité. Avec des cases d’une grande simplicité, une mise à la couleur originale, la transmission du triste message de la réalité est claire, à la fois prémonitoire et décapante. Pleine de senteurs pas toujours agréables non plus …
Le narrateur nous dévoile ses pérégrinations à partir de ses deux ans, dans le sillage de son père Abdel-Razak, originaire d'un pauvre village près de Homs en Syrie et de sa maman Clémentine, qui se sont rencontrés à la Sorbonne. Lui est un boursier Syrien pas très porté sur la religion de ses ancêtres mais qui obtient son doctorat et choisit l'enseignement, elle le soutient et le suit.
Riad est un très joli bébé qui tient de sa maman une époustouflante chevelure blonde et montre très tôt des aptitudes pour le dessin : son modèle préféré est le portrait du Président Pompidou ! Mais le voici précipité dans le monde arabe, puisque son père a accepté un poste de Maître à l’université de Tripoli, puis quelques années plus tard il retourne en Syrie, dans le village de sa famille.
Rude retour aux réalités des dictatures moyen-orientales à une période où on se contente, en Europe, de compter les points entre pays arabes et Etat d’Israël, alors que justement, le père de Ryad est un homme de progrès pour qui l’Arabe du futur est un enfant qui va à l’école et apprend à penser pour lui-même … Il a étudié l’histoire pour faire de la politique. Plein d’illusions et d’idées toutes faites, il dit : « Je changerais tout chez les Arabes ! Je forcerais eux à arrêter d’être bigots, qu’ils s’éduquent et entrent dans le monde moderne … Je serais un bon Président. »
Pour Riad, les choses ne sont pas si simples. Il a bien du mal à se faire accepter par ses cousins qui voient en lui un étranger, et des « petits-camarades » qui le traitent de juif, l’ennemi héréditaire. Même son père se met à vouloir lui enseigner le Coran …
Désillusion, propagande, agressivité générale, cruauté gratuite envers les animaux, choc de civilisations, l’expérience est aussi rude pour l’enfant que pour ses parents. Stoïque, la maman supporte cette vie d’errance sans protester … Quel vibrant hommage d’un fils à sa mère !
Le prochain tome relatera les aventures du petit Riad à l’école d’Hafez el Assad en 1985. Ce n’est pas de la caricature, mais presque !
L’Arabe du futur, roman graphique autobiographique de Riad Sattouf, chez Allary Editions, 158 p. 20,90€