Secrets and Lies (2015): l’autre point de vue

Publié le 17 mars 2015 par Jfcd @enseriestv

Secrets and Lies est une nouvelle série diffusée depuis le début mars sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CTV au Canada. L’action commence alors qu’un matin en faisant son jogging, Ben Crawford (Ryan Phillippe) tombe sur le cadavre de Tom Murphy (Aiden Malik), un jeune bambin de 5 ans qui a été vraisemblablement assassiné. L’enquête est menée par la détective Andrea Cornell (Juliette Lewis), laquelle a tôt fait de suspecter cet homme marié et père de deux adolescentes en apparence, au-delà de tous soupçons. En apparence, certes, puisqu’au cours des épisodes, on en apprend toujours un peu plus sur tous les gens de la communauté, qui comme le veut le titre, ont beaucoup de choses à cacher et mentent sans cesse. Adaptation d’une série australienne éponyme, Secrets and Lies, malgré un manque de subtilité dans son traitement et un acteur principal plus ou moins convaincant, est tout même fascinante notamment du point de vue qu’elle adopte : celui de l’accusé. Et c’est cette boîte de pandore qui s’entre-ouvre après le meurtre et qui renferme tellement de mystères sur les protagonistes qui fidélisera les amateurs du whodunnit.

Un innocent suspect

Ben a sa propre entreprise de peintre à domicile tandis que son épouse Christy (KaDee Strickland) est agente immobilière. Ils ont deux filles, l’aînée Natalie (Indiana Evans) et la cadette Abby (Belle Shouse) et semblent filer le parfait bonheur. Toute la famille est affectée par le meurtre puisqu’ils avaient l’habitude de garder le petit Tom. Normalement, la détective Cornell n’a aucune raison de suspecter Ben, mais ses suspicions naissent du fait qu’elle est persuadée que le personnage lui cache quelque chose et elle n’a pas tort. La veille du drame, le couple a eu une violente dispute concernant Jess (Nathalie Martinez), la mère de Tom. C’est qu’elle et Ben ont déjà eu une aventure et c’est Cornell qui leur apprend à tous les deux que ce dernier était le père de Tom. Dès le départ, Jess suspecte son ex-mari Scott (Benjamin Ciaramello) d’avoir tué son fils étant donné une rupture difficile et son tempérament violent, mais cet ex-soldat a semble-t-il un alibi béton. Pour en revenir au meurtre, il se trouve que Tom est mort après avoir reçu plusieurs coups à la tête et l’arme du crime serait une lampe de poche de la même grosseur que celle qui a disparue du coffre à outils de Ben. Le temps passe, l’enquête piétine et les journalistes en quête d’un scoop tout comme la population qui est en quête de vérité s’impatientent si bien que Ben devient le bouc émissaire du voisinage. Comme si ce n’était pas assez, celui-ci s’aperçoit qu’on a remis la lampe de poche disparue dans sa voiture, laquelle est à coup sûr l’arme du crime.

Force est d’admettre que les meurtres d’enfants ont la cote en ce moment en fiction. Après les succès planétaires qu’ont connus The Missing et surtout Broadchruch, on se retrouve dans le même genre de dynamique avec The Slap où il est question de violence infligée à un enfant. ABC saute à pieds joints dans cette mouvance en apportant avec Secrets and Lies une nuance, mais qui est de taille quant au déroulement de la série puisqu’on nous montre le point de vue de l’accusé et non celui des détectives. Dès lors, ce sont les forces de l’ordre qui ont le mauvais rôle et la détective Cornell le remplit à merveille. C’est que dès le départ, on la déteste pour suspecter aussi rapidement Ben et cet acharnement nous semble dans un premier temps exagéré au point où l’on en conclut que le scénario est bancal. Mais il faut attendre une scène où Ben rencontre un éminent avocat pour comprendre où l’on veut nous amener : ce dernier lui avoue que la police, sous pression, a tout intérêt à l’accuser et l’enfermer afin de donner satisfaction à la pression populaire.

Cette information nous aide à jeter un regard nouveau sur le rôle du policier, ô combien encensé dans les séries les plus populaires sur les networks, en passant par les CSI à Chicago PD. Les personnages dans ces séries, même s’ils ont une vie personnelle des plus débraillées comme le lamentable Everett dans Backstrom, mettent toute leur énergie lorsque vient le temps d’enquêter. Pourrait-on envisager la possibilité que Cornell se trompe et qu’elle soit tout simplement une emmerdeuse plutôt qu’une détective consciencieuse? On se pose la question avec la nouveauté d’ABC grâce au point de vue original qu’elle adopte et cette intimidation à laquelle fait face le personnage de Ben vient même éclipser le meurtre qui était pourtant le point de départ de l’histoire!

Des suspects « insuspectables »

Reste qu’au bout des 10 épisodes, le téléspectateur s’attend à une confession ou une arrestation et que pour le moment, on ne connaît que les personnages qui étaient très proches de Tom et on doute que d’autres seront introduits à ce stade. Alors qui pourrait être le coupable? L’empressement de Jess à vouloir faire arrêter Scott sonne faux et Christy collabore plus qu’elle ne le devrait avec la police, comme si elle voulait inconsciemment faire payer Ben pour son infidélité. Dave (Dan Fogler), le meilleur ami de Ben, Nathalie, Abby ou Nicole (Meaghan Rath), la sœur de Jess : tous pourraient bien avoir avec la mort de Tom, qu’il s’agisse d’un accident, d’un instant de folie ou encore d’une vengeance contre Ben. L’important est que tous les éléments soient en place pour garder le téléspectateur captif et le pari est réussi pour le moment.

Un peu trop « câblée » pour les habitués des grands networks, pas assez aboutie pour des fans de séries plus pointues, Secrets and Lies navigue entre deux eaux et l’audience des deux premiers épisodes qui se chiffre à 6,06 millions reflète justement un succès en demi-teintes. Par contre, il faut ajouter 1,6 million de téléspectateurs additionnels dans les 3 jours suivants (Live + 3 day) et en plus, le taux de rétention au troisième épisode est excellent (5,96 millions en direct + 1,8 million live + 3 day). Et pour ceux qui ont pu voir la version originale australienne et qui ne veulent pas se relancer dans un visionnement, craignant qu’on fasse du copier/coller comme ce fut le cas pour Gracepoint ou The Slap, la série australienne était composée de 6 épisodes tandis que l’Américaine en comptera 10, donc quelques surprises sûrement en perspective.